L’Algérie a encore du chemin à faire en matière de lutte contre les violences sexuelles à l’égard des femmes. Dans une synthèse rendue publique ce mardi 25 novembre à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Amnesty International revient sur les dernières mesures prises par le gouvernement.
« Si ces mesures constituent des pas positifs, il n’en demeure pas moins que les autorités ont fait preuve d’une attitude tout au mieux sélective, voire purement symbolique, dans leur façon de traiter la violence sexuelle et la violence liée au genre », estime-t-elle. « Le conflit interne et une vague d’agressions contre des femmes en 2001 ont mis en lumière la réalité de la violence sexuelle en Algérie », souligne l’ONG en donnant en exemple les violences subies, en 2001, par des femmes vivant et travaillant à Hassi Messaoud.
Indemnisation des femmes violées pendant la Décennie noire
Amnesty International revient sur le décret d’indemnisation des femmes victimes de viol pendant la Décennie noire du terrorisme. « Le décret 14-26 ne résout pas entièrement le problème du legs lié aux violences sexuelles perpétrées pendant le conflit et il est difficile de savoir comment ce décret sera mis en œuvre dans la pratique », indique l’organisation. Dans son document, l’ONG rappelle les violences subies par les femmes durant les années 1990. « Un certain nombre d’entre elles sont tombées enceintes à la suite de viols et ont mis des enfants au monde. Certaines ont contracté des maladies sexuellement transmissibles », selon A.I.
Renforcement de la lutte contre la violence à l’égard des femmes
Amnesty International évoque ensuite le projet de loi portant amendement du Code pénal et visant à renforcer la lutte contre la violence à l’égard des femmes. « Un projet de loi propose des modifications du Code pénal et un autre entend mettre en place un fonds gouvernemental destiné aux femmes divorcées qui ont la garde de leurs enfants et dont l’ex-époux ne veut ou ne peut pas verser une pension alimentaire », note-t-elle. « Même si ces réformes sont adoptées, la législation algérienne reste inadéquate pour protéger les victimes de violences sexuelles », assure l’organisation qui estime que le pays « n’est toujours pas doté d’une législation exhaustive qui puisse mettre un terme à la violence contre les femmes, dont la violence sexuelle devrait être un élément essentiel ».
Absence de statistiques
L’ONG aborde, dans son rapport, le problème des statistiques. « Il n’existe pas de statistiques exhaustives sur l’ampleur de la violence sexuelle et de la violence liée au genre en Algérie », indique-t-elle. « Mais d’après une grande étude sur la violence à l’encontre des femmes en Algérie, conduite par l’Institut national de santé publique (INSP) et publiée en 2005, 5,4 % des violences perpétrées à l’égard des femmes étaient de nature sexuelle », précise A.I.
Un chiffre qui est « probablement bien plus élevé en réalité puisque, souvent, les victimes s’abstiennent à dénoncer les abus à cause de la « stigmatisation associée au viol et aux autres violences sexuelles ». « Des données récentes assemblées par la police judiciaire et dont les médias algériens se sont fait écho indiquent que durant les neuf premiers mois de 2013, 266 des 7 010 plaintes déposées concernaient des violences sexuelles, notamment des cas de viols, de harcèlement sexuel et d’inceste », poursuit l’association.
Ce que préconise l’ONG
A.I. préconise « d’accorder pleine réparation aux victimes de violence sexuelle durant le conflit interne des années 1990 » en mettant notamment en place « une commission indépendante et impartiale chargée d’enquêter sur les crimes de violence sexuelle perpétrés durant le conflit interne ». L’ONG recommande aussi de « garantir que les lois, les politiques et la pratique répondent suffisamment à toutes les formes de violence sexuelle en adoptant une loi globale pour lutter contre le phénomène et en pénalisant le viol conjugal.
L’association prône aussi l’adoption des mesures « permettant de poursuivre effectivement les auteurs de viol et d’autres formes de violence sexuelle », notamment en abrogeant l’article 326 du Code pénal qui permet à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites s’il épouse sa victime laquelle est alors exposée à un mariage forcé ». Il s’agit aussi d’abroger, selon elle, les « dispositions législatives qui érigent en infraction pénale les relations sexuelles librement consenties en privé entre adultes ».