La chronique de Benchicou : H’mida Layachi entre Chomski et le harem du sultan (2)

Quand Abdelkader Metchat fut promu à la tête de la SIA, Saphir Taïder, Aïssa Mandi et Yacine Brahimi n’étaient pas encore nés, Messaâdia et Larbi Belkheir pas encore morts, Bouteflika pas encore président, le MP3 pas encore inventé, de même que Windows XP, le GPS, la direction assistée, la réconciliation nationale, les brigades anti-non-jeûneurs, le RND, le terrorisme résiduel et la réunion de Sant’Egidio, Amara Benyounès et Khalida Messaoudi étaient encore dans l’opposition et le café coûtait soixante-dix centimes au comptoir. C’était il y a si longtemps…

Aujourd’hui, Saphir Taïder, Aïssa Mandi et Yacine Brahimi sont stars de football et participent à la Coupe du monde au Brésil ;  Amara Benyounès et Khalida Messaoudi sont stars du pouvoir et participent au gouvernement Bouteflika, le MP3 a eu le temps de naître puis de mourir tout comme le RND, Windows XP, la réconciliation nationale, le 4-2-4, le CD rom, les brigades anti-non-jeûneurs, le terrorisme résiduel et la réunion de Sant’Egidio … et Abdelkader demeure sur son fauteuil, à la tête de la SIA !

Pareille longévité est le signe d’une maîtrise absolue de la « régulation de la presse par la rotative ». Abdelkader sait se mettre au goût du jour, se taire quand le rôle l’exige ou s’indigner quand l’urgence le commande. Il gère les humeurs et les connivences du régime.

Abdelkader administre le harem médiatique selon les priorités du moment.

La tâche n’est pas simple. L’histoire nous apprend qu’elle était confiée à un homme qui devenait, de facto, -le troisième personnage de l’État après le sultan et le grand vizir. Il faut, pour cela, de grandes qualités d’adaptation et un art consommé de la simulation.

La priorité du moment, conformément aux dernières volontés du sultan relayé par le nouveau vizir, semble être de décapiter les deux journaux de H’mida Ayachi. Ordre du palais. H’mida a contrevenu aux règles élémentaires du harem : s’opposer à la toute-puissance du sultan !  Il a encaissé l’argent sans s’acquitter de ses obligations.

Dans un système où les réseaux d’intérêt tiennent lieu d’État, la tentation est toujours grande de troquer un protecteur pour un autre.

Abdelkader fut chargé d’organiser la mise à mort à sa façon.

« Nous avons suspendu l’impression de onze journaux jusqu’à maintenant dont El Fadjr, Algérie news, El-Djazaïr News, Nation et Houria, El Wassit Al Magharibi, El-Adjwaa, Sahifa… Quatre autres journaux seront recontactés avant une éventuelle suspension d’impression. Nous sommes également toujours en négociations avec Al-Bassaer, un journal d’une association religieuse. » Il n’est nul question de gros tirages du harem qui cumulent un gros impayé ! La colère de l’imprimeur ne les concerne pas.

Pourquoi ne pas négocier avec Algérie News, El Djazaïr News ? L’instruction venue du Palais ne prévoit pas cela.

Abdelkader rappelle sèchement que le pizzo, l’argent de l’ANEP, doit maintenant être remboursé : « Concernant H’mida Ayachi, patron d’Algérie News, il a deux titres et entre huit et neuf pages publicitaires par jour. Qu’est-ce qu’il en a fait ? Il a fait une salle. Une sorte de bibliothèque. Ce n’est pas un gestionnaire. » Il revient à la trahison envers le sultan : « Sur les dettes, H’mida Ayachi m’avait dit qu’il n’avait pas d’argent, mais qu’il négocie avec un clan au pouvoir. Je lui ai répondu : je ne parle pas du futur mais je parle du présent. Et  maintenant, vous avez six milliards cent millions de centimes de dettes. »

2

Abdelkader doit savoir mener la chose avec doigté. Surtout ne pas mêler le sultan ou même le vizir. Présenter la décision de suspendre les journaux de H’mida comme relevant de sa seule volonté. « Nous avons fait le point, cela fait plus d’un mois, sur les dettes à récupérer. On s’est dit qu’il fallait être à jour… » On s’est dit ? Qui est-ce « On », si persuasif ? Abdelkader ne le dit pas. Le journaliste le relance : L’opération de recouvrement des dettes, c’était votre propre initiative ? « Oui, c’est ma propre initiative ! J’ai des créances et je veux récupérer mon argent. Trouvez-vous normal que quelqu’un soit endetté  et qu’il aille ouvrir une télévision ou investir dans d’autres domaines ? La plupart de ceux qui ont beaucoup de dettes sont ceux qui ont des télévisions ou d’autres affaires. Je ne peux pas vous donner des noms, mais on le sait. »

Abdelkader n’a d’ailleurs pas la mémoire des noms.

Qui intervenait pour ces journaux ?

Chacun avait quelqu’un derrière lui qui le soutenait et intervenait pour lui.

Les services du  DRS en faisaient-ils partie ?

Je ne peux pas dire le DRS. Je ne sais pas. Il y avait des responsables et même des députés.

Abdelkader sait que l’un des principaux régents du harem, avec Said Bouteflika, est le colonel F, un officier du DRS avec lequel il s’entretenait au téléphone de nombreuses fois par semaine.  F.  dans la hiérarchie familiale féodalisée, représentant Le Parrain à l’intérieur d’un territoire bien précis, celui de la presse. Son pouvoir était assez puissant pour en faire un seigneur régnant sur le fief hétéroclite des médias. Chez lui, à Ben Aknoun, dans le ventre du DRS, l’on prenait le thé et les instructions, moyennant une éligibilité à une part du butin publicitaire. Gardien des lieux saints de la connivence et guichetier attitré de la prébende publicitaire, le colonel F. assurait protection et fortune aux dirigeants de la presse qui prêtait allégeance. Il y avait entre lui et eux une sorte de rapport mafieux basé sur la trahison du métier et le partage de la prébende publicitaire,  l’argent de l’ANEP.

À suivre


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici