Entretien avec Amara Benyounes, SG du MPA : « on est loin du retour de l’ex-FIS »

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Le MPA appelle à des élections législatives anticipées. Pourquoi organiser des élections anticipées alors que l’alliance présidentielle dispose d’une majorité confortable au Parlement ?

Ce n’est pas une question d’une majorité à l’APN. D’abord, nous avons dit qu’il y aura une réforme constitutionnelle qui sera très probablement profonde et qu’il faut absolument que les institutions de l’État s’y adaptent en se mettant en conformité. La première institution concernée est l’APN. S’il y a de nouvelles prérogatives pour l’Assemblée nationale et pour le Premier ministre, il faut qu’il y ait des élections. Ensuite, nous avons dit qu’il va y avoir certainement un nouveau découpage territorial. Donc il va y avoir certainement la création de nouvelles wilayas. Comme il s’agit d’un scrutin proportionnel par wilaya, il faut que ces (nouvelles) wilayas soient représentées. Et puis, objectivement, depuis les dernières élections législatives jusqu’à maintenant, il y a une évolution dans la classe politique algérienne. Les rapports de force ont évolué. Le MPA par exemple pense qu’il aura beaucoup plus que  sept sièges à l’APN.

Pour vous, l’actuelle alliance présidentielle dont vous faites partie n’a donc plus de raison d’être ?

Il n’y a pas d’alliance présidentielle mais des partis politiques qui soutiennent le programme du président de la République, qui ont soutenu sa candidature et qui continuent à le soutenir. En dehors du soutien au président Bouteflika, chacun de ces quatre partis a ses spécificités.

Le gouvernement peut-il travailler sereinement sur ces dossiers avec tous ces débats politiques ?

Oui et il est normal qu’il y ait des débats politiques. Je travaille en tant que secrétaire général du MPA sur les dossiers politiques dont la révision de la Constitution. Parallèlement, je gère le ministère du Commerce avec les priorités qui sont propres au ministère du Commerce. Il faut que le gouvernement travaille et le Premier ministre était très clair là-dessus. Surtout à l’approche de deux événements importants : le mois de ramadan et la saison estivale. Le gouvernement est en train de faire son métier et gérer les affaires du pays.

Que pensez-vous du projet de révision de la Constitution envoyé par Ouyahia aux partis et personnalités nationales ?

Je voudrais rappeler une chose importante qui malheureusement n’a pas été dite notamment par l’opposition. Ce ne sont pas les propositions du Président, mais celles des différents partis politiques et personnalités nationales rassemblés par la commission (Bensaleh, ndlr) et transmises au président de la République. Ce dernier a pris le document de la commission et le soumet une nouvelle fois aux partis politiques et personnalités. Je pense qu’il n’y a pas plus démocratique comme procédure. Et dans la lettre (envoyée par Ouyahia), il n’y a aucune limite aux propositions des partis et des personnalités. Au MPA, nous mettrons en place, dès demain, une commission pour étudier ces propositions et soumettre les nôtres à Ahmed Ouyahia quand on sera invités à dialoguer avec lui.

Des sujets importants manquent dans le projet envoyé par Ahmed Ouyahia…

Bien sûr ! Il manque pratiquement tous : la nature du régime politique, l’officialisation de la langue amazighe, les équilibres au sein du pouvoir, si l’assemblée aura plus de pouvoir ou pas, le Premier ministre…

Avez-vous déjà quelques propositions pour l’améliorer ?

Nous sommes pour un régime semi-présidentiel ; pour la sauvegarde du caractère démocratique et républicain de l’État algérien, pour le maintien du Conseil de la Nation, parce que nous pensons qu’il constitue un verrou important contre tout dérapage politique, et pour la consécration de toutes les libertés individuelles et collectives. Et dans les discussions des membres du Conseil national du MPA, il y a l’unanimité pour que la langue amazighe soit une langue nationale et officielle dans la prochaine Constitution.

Qu’en est-il de la question relative à la Réconciliation nationale qui fera également partie des débats autour de la révision constitutionnelle ?

Nous approuvons le projet tel que présenté par le président de la République. Cependant, nous disons qu’il faut faire attention puisqu’on entend un certain type de débats dans la société dont celui relatif à l’amnistie générale revendiquée par un certain nombre de personnalités de l’opposition. La réconciliation est bien cadrée par la charte qui a été votée par le peuple. Celui qui veut aller au-delà de cette charte doit, impérativement, revenir au peuple qui va trancher s’il veut donner plus ou pas. Cela étant dit, je pense que le Président a donné tout ce qu’il pouvait donner concernant la réconciliation nationale, que les blessures sont encore extrêmement profondes et qu’il faut faire extrêmement attention pour ne pas jouer avec ce genre de situations.

