Campagne électorale : quelle est la place des réseaux sociaux et comment les candidats gèrent-ils leur image

Belkacem AHCENE-DJABALLAH est journaliste, expert-consultant en communication et professeur associé des universités. Il revient sur l’image des candidats à la présidence.

Comment les candidats gèrent-ils leur image lors de cette campagne ?

Assez mal, chacun d’entre eux se concentrant bien plus sur la critique de l’autre. Il faut  dire, il leur est difficile d’avoir une autre cible que l’autre, et en particulier le président Abdelaziz Bouteflika. En effet, l’Armée est intouchable (mise à part la « sortie », avant la campagne officielle, d’Amar Sâadani du FLN). Quant aux soutiens du Président, ils  se sont contentés de gérer une image bien plus qu’un personnage concret, étant donné sa présence-absence. Une tâche très difficile. On s’est contenté de louer ce qui a été fait, de diaboliser un éventuel changement et de prédire un avenir encore plus « radieux »   par la vénération d’une image quasi-sacralisée.

La télévision (chaînes privées et publiques) joue-t-elle un rôle important dans cette campagne ?

Il a été question, pour la chaîne publique, de poursuivre la fidélisation des électeurs déjà convaincus. Pour les autres chaînes algéro-étrangères de droit privé, il a été question de mettre hélas en direct  les bagarres, les invectives, les  accusations   et les  insultes.

Les réseaux sociaux jouent-ils un rôle important ?

Je crois que c’est la grande révélation-révolution de cette campagne. On le pressentait déjà, mais on ne le savait pas clairement. Tout particulièrement au niveau des publics des grandes et moyennes villes et des jeunes. Beaucoup d’informations ont été diffusées avant les médias traditionnels. Et puis on a retrouvé une profusion de commentaires et d’analyses (orientés ou non). Mais surtout par un savant mélange de l’image récupérée et d’un nouveau type de paroles iconoclastes, destructives même, le discours politique des candidats a été  déconstruit puis reconstruit à la mode « nouvelle vague ». Un succès fou qui démontre le génie populaire. On peut même dire que les réseaux électroniques d’information  classiques sont dépassés eux-mêmes par la verve et l’inventivité informative.

Ali Haddad finance ouvertement la campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika. Il est également propriétaire de la chaine Dzaïr TV, dont  deux émissions ont été censurées. Cela peut-il avoir un impact ou nuire à l’image du candidat Bouteflika ?

Il est, au moins, assez franc dans sa démarche, alors que d’autres chaînes et d’autres journaux n’osent pas avouer leurs sources de financement durant cette campagne. D’autres « financiers »  se cachent et on m’a même dit que certains avaient mis  « deux fers au feu ». On ne sait jamais ! Ce qu’il faut retenir, c’est que la puissance du candidat se trouve, c’est paradoxal, multipliée par le fait que le public, chez nous, aime bien (il ne le dit pas et, lui aussi, est hypocrite et le cache) la puissance de l’argent à qui il prête beaucoup de qualités. D’autant que ce système nous a habitués à « aimer l’argent ».

L’image du candidat Bouteflika y gagne en puissance (ce qui compense la maladie), car il fournit la preuve concrète que les « grands de l’économie nationale » sont à ses ordres ou à ses pieds.

Quelles sont les limites des nouvelles chaines privées de télévision ?

Pour les chaînes algéro-étrangères, il n’y a de limites que celles imposées par les législations des pays où elles ont leur siège social. En Algérie, elles ne sont limitées, jusqu’à nouvel ordre, qu’ avec la nouvelle Autorité de régulation et les futurs cahiers des charges imposés (mais vont-elles rentrer au pays ou demeurer à l’étranger ?) et par la réglementation sur les accréditations de leurs bureaux et de leurs journalistes (comme tous les journalistes de la presse étrangère) ou/et par le freinage ou l’interdiction de leur production de programmes, ou/et par la pression étatique sur les entreprises économiques se trouvant en Algérie d’accorder, à ces chaînes , de la publicité .


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