Mourad Oulmi, P-DG de Sovac et président de l’AC2A : « Certains importateurs passent par des sociétés offshores pour facturer »

Mourad Oulmi

Mourad Oulmi, P-DG de Sovac, représentant officiel du groupe Volkswagen en Algérie et Président de l’Association des concessionnaires algériens (AC2A), revient, dans cet entretien, sur les nouvelles conditions relatives à l’importation des véhicules neufs.

Que pensez-vous des nouvelles obligations pour les importateurs prévues dans le décret ?

Le décret et le cahier des charges général est une bonne chose. L’AC2A a été consultée et associée aux débats sur ce projet dès les premières discussions dans le but d’apporter son expérience sur le terrain et enrichir les propositions pour réguler le secteur. Le secteur Automobile a connu depuis 2007 une certaine anarchie, dès lors qu’on est passé d’une trentaine d’importateurs représentants les constructeurs à plus de 180 importateurs dont certains ne répondent à aucune règle de commercialisation des véhicules neufs.

Aussi, le fait d’obliger les concessionnaires à s’approvisionner directement auprès des constructeurs, permettra de contrôler le mouvement de surfacturation. Certains importateurs passent par des sociétés offshores pour facturer. Ce qui augmente d’avantage la facture des importations. En obligeant le concessionnaire à acheter directement chez le constructeur, cela voudrait dire avoir une bonne maîtrise de facturation et d’importation des véhicules neufs.

Le nouveau cahier des charges d’importer des véhicules dotés d’un minima d’équipements de sécurité. Qu’en pensez-vous ?

Jusqu’à l’année dernière il n’y avait pas de normes de sécurité. Tous les véhicules entrant en Algérie n’avaient pas d’obligation d’avoir l’ABS ou des airbags. Il faut aussi savoir être réaliste, la priorité du gouvernement était d’ouvrir le marché et 75% du parc algérien avait plus de 20 ans. Il fallait donc renouveler le parc. Il était temps d’imposer de nouvelles normes, qui à mon avis, sont raisonnables. La Loi de finances de 2014 exige que tous les véhicules qui entrent en Algérie doivent répondre aux normes de sécurité internationales. Vous prenez des pays comme la France ou l’Allemagne, leurs véhicules sont dotés de presque dix airbags. En Algérie, aucun airbag n’était exigé ! On ne va pas exiger la même chose pour l’Algérie, mais au moins quatre airbags. L’année dernière plus de 4 000 personnes ont été tuées dans les accidents de la route et les équipements de sécurité ont montré leur efficacité dans la protection des automobilistes en cas d’accident. La sécurité de l’automobiliste est donc une priorité et n’a pas de prix. C’est à nous de nous adapter.

Ce cahier des charges arrive au bon moment, en tant que directeur de Sovac et Président de AC2A, je ne peux que féliciter le gouvernement pour le travail effectué… Economiquement, c’est une bonne chose pour le pays.

Ce même décret prévoit des délais de livraison de 45 jours pour les véhicules légers et de 90 jours pour les poids-lourds. Pensez-vous que les concessionnaires seront capables de les respecter ?

Ce n’est pas évident, car nous avons beaucoup de contraintes. Aujourd’hui, il faut trois mois pour importer des voitures neuves de chez le constructeur. Nous évoluons dans un environnement difficile, qui ne permet pas d’aller plus vite. Nous aimerions ne pas dépasser les 45 jours ou les 60 jours. Un bon manager a tout intérêt à ne pas conserver ses stocks. Tout gérant de concession doit avoir des objectifs de performances, pour alléger son stock. Cependant, entre l’homologation, les procédures de dédouanement, si l’on compte toutes les étapes dans l’importation on doit obtenir au moins 20 autorisations, si je dois les appeler comme ça. On essaye de s’adapter, de réduire les délais, mais on ne peut pas stocker du véhicule.

Il est également demandé aux concessionnaires d’investir. Dans quels domaines peuvent-ils le faire ? 

Le texte de loi nous demande sur une période de trois ans de faire un investissement dans le secteur de l’automobile, et en particulier dans la sous-traitance ou la pièce de rechange. Le seul moyen de faire baisser la facture d’importation est d’exporter à notre tour. Maintenant c’est très difficile pour eux de fabriquer, car nous n’avons pas un important tissu de sous-traitants, notamment chez les équipementiers. D’un côté les équipements ne sont disponibles, car il n’y a pas d’industrie automobile, et de l’autre, il n’y a pas d’industrie car l’Algérie ne compte pas de constructeurs qui peuvent fabriquer plus de 150 000 véhicules.