Que pensez-vous alors de la participation d’anciens responsables de l’ex-FIS et de l’ex-chef de l’AIS aux consultations autour de la révision constitutionnelle ?

Je m’en tiens aux lois de la République. Et je sais que la Charte pour la paix et la réconciliation dit deux choses qui sont très importantes. La première est que cette charte reconnait explicitement que le FIS dissous est à l’origine du terrorisme dans le pays. La deuxième est qu’elle interdit de manière explicite également à tous les responsables de ce parti de faire de la politique.

Pourquoi donc inviter par exemple l’ex-chef de l’AIS Madani Mezrag  pour les consultations politiques autour de la loi fondamentale ?

Il faut poser la question à ceux qui l’ont invité. Au MPA, on s’en tient aux lois de la République. Mais l’inviter pour l’écouter et discuter avec lui est une chose et l’autoriser à faire de la politique après en est une autre.

Il parle en tous cas du retour du « Front » après la révision constitutionnelle…

Je vous le redis encore une fois : celui qui veut aller plus loin que la charte doit revenir au peuple. Et ce dernier a tranché cette question et il n’y a que lui qui peut trancher sur le retour ou le non-retour (de l’ex-FIS, ndlr). Pour l’instant, la charte est très claire : pas de retour à la politique de ces gens-là. Mais il (Madani Mezrag) peut déclarer ce qu’il veut. Pour moi, on est loin du retour de l’ex-FIS sur la scène politique.

Et celui de ses dirigeants ?

La loi est claire ! Si ses dirigeants veulent refaire de la politique, la personne qui va prendre cette décision doit revenir vers le peuple algérien. L’affaire est tranchée. C’est depuis des années qu’ils disent : on va créer un parti. À chaque fois qu’ils déposent des dossiers pour l’agrément, il leur a été refusé.

Le projet de révision constitutionnelle prévoit la « constitutionnalisation » de la réconciliation nationale…

Je pense que c’est un principe sur lequel tout le monde sera d’accord. Quand on dit se réconcilier, c’est se réconcilier avec son histoire, son identité, son passé. C’est se réconcilier entre Algériens, apprendre à vivre ensemble, à s’aimer, à vivre dans la fraternité. En fait, il faut qu’on arrive à combattre cette haine qui existe un peu dans la société algérienne. La réconciliation est un vrai projet de société et il ne faut pas la limiter au terrorisme qui est un vrai drame national. Quand on dit que tamazight doit être langue nationale et officielle, c’est une réconciliation avec son identité et son histoire.

Quelle crédibilité auront finalement ces consultations en l’absence d’une partie de l’opposition ?

Ce n’est pas l’opposition qui va donner de la crédibilité à la Constitution. C’est le peuple algérien quand il va la voter. Lui seul peut crédibiliser ou légitimer une action et non tel parti politique ou telle opposition. Après les consultations avec les personnalités et les partis politiques, le Président ira ensuite vers le peuple algérien et c’est lui qui va trancher. Que l’opposition participe ou pas, le dernier mot reviendra toujours au peuple algérien. Cela dit, je ne comprends pas pourquoi ils refusent de participer à un débat.

Il s’agit d’une partie importante de l’opposition…

Importante en nombre de partis politiques ! Et c’est vrai que ce sont ceux de l’opposition qui font le plus de bruit. Mais une partie très importante aussi (de partis et de personnalités, ndlr) va participer. Et comme disent les mathématiciens, c’est une condition nécessaire mais non suffisante. Donc, leur participation est une bonne chose parce qu’il faut prendre l’avis de tout le monde, mais la Constitution est un projet de société. Il ne concerne pas uniquement le pouvoir ou l’opposition. Il concerne tout le peuple.

Un référendum sera-t-il organisé pour l’adoption de la nouvelle Constitution, selon vous ?

Nous le souhaitons et nous le demandons pour donner le maximum de légitimité et de crédibilité au projet. Cela est important puisqu’il s’agit de la loi la plus importante du pays. Le peuple algérien va trancher pour dire quel type de Constitution il veut.

 


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