Entretien avec Amara Benyounes : « Le peuple algérien a tranché et il n’y aura pas de transition »

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L’élection présidentielle est passée. Quelles sont les prochaines étapes ?

Au MPA,  nous avons assumé notre rôle de soutien au président Bouteflika durant la campagne électorale. Nous allons programmer un conseil national dans les prochains jours. Nous allons faire le point de situation avec l’encadrement du parti. La tenue d’un congrès sera, très probablement, décidée par le conseil national. Et nous allons également nous préparer pour les prochaines échéances électorales. Pour le président élu, les prochaines étapes sont : la prestation de serment, la formation d’un nouveau gouvernement et la présentation de sa feuille de route. D’après son programme, il y aura très probablement une révision de la Constitution. Si la révision est importante, elle sera très certainement soumise à référendum. Un référendum auquel on va se préparer au MPA.

Quels sont les principaux points qui feront l’objet d’une révision ?

Un certain nombre de sujets sont en discussion au sein de la société algérienne et je pense que le président de la République va apporter des réponses. Il s’agit notamment de la question relative au poste de vice-président, du nombre de mandats présidentiels, de la nature du régime (présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire), et là je pense qu’on restera dans un régime semi-présidentiel. Aussi, il va y avoir très certainement un renforcement des prérogatives du Premier ministre et du Parlement. Ce sont les points autour desquels il y aura un débat.

Abdelaziz Bouteflika avait déjà annoncé, en 2011, plusieurs réformes dont justement une révision de la Constitution…

La plupart des réformes annoncées ont été menées dont celles liées aux partis politiques, à l’information, aux associations. Je pense que la seule réforme qui a été arrêtée à cause de la maladie du Président était la révision de la Constitution. Elle est inscrite dans son programme. Et je pense que c’est son premier grand  chantier politique. Et je suis sûr qu’il fera des réformes qui vont approfondir le processus démocratique dans notre pays. Je ne sais pas si le projet est finalisé au niveau du président de la République. Si c’est le cas, il va aller très vite. Si ce n’est pas le cas, la révision de la Constitution aura lieu en automne.

Le FLN revendique la chefferie du gouvernement…

C’est le président Bouteflika qui a été élu et pas le FLN. S’il nomme Abdelmalek Sellal ou Youcef Yousfi, ce sont des personnes issues de la majorité présidentielle. Le président n’a pas nommé quelqu’un en dehors de la majorité présidentielle. Et si on se réfère à la Constitution actuelle, la nomination du Premier ministre est du ressort exclusif du président de la République. Ce dernier va nommer un Premier ministre de sa majorité présidentielle. Qu’il soit du FLN ou d’un autre parti politique, je ne pense pas que ce soit cela le plus important pour l’Algérie. Si les intérêts strictement partisans du FLN recommandent à son secrétaire général de revendiquer, il peut revendiquer ce qu’il veut.

Quelles sont les propositions du MPA ?

Je pense que les questions relatives à la vice-présidence et de limitation de mandats sont secondaires. Ce qui est très important pour le MPA, c’est la nature du régime. Il faut vraiment que nous ayons un président élu au suffrage universel. Je suis également d’avis qu’il y ait un chef du gouvernement doté d’importantes prérogatives et qui soit issu de la majorité parlementaire. Il faut absolument que les libertés individuelles et collectives soient consacrées de manière forte et puissante dans la Constitution algérienne. Ce sont les principales revendications pour un État républicain et démocratique.

La question du poste de vice-président n’est-elle pas importante vu l’état de santé du président ?

Justement, je pense qu’il faut arrêter de jouer avec cette question relative à l’état de santé du Président. J’ai entendu un candidat insinuer que le Président risque de ne pas terminer son mandat. Chose que je trouve gravissime. Le président Bouteflika a 77 ans et peut, je l’espère, encore vivre 20 ou 30 ans. Nous avons vu des jeunes de 40 ans partir du jour au lendemain. Personne ne maîtrise ce genre de choses. Maintenant, celui qui veut devenir président de la République doit attendre 2019. La question est tranchée.

Qu’en est-il du dialogue national avec la classe politique évoqué au cours de la campagne électorale ?

C’est un dialogue permanent entre le pouvoir et l’opposition. Une démocratie, c’est des partis politiques au pouvoir qui gouvernent, des institutions, une opposition qui discute de manière permanente. Cependant, j’avoue ne pas comprendre certaines choses. J’entends certains parler de conférence nationale pour la transition démocratique. Quelle transition ? Nous avons un président de la République qui va former son gouvernement et nous avons des institutions. Celui qui veut les législatives, il doit attendre 2017, sauf si le Président prend la décision de dissoudre le Parlement. Et celui qui veut la présidentielle, il doit attendre 2019. Je pense qu’ils sont restés avec les mêmes concepts d’avant le 17 avril. Donc, ce sont des personnes qui refusent d’ouvrir leurs yeux et de voir que le peuple a voté et qu’il y a un président qui a été élu. Ils utilisent également des menaces en disant que si le pouvoir n’accepte pas les conditions en termes de transition, il va y avoir un dérapage.

Le pays ne peut pas avancer avec des menaces. Nous avons vu un candidat lancer des menaces et nous avons vu ensuite comment le peuple algérien lui a répondu. Nous disons à ces gens : arrêtez de menacer l’État, de menacer le peuple algérien et avancez et structurez-vous comme vous voulez. Ils disent être nombreux. Qu’ils s’organisent alors et qu’à la prochaine élection, ils essaient de battre le pouvoir.

Ils représentent la moitié de la population si on tient compte du taux d’abstention lors de l’élection…

Jamais. Il ne faut surtout pas mettre cette abstention sur le compte des boycotteurs. Nous savons que les Algériens ne votent jamais massivement dans les grandes villes. Ces partis politiques ont participé aux précédentes élections et au cours desquelles on a eu un taux de participation de 44%. Avec leur boycott, on a gagné six points. Donc, quand ils ont participé, 56% des Algériens n’ont pas voté. Qui va revendiquer ces 56% ? Cela étant dit, on pourrait même leur accorder les 50%. Mais encore une fois le peuple a voté.

Lors des dernières présidentielles françaises, François Hollande avait obtenu 18 millions des voix et Nicolas Sarkozy 17 millions. Ce dernier a reconnu la victoire de François Hollande. La même chose aux États-Unis où Barack Obama avait fait près de 66 millions de voix et son adversaire 61 millions. C’est ça la démocratie. Qu’est-ce qu’ils veulent à travers une transition ? Ils veulent que le président Bouteflika soit évacué de la scène politique. Mais personne ne peut l’évacuer en dehors du peuple algérien. Ce dernier a tranché et il n’y aura pas de transition. Abdelaziz Bouteflika va présider le pays jusqu’en 2019. Je ne vois pas comment on peut revenir à l’avant-17 avril.

Peut-on parler d’une alliance présidentielle ?

Il n’y a jamais eu d’alliance présidentielle. En fait, c’est au Président de décider quelle forme donner à cette majorité présidentielle. Je peux vous parler de l’avenir du MPA. Nous sommes dans un soutien politique au président de la République, mais nous ne sommes en alliance ni avec le RND, ni avec le FLN ou le TAJ. Nous nous sommes retrouvés autour du soutien à la candidature du président Bouteflika. Nous allons voir le gouvernement qui sera nommé et si on va lancer des discussions entre partis qui ont soutenu le Président. Au MPA, nous sommes ouverts à toute forme de discussions.

Comment expliquez-vous la répression dont ont fait l’objet des manifestants lors de la marche commémorative du Printemps berbère à Tizi-Ouzou ?

Il ne s’agit pas de répression mais de dérapage de la part de la police. Un dérapage qui est inacceptable et qui a été d’ailleurs condamné, y compris par le DGSN et des policiers ont déjà été suspendus. Je suis certain que la commission d’enquête va déboucher sur des sanctions exemplaires parce que la police algérienne doit être exemplaire, notamment par rapport au respect des droits de l’Homme. C’est une police qui a beaucoup souffert pendant les années du terrorisme. En fait, il ne faut pas oublier que la veille, des militaires ont été assassinés par un groupe terroriste. Donc, il faut toujours rester vigilant parce qu’il y a encore un certain nombre d’endroits où se trouvent encore quelques groupes terroristes qu’il faudra éradiquer.

Mais pourquoi une marche qui est organisée annuellement a-t-elle été empêchée cette fois-ci ?

Le MCB est un mouvement profondément populaire, démocratique et pacifique. C’est un mouvement qui a été la base de la revendication démocratique et qui s’est battu pour le combat identitaire, pour les libertés individuelles et collectives. Ces marches se déroulent depuis 34 ans de manière pacifique et regroupaient, à un moment donné, des centaines de milliers de personnes. Malheureusement, il y a une démobilisation qui est due essentiellement à l’effritement des partis politiques de la mouvance démocratique. Mais il ne faut pas le confondre avec ces derniers mouvements qui sont nés au cours de ces dernières semaines, ces manifs.

Le MPA n’a pas condamné ce dérapage…

Si. Je condamne ce dérapage mais ce n’est pas de la répression. Le wali de Tizi-Ouzou a dit qu’il n’a jamais donné l’ordre d’interdire la manifestation. Je pense que le souci de la police était d’encadrer le circuit de la marche. Il y a eu trois ou quatre organisateurs de cette manifestation et il y avait eu donc trois ou quatre itinéraires différents. C’est ce qui avait créé apparemment le problème. Mais il faut laisser l’enquête suivre son cours et attendre les résultats pour se prononcer. Dans tous les cas, les images qu’on a vues sur internet sont inacceptables !

 


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