Avez-vous fait des propositions au gouvernement ?

Nous avons proposé au gouvernement, en tant qu’AC2A, mais aussi dans le cadre des rencontres avec le FCE, de s’appuyer sur le modèle tunisien. C’est-à-dire de consacrer une partie de notre chiffre d’affaires à l’investissement pour la fabrication de la pièce de rechange dont une partie sera commercialisée en local et une autre partie pour l’exportation, auprès des constructeurs. Mais le souci principal n’est pas de fabriquer la pièce de rechange mais plutôt de la vendre. Si on n’a pas de marché à l’extérieur ça ne peut pas marcher. L’idée est d’exiger du constructeur de les acheter. C’est du gagnant-gagnant. La facture d’importation des véhicules et pièces de rechange avoisine les 5 milliards de dollars. Si l’on prend 10 à 20 % de ces importations et que l’on doit les transformer en exportation, ça représente 1 milliard de dollars. Alors qu’aujourd’hui les exportations hors hydrocarbures ne dépassent pas le milliard.

En fait, on va voir le constructeur pour lui expliquer qu’il y a un marché, que l’Algérie lui a donné l’opportunité de se développer. On lui propose alors d’acheter la pièce de rechange fabriquée chez nous plutôt qu’en Chine ou en Turquie. C’est valable pour toutes les marques. Chez Sovac, nous avons déjà entrepris des discussions avec Volkswagen pour aller vers cette optique.

Le marché de l’occasion échappe totalement au contrôle de l’État. Les concessionnaires comptent-ils investir dans ce secteur ?

En tant que concessionnaire ou même en tant que AC2A, nous militons pour ouvrir ce marché qui représente le double de celui des véhicules neufs. 800 000 voitures d’occasion s’échangent chaque année sur le marché. Cette activité est informelle à 100 %, car il n’y a pas de statut de commerçant qui vend des véhicules d’occasion ou d’impôt aux sociétés qui commercialisent des voitures d’occasion. Le chiffre d’affaires du marché de l’occasion échappe donc au contrôle de l’État. Le trésor public ne perçoit aucune taxe sur ce chiffre d’affaire. De plus les consommateurs ne bénéficient d’aucune garantie sur ces véhicules.

On a essayé ces dernières années d’ouvrir ce secteur, mais il y avait un problème sur l’application de la TVA. Nous avons donc fait nos recommandations aux autorités. La Loi de finances de 2015 prévoit la vente de voitures d’occasion par les concessionnaires. La TVA sera prélevée sur la marge à la vente.

AC2A veut que ce secteur soit ouvert à tous, les concessionnaires n’ont pas à avoir un monopole. Il faut que tous ces jeunes qui vendent actuellement ces véhicules, puissent continuer à le faire mais dans un cadre formel. Même les jeunes avec des crédits Ansej, on préfère qu’ils soient ramenés de l’informel vers le formel. Il faudrait même créer un code d’activité pour canaliser ces flux là. On évite ainsi la fuite financière, le blanchiment d’argent et tout autre type de trafic. Si l’on régule cette activité, en demandant par exemple à chaque commerçant de véhicules d’occasion d’avoir un local, il devra employer des personnes pour gérer son activité et créera en plus des emplois directs. Nous restons à la disposition du ministère du Commerce pour participer à la régulation de ce marché de voitures d’occasion.

En tant que P-DG de Sovac, quel bilan faites-vous de l’année 2014 pour votre concession ?

Nous avons vendu exactement 57 800 véhicules en 2014. Sovac a fait une très belle année, avec une part de marché de 20%. Le Groupe Volkswagen a exprimé son souhait de devenir numéro 1 mondial en 2018. Cette stratégie a été déployée dans l’ensemble des pays où le groupe est distribué. En Algérie, nous nous sommes inscrits depuis 2010 sur cette stratégie et nos résultats sont là pour le confirmer puisque nous étions 7e sur notre marché, et aujourd’hui nous sommes le 2e groupe sur le marché.


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