Pourquoi l’Algérie a besoin de la Tunisie

louisa Ait Hamadouche

Louisa Aït Hamadouch est politologue. Elle revient dans cet entretien sur les enjeux de la visite du Président tunisien en Algérie.

L’Algérie est le premier pays que visite Béji Caïd Essebsi depuis son élection. Qu’est-ce que cela signifie ?

Un président nouvellement élu choisit sa première sortie internationale en fonction du message qu’il veut envoyer, lequel est directement lié aux intérêts de son pays. Un chef d’Etat cherche toujours à garantir de bonnes relations avec ses plus proches voisins, car son pays est supposé avoir les plus fortes relations avec ceux-ci. Les présidents américains choisissent toujours soit le Mexique, soit le Canada et s’ils dérogeaient à cette règle, les relations diplomatiques en seraient impactées. Ce serait un mauvais départ. Ceci étant dit, il serait particulièrement opportun du côté algérien, qu’il y ait de la réciprocité.

La Tunisie voit-elle en l’Algérie un sauveur, notamment sur le plan économique?

Oui, il y a des intérêts économiques, mais pas suffisamment. Et quant à parler de sauveur, je crois que ce n’est pas une vision réaliste. Les échanges économiques entre les deux pays restent marginaux, car les deux sont davantage tournés vers l’Europe que vers le sud. La Tunisie avait développé des relations économiques importantes avec la Libye mais celles-ci se sont effondrées pour les raisons que vous connaissez. L’Algérie et la Tunisie qui ne connaissent aucune tension politique pourraient développer une interdépendance qui leur serait mutuellement bénéfique. La Tunisie pourrait résoudre les difficultés économiques conjoncturelles dues à la transition et l’Algérie pourrait enfin entamer une vraie transition pour sortir de l’économie rentière.

Qu’en est-il des relations sécuritaires ?

La Tunisie et l’Algérie sont d’importants partenaires sur le plan sécuritaire. La Tunisie connait un regain d’insécurité due à la reconstitution de groupes terroristes et à la constitution de réseaux de transferts de terroristes vers le Proche-Orient. La déstructuration du régime policier et la faiblesse de l’armée tunisienne, d’une part, et la situation chaotique en Libye d’autre part, font que ce pays a plus que jamais besoin du soutien de l’Algérie.

L’Algérie tire-t-elle profit de sa relation avec la Tunisie ?

Là encore, pas suffisamment. Les préoccupations restent trop conjoncturelles et trop sécuritaires. Les deux pays sont indépendants depuis plus d’un demi-siècle. Ils auraient dû parvenir à un niveau de rapprochement autrement plus dense que ce qu’il est actuellement.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici