Quelle est la place de l’université dans la campagne électorale ?

etudiant-algérien

Waciny Laredj est écrivain et enseignant à l’université. Il est l’auteur de plusieurs romans en arabe traduits dans plusieurs langues, dont Fleurs d’amandier (2001), Les Balcons de la mer du Nord (2003), Le Livre de l’Émir (2006), Les Ailes de la reine (2009).

Quel regard portez-vous sur la place accordée à l’Université, à la recherche et à la création littéraire et artistique par les candidats à la présidentielle ?

En écoutant de près les différents discours des candidats, je les trouve sincèrement vides et plats, ça ne vole pas très haut et c’est à l’image de ceux qui les animent. Je ne vois pas d’intérêt véritable accordé à l’université, à la recherche et à la création littéraire ou artistique. Nous n’avons que des mots et des bribes d’idées, sans substance ni pensées claires, comme dit le proverbe arabe, (celui qui ne possède pas une chose, ne pourra la donner). S’attaquer à un tel sujet requiert des réflexions claires et des projections dans l’avenir. Or, le quotient intellectuel de ceux qui animent les discours politiques actuels est très limité. Les discours restent donc, dans le social de tous les jours.

La question de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la création artistique, a-t-elle été suffisamment abordée par les candidats ?

Je ne sais pas. Il faut que le sujet les intéresse aussi et ça se comprend de toutes les manières, car le quotient intellectuel est très limité, aussi bien au niveau de l’écoute qu’au niveau du visuel, car la plupart des animateurs font face à une catégorie sociale  très populaire et très limitée intellectuellement et culturellement. Par conséquent, il est tout à fait normal que ce soit les sujets sociaux qui priment. Je pense qu’à coté de ce bain populaire normal et légitime, les politiciens auraient pu  organiser des rencontres et des réunions avec des intellectuels, des universitaires et des chercheurs de tous bords et ne pas rester uniquement dans le cadre des chanteurs et des sportifs. C’est bien d’accorder de l’intérêt aux sportifs et aux chanteurs, on comprend que ça rapporte sur le plan populaire, mais hélas, ça ne rapporte rien sur le plan de la pensée et de la réflexion. Ces animateurs devraient peut-être rassembler cette catégorie sociale d’intellectuels et de chercheurs et leur permettre d’exprimer leurs inquiétudes, car l’université est très inquiète (par sa composante enseignante et estudiantine). L’université algérienne connait une situation désastreuse actuellement.

Concernant la création littéraire et artistique, je pense qu’elle n’a pas été abordée du tout, étant donné que la question de la liberté d’expression n’est pas traitée, bien qu’elle soit le pilier de toute démocratie.

Y a-t-il un candidat par lequel vous vous sentez représenté ?

Sincèrement, au regard de la composante et des discours que je vois à travers les chaines officielles et officieuses, et en tant qu’intellectuel, universitaire, écrivain, créateur, et avant tout citoyen ; je me vois très mal représenté. Peut-être que cette semaine apportera-t-elle du nouveau. J’observe la dominance d’une mentalité totalement sclérosée, repliée sur elle-même, qui se reproduit constamment dans tous les discours. De ce fait, tous les discours sont semblables, mis à part ceux de Louisa Hanoune qui a, d’ailleurs, été la cible des Islamistes et de beaucoup d’autres.  Ce qu’il faut retenir, c’est que nous traversons un moment social qui est censé faire bouger les choses, cependant, il y a une absence de morale électorale. On peut avoir des avis différents, ils sont 6 candidats, ils peuvent s’accorder sur une charte ou un semblant de charte. On ne peut plus accepter des attaques frontales contre des individus, mais plutôt, c’est contre des projets et des programmes qu’il conviendrait de se battre.  Malheureusement, ces pratiques se sont manifestées au niveau social, à l’instar de ce qui s’est passé dernièrement à Bejaia, que je réprouve complètement. Il est inadmissible d’interdire à un journaliste de couvrir ou à un individu de manifester son mécontentement. Il faut que le principe du respect soit honoré, faute de quoi, on ne pourrait avancer dans l’avenir.

Qu’attendez-vous du prochain président de la République ?

J’attends d’abord qu’il y ait une alternance, c’est d’ailleurs l’appel que je lance à travers les articles que je publie d’une façon hebdomadaire dans le journal « Al Qods Al Arabi ». L’alternance empêche l’installation d’une dictature ou de l’accaparement d’intérêts colossaux. Les intérêts existeront toujours, bien entendu, mais en revanche, l’alternance empêche ces intérêts de devenir une force décidante. Il faut donc, installer l’alternance, l’accepter et croire en les jeunes générations. J’espère que le prochain président – au regard de la Constitution – acceptera de donner des postes clés aux jeunes. Il y a certaines générations qui ont été complètement effacées, alors qu’elles ont bénéficié d’une formation très avancée et très forte et qu’elles peuvent apporter énormément au pays. J’attends aussi que le prochain président prenne à bras le corps les problèmes des jeunes, de l’université, de la liberté d’expression, que ce soit au niveau de l’audiovisuel,  de la presse écrite, ainsi que la liberté des radios, mais que tous cela soit conditionné par une charte de respect.

Toutes ces questions pourront être résolues, si le prochain président s’attaque aux vrais problèmes de tous les jours, il faut qu’il se tourne vers cette société. Voilà les principales attentes parmi tant d’autres.

 


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici