Suspension de journaux, publicité Anep, chaînes de télévision privées : les précisions de Hamid Grine

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Le ministre de la Communication, Hamid Grine, a assuré mardi soir que l’opération de recouvrement de créances impayées lancées par les imprimeries publiques n’était pas politique. Pour convaincre, il livre des détails et cite des cas de journaux suspendus par la Société d’impression d’Alger (SIA) pour créances impayées notamment Al Djazaïr News et Algérie News. Deux quotidiens propriété de H’mida Layachi. « J’ai reçu H’mida Layachi et je lui ai expliqué la situation. Je ne veux pas révéler le montant de sa dette. Je lui ai dit que j’étais prêt à l’aider mais à condition qu’il fasse un geste », raconte M. Grine au Forum du quotidien Liberté. « Un geste veut dire quoi ? Qu’il établisse un échéancier et qu’il paie quelque chose à la SIA. Il m’a dit qu’il n’avait pas assez d’argent. Que voulez-vous que je fasse ? Je ne vais pas appeler le DG de la SIA pour lui demander de faire une faveur », ajoute-t-il.

Aucune intervention

Le ministre de la Communication jure n’avoir jamais ordonné à une imprimerie d’imprimer ou de cesser d’imprimer un journal. Il explique avoir donné trois instructions aux imprimeries publiques. La première est de « résister à toutes les formes de pression ». « Jusqu’à maintenant, ils n’en ont aucune. Moi non plus », affirme l’intervenant. La deuxième est d’être « équitables » et de ne peut pas faire dans les deux poids deux mesures. La troisième est le fait de n’épargner aucun journal. « Je leur ai dit : faites un traitement technique et je vous protège et que seuls le Premier ministre et le président de la République pourront intervenir et j’accepterai, car ce sont mes supérieurs sinon aucune intervention n’est admise. Et  cela fait un mois que l’opération est lancée. Vingt milliards de centimes ont été récupérés sur un total de 400 milliards », précise-t-il.

M. Grine a rappelé, sans le citer, l’affaire du quotidien arabophone El Fadjr, premier quotidien à être suspendu d’impression pour créances impayées après « deux ou trois ans de négociations et d’échéanciers non respectés », selon lui. « Certains de vos confrères ont écrit qu’il y avait un traitement politique. La directrice a payé, le journal a été réimprimé, donc il n’y a pas un traitement politique », dénonce-t-il avant d’ajouter : « Un journal a écrit que la directrice a eu gain de cause en référé, ce qui était faux ».

Huit journaux suspendus d’impression

En tout, huit journaux ne sont plus imprimés pour des dettes impayées auprès des imprimeries publiques. « Certains directeurs de journaux sont soulagés de ne plus être publiés, mais laissent une grosse ardoise », dit-il. Il a évoqué la situation de journaux criblés de dettes : « Mais dont les éditeurs ont des biens, des signes extérieurs de richesses ». « Je ne vais pas citer de titres, mais je peux vous dire qu’ils sont très nombreux », souligne-t-il.

Hamid Grine trouve embêtant que des quotidiens « sérieux soutiennent des canards boiteux ». « Dans le cas de la suspension de trois ou quatre journaux, si la presse se sent solidaire, j’invite les patrons de journaux à participer et à mettre la main dans la poche et à éponger les dettes » de ces journaux, lance-t-il.

« La publicité n’est pas un droit constitutionnel ! »

Interrogé sur la suspension de la publicité publique pour les deux quotidiens Algérie News et Al Djazair News, le ministre rappelle encore que « la publicité n’est pas un droit constitutionnel à ce que je sache ! ». « L’Anep a ses critères. Elle donne la publicité en fonction de son plan média et de ses objectifs de communication », ajoute-t-il en précisant : « De mon point de vue, Al Djazaïr News ne semblait plus être un support viable en termes du marketing pour l’annonceur ».

M. Grine affirme qu’il ne s’est toujours pas « impliqué » dans la gestion de l’Anep. « Je ne lui ai demandé ni de donner ni d’enlever la publicité », assure-t-il. Sur son point de vue concernant le monopole de l’Anep sur la publicité publique, Hamid Grine répond : « Je n’ai aucune réponse (…) Pour l’instant franchement, je ne me suis pas penché sur la question de l’Anep ».

« Marécage de la publicité »

Au cours de son intervention, Hamid Grine a évoqué le « vrai marécage de la publicité » où il suffit d’un registre de commerce pour créer une agence de communication. « Avec la loi sur la publicité, nous allons mettre fin à cette situation et seuls les professionnels pourront travailler dans ce domaine. Nous allons assainir ! », promet-il, en annonçant que la première mouture du projet de loi sur la publicité est prévue pour septembre prochain.

Deux chaînes privées rappelées à l’ordre

Hamid Grine a assuré que deux chaînes de télévision privées ont été rappelées à l’ordre par les autorités. Sans donner de noms. « Nous avons convoqué les responsables et nous leur avons donné des avertissements. Et nous pouvons aller très loin quand ça touchera à l’intérêt ou à la sécurité du pays », prévient-il. Et d’ajouter sur un ton plus ferme : « Nous avons rappelé à l’ordre deux chaines et si celles-ci touchent aux lignes rouges, on aura aucune clémence, aucune hésitation et nous fermerons leurs bureaux à Alger sans état d’âme ».

Le ministre de la Communication a rappelé que cinq chaînes de télévision privées sont accréditées en Algérie. « Ce sont des chaînes de droit étranger. Nous avons un seuil de tolérance et d’indulgence, concernant ces chaînes. On n’a pas senti la nécessité de les interdire », souligne le ministre qui précise ne pas pouvoir fermer « des chaînes qui ont leur siège à l’étranger ».

Ouverture de l’audiovisuel au privé

Sur l’ouverture du champ audiovisuel, le ministre évoque une volonté de ne pas rééditer l’expérience de la presse écrite. « Le plus grand tirage peut toucher un million de lecteurs, mais une petite télé peut toucher dix millions de téléspectateurs. La presse, même arabophone, est élitiste. La télévision touche des personnes passives. Or, il faut être actif pour lire », avance-t-il. Le ministre affirme que le prochain chantier du ministère sera l’audiovisuel.

« Je ne menace pas ! Je recommande ! »

Le ministre de la Communication a également parlé de son projet d’assainissement du secteur de la presse écrite et du concept du cercle vertueux. « De mon point de vue, la manne publicitaire ne doit pas être une manne de profit qui aille dans les comptes des responsables (des journaux), il faudrait qu’elle soit versée dans l’outil de développement », recommande-t-il. « Il reste simplement à mettre ce projet en exécution et nous avons déjà commencé en saisissant le ministère du Travail pour voir si les journalistes ont des contrats et s’ils sont bien payés », ajoute-t-il.

Hamid Grine a saisi l’occasion pour répondre aux « attaques » dont il dit avoir fait l’objet dès sa désignation au gouvernement. « Je n’ai pas vu d’objection (de la part des patrons de journaux). Mais j’ai vu quelques articles négatifs sur ce que j’ai dit. Cela m’a vraiment étonné, parce que j’ai rien dit d’autre que ce que demandent, depuis longtemps, tous les directeurs de journaux », assure-t-il.  « Des journaux ont parlé de menaces mais moi je recommande et j’avance à visage découvert », précise-t-il.

« Je ne suis pas Ghani Gedoui ! »

« Quand j’ai été nommé ministre, deux ou trois journaux m’ont critiqué et m’ont même attribué un nom qui n’est pas le mien. Cette information a circulé sur les réseaux sociaux. On m’a insulté et attaqué. Ce journal (TSA – Tout sur l’Algérie), où je suis supposé travailler, a fait une mise au point », raconte Hamid Grine qui assure : « Je ne suis pas Ghani Gedoui ! ». « Le problème, c’est que les journalistes qui ont écrit ces calomnies n’ont même pas pris le soin de vérifier cette information, ça m’a irrité. Il se trouve que le journaliste qui a écrit le papier avait mon numéro de téléphone, il aurait pu m’appeler », lance-t-il.

« Les journaux de la presse publique doivent être lus »

Le ministre de la Communication est revenu également sur le développement des journaux de la presse publique qui, selon lui, « manquent d’agressivité » et font « dans l’autocensure ». « Je voudrais que ces journaux soient beaucoup plus agressifs », soutient M. Grine. « Je leur ai demandé d’envisager de lancer des quotidiens électroniques de proximité pour le Sud. L’un en arabe et l’autre en français », indique-t-il avant d’ajouter : « Ce qui nous intéresse, ce n’est pas seulement l’appui au programme du gouvernement, mais que ces journaux soient lus aussi », ajoute-t-il.


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