Rentrée : la galère des Algériens dans les administrations

Sans titre

Malgré les nombreuses réformes annoncées afin d’améliorer le service public, la bureaucratie reste la hantise des Algériens. Les mairies et daïras sont l’exemple le plus expressif. Nos journalistes se sont rendus dans plusieurs mairies de daïras de la Capitale. Le bilan est mitigé.

Bousculades à la mairie de Rouiba

Impossible de reconnaître la mairie de Rouiba, dans la banlieue est d’Alger, si ce n’est la pancarte qui indique l’entrée du siège. L’enceinte de l’état civil ressemble à un grand hangar. Cette dernière était une salle omnisports. Les gradins peints en bleu sont toujours là derrière les guichets séparés en boxes. Elle a été aménagée suite à d’importantes fissures au niveau de l’ancienne mairie lors du séisme de Boumerdès en 2003.

Á 8h15, les gens ne se bousculent pas devant les guichets de l’état civil. Le seul guichet qui rassemble un monde fou est celui des signatures. Tous les papiers délivrés doivent être signés à ce dernier. Deux agents sont chargés de signer les documents. Les gens sont rassemblés d’une manière anarchique devant ces guichets.

« Je suis arrivée avant vous ! », lance une quinquagénaire à une jeune fille. « Mais vous ne m’avez pas vue déposer mes papiers pour crier ? », lui répond méchamment la jeune fille. Tout le monde est impatient. « Je ne comprends pas pourquoi ils ne signent pas les papiers dans les guichets où on nous délivre les documents », s’interroge une jeune femme pressée de partir. Cette dernière est venue légaliser des copies de sa carte d’identité nationale, se faire établir un certificat de résidence et une fiche familiale. « J’ai dû faire deux guichets pour récupérer ces papiers et là je dois faire encore cette énorme queue pour les signer », soupire-t-elle.

Un autre homme se plaint de la file. « On ne pourra jamais être un peuple organisé », regrette-t-il.

Le bazar plutôt organisé à la mairie d’Alger

Quand on pénètre à l’intérieur de la mairie l’image saute aux yeux : une centaine de personnes qui s’activent chacune de leur côté pour remplir le papier nécessaire, signer le document important ou demander un renseignement. Il y a un monde fou à la mairie et le bruit est assez assourdissant. Mais le bazar est plutôt organisé puisque l’on peut distinguer les différents services grâce aux panneaux accrochés au mur : mariages, actes de naissance…

Pour les autres services en revanche, c’est la galère. Aucune indication pour le service de légalisation des documents par exemple. Il faut demander à plusieurs agents d’information. Quand on arrive à les trouver, parce qu’ils sont tous absents de leur bureau… le service se situe, en fait, derrière la mairie. Lorsqu’on y pénètre, une quarantaine de personnes attendent dans le calme. Mise à part l’un des guichetiers qui prend goût à hurler contre la plupart des administrés. « Assieds-toi au lieu de rester debout ! », hurle-t-il à un jeune homme dans la file d’attente, entre autres mots doux. Il ne faudra finalement que 30 minutes pour obtenir le papier légalisé. Bonne surprise.

Plus d’une heure pour légaliser un document à Dely Brahim

Á Dely Brahim, dans l’ouest d’Alger, la salle de l’état civil de la mairie grouille de monde. Le guichet de la légalisation est particulièrement sollicité. Jeudi dernier, il fallait attendre plus d’une heure, debout, pour légaliser un document. Un seul agent a été affecté à cette tâche. Si à la mairie la file d’attente est organisée avec une distribution de tickets, un agent posté devant le guichet de la légalisation fait ce qu’il veut. Les proches et les amis ne font pas la queue. Et tous les documents établis par les autres guichets (actes de naissance, fiches familiales, etc.) sont signés et cachetés par la même personne qui s’occupe aussi de la légalisation des papiers. La mairie n’a pas jugé utile de renforcer ce guichet particulièrement sollicité en cette rentrée sociale.

Le bon accueil à la daïra de Sidi M’Hamed

Á la daïra de Sidi M’Hamed, dans le centre d’Alger, la situation est différente. Dans une salle climatisée, plusieurs bancs sont mis à la disposition des personnes qui viennent régler leurs papiers. Á l’entrée, une dame est un peu perdue faute de trouver des tickets, mais un agent finit par l’orienter. « Cela fait plaisir d’être dans une daïra propre et où les gens sont sympas », se réjouit-elle.

« Ce n’était pas vraiment le cas avant ». L’agent nous explique que des efforts ont été déployés pour améliorer les conditions de travail et d’accueil. «  Nous faisons tout pour que le travail se déroule dans de bonnes conditions », explique-t-il.

Sa carte grise en main, un quinquagénaire nous dit qu’elle a attendu à peine cinq minutes pour pouvoir la récupérer.

L’anarchie à la daïra de Bouzareah

Mais à la daïra de Bouzareah, sur les hauteurs de la Capitale, l’anarchie est totale. Les demandeurs de passeport sont accueillis dans un petit bureau, très exigu. Il faut se lever très tôt, faire la queue devant la porte de ce bureau pour déposer une demande de renouvellement de passeport.

« Je suis arrivée peu avant 8h et j’ai trouvé que tous les tickets ont été distribués par le chef de service. Le distributeur de tickets était vide. L’agent m’a demandée de revenir le lendemain. Il y a un seul employé pour recevoir les dossiers », explique une dame, rencontrée sur place.

Les conditions d’accueil dans cette daïra sont exécrables. Sans doute les plus mauvaises à Alger. « Un nouveau chef de service arrivé récemment fait sa loi. Il prend les tickets et les distribus aux premiers arrivés. Il lui arrive de donner quatre tickets à la même personne », explique une autre dame.

Rien n’est prévu pour accueillir convenablement les handicapés, les malades chroniques, les femmes enceintes et les personnes âgées. Il faut au minimum une journée d’attente pour déposer une demande d’obtention d’un passeport.

Les aberrations de l’administration

L’administration exige la légalisation à la mairie de tout document contenu dans un dossier administratif. Par exemple, pour inscrire ses enfants dans une école privée, à la piscine ou dans une salle de sports, les parents doivent remettre une autorisation légalisée par la mairie. Une aberration lorsque ce sont les parents, eux-mêmes, qui procèdent à l’inscription.

Pour répondre aux appels d’offres lancés par les administrations publiques, les entreprise sont obligées de légaliser des centaines de pages, sur lesquelles les cachet de la mairie doivent y figurer clairement. Et souvent, l’agent en charge de confirmer la conformité des documents photocopiés aux originaux, procède d’une façon mécanique à mettre les cachets partout, sans vérifier réellement, page par page, ligne par ligne, que les documents sont bien authentiques.

C’est un travail épuisant pour l’agent d’état civil, une perte de temps et d’argent pour l’entreprise. Á l’ère de l’internet, l’Algérie continue de consommer des tonnes de papiers importés dans la légalisation des documents administratifs.

Outre les aberrations du système de légalisation, la durée de vie de certains documents administratifs est trop courte, notamment les certificats de résidence, les fiches familiales et les actes de naissance. Á chaque fois, le citoyen est obligé de se rendre à la mairie pour avoir ces documents.


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