Révision de la Constitution : référendum ou vote du Parlement ?

benabbou

La constitutionnaliste, Fatiha Benabbou, est professeur de droit à l’université d’Alger et spécialiste en droits parlementaires. Elle est l’auteur d’un livre intitulé «  Le droit parlementaire algérien ». 

Le chef de l’État est-il obligé de passer par le référendum pour faire adopter la révision de la Constitution ?

La procédure de révision de principe et de droit commun est décrite dans l’article 174 de la Constitution. C’est une procédure longue et solennelle qui associe quatre organes. Avant tout, l’initiative de réviser la Constitution est de la seule prérogative du président de la République. Il formule un projet de révision constitutionnelle. Celui-ci est soumis à l’Assemblée populaire nationale qui l’examine comme tout texte de loi. Ensuite, c’est au Conseil de la Nation d’examiner le texte. Puis, dans les 50 jours qui suivent, un referendum populaire aura lieu suite à la convocation du corps électoral par le président de la République. Cette procédure donne à la révision une véritable caution démocratique.

Exceptionnellement, il y a une autre procédure mais -et il faut le souligner- qui est  très limitée. C’est celle de l’article 176 de la Constitution. Cette révision ne passe pas par le référendum, mais par l’entremise du Parlement. Elle ne peut être qu’une révision de type mineur et technique et non pas profonde. Cette révision ne peut pas être enclenchée s’il s’agit de modifier les principes généraux de la société algérienne, les  libertés et les droits fondamentaux du citoyen, l’équilibre entre les (trois) pouvoirs et les institutions. Et c’est celle-ci qu’a appliquée le président de la République en 2008.

Par ailleurs, l’article 176 pose d’autres limites qui sont formelles. Le président de la République doit, en effet, demander l’avis motivé du Conseil constitutionnel, avis qui est publié au Journal officiel pour qu’il soit rendu public et critiqué. Ensuite, il faut que le congrès (réunion des deux chambres que sont l’Assemblée et le Sénat) adopte le texte à la majorité des trois-quarts.

J’insiste pour dire que la procédure la plus usuelle que prône la Constitution est celle décrite par  l’article 174 qui associe le peuple et donc qui passe par le référendum. Je m’énerve, car le président de la République a déjà utilisé, par deux fois, la procédure par l’entremise du Parlement pour des réformes très importantes. Surtout, la deuxième fois. Il ne faut pas oublier que c’est le peuple qui est le légataire et qui dispose de la souveraineté nationale.

Que risque-t-il de se passer si le président de la République passe par l’article 176 et le Parlement et non pas par le référendum ?

En 2008, le Président a déjà fait une erreur puisqu’il est passé uniquement par le Parlement.  Le Parlement actuel est en manque de légitimité, l’APN est décrédibilisée. Il y a eu introduction de parlementaires qui sont venus avec des chkara (sachets d’argent). C’est connu.  Si A. Bouteflika passe par le Parlement, il risque de manquer de légitimité et de caution, car le Parlement connait une collision avec le gouvernement. Donc, une révision qui se voudrait démocratique doit passer nécessairement par l’article 174. Le Président a intérêt à passer par un référendum, s’il veut faire une Constitution consensuelle et faire participer le peuple.

Quelle est la procédure exacte de l’article 174 qui impose le référendum ? 

L’initiative appartient au Président. C’est-à-dire qu’il propose un texte de révision constitutionnelle. Le texte va être déposé sur le bureau de l’Assemblé populaire nationale. Ce n’est pas une formation spéciale, mais ordinaire comme pour n’importe quel projet ou proposition de loi. Le texte est déposé par le président de la République et lui seul. Pas par son Premier ministre.

Une fois qu’il est déposé, le président de l’APN va saisir la commission juridique et administrative de l’APN. Celle-ci a deux mois pour déposer un rapport et éventuellement amender le texte, c’est le rapport préliminaire. Ce rapport sera discuté lors d’une délibération générale en assemblée  plénière et il peut y être apporté, si nécessaire, des amendements. Il y aura une seconde discussion et un vote. Ils vont voter soit les amendements de la commission ou les amendements des députés. Une fois voté, le texte sera transmis en délibération successive au niveau du Conseil de la Nation. Ce dernier va le dispatcher au niveau de la commission judiciaire et sera discuté en séances. Il n’y aura plus d’amendements qui pourraient y être apportés.

Le Conseil de la Nation doit l’adopter à la majorité des ¾ de ses membres. Mais en cas de désaccord, il peut y avoir une commission paritaire qui réunit les membres des deux chambres. C’est une commission spéciale. Elle est convoquée à la demande du Premier ministre. Ceci pour souligner que ce texte va passer comme n’importe quel projet de loi. Une fois passé devant le Conseil de la Nation, le président de la République, dans les 50 jours qui suivent, doit convoquer le corps électoral pour que le texte soit adopté par référendum. C’est la procédure qui est longue et solennelle, qui associe quatre organes et qui va donner le plus de caution démocratique et le plus de consensus au texte

Y a-t-il une tradition de référendum en Algérie ? 

Oui, justement. Dans la tradition algérienne et conformément à l’article 7 de la Constitution, c’est le peuple qui dispose de la souveraineté nationale. Le peuple exerce sa souveraineté par le référendum et par l’intermédiaire de ses représentants élus. Le référendum est placé en premier. La plupart des révisions passent par référendum. Sauf, comme je vous le disais précédemment, les deux révisions apportées par le président Bouteflika. Sa pratique favorise l’entremise du Parlement. Il faut aussi souligner que si le peuple refuse, le président de la République ne pourra pas faire de révision constitutionnelle.


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