Les raisons de sa démission, Haddad, la situation de l’Algérie : Réda Hamiani nous dit tout

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Pourquoi avez-vous démissionné de la présidence du FCE ?

J’ai été reconduit l’année passée pour un nouveau mandat de deux ans. Mais après sept ans à la tête du FCE, j’ai estimé qu’écourter mon mandat serait bénéfique pour moi et pour l’Association. Je n’ai pas démissionné en claquant la porte du Forum. J’ai réuni les vice-présidents pour leur faire part de ma volonté de quitter la fonction de président et nous avons convenu que je m’occuperai de l’international. Les vice-présidents ont accepté ma demande vu mon âge, mon état de santé, mon travail. Nous avons avancé les élections, qui étaient prévues en décembre, au 27 novembre. Il y a aura donc l’Assemblée générale qui décidera certainement de porter Ali Haddad à la présidence du FCE, parce qu’il est l’unique candidat.

Votre démission est-elle liée à la polémique sur le soutien du FCE au quatrième mandat de Bouteflika ?

Non, pas du tout. La presse s’est emparée de l’affaire et nous ne comprenons pas le déphasage entre la réalité des choses et ce que les journaux écrivent sur le FCE. Le Forum se porte bien et il n’est pas au bord de l’explosion. La presse a avancé le chiffre de 35, 40, 90 démissions alors qu’il y a eu en tout trois départs. Il s’agit de Issad Rebrab, Slim Otmani et Farid Nezzar. Les journaux ont aussi fait état de différends entre Ali Haddad, Omar Ramdane et moi alors que c’est faux.

Donc, le FCE n’est pas en crise ?

Non. Le Forum n’est pas en crise, et il n’est pas au bord de l’explosion. Le FCE existe depuis 14 ans. Il commence à avoir des traditions et à prendre de l’épaisseur. Il est composé de chefs d’entreprises déjà établis et plutôt sages. Il n’y a ni climat de suspicion, ni dissension, ni crise interne. En quatorze ans d’existence, le FCE a fonctionné dans la transparence, d’une façon consensuelle. Les seules questions un peu délicates se posent lors d’élections à caractère politique compte tenu du fait que le Forum représente toutes les tendances existantes dans notre pays. Mais il y a des organes pour prendre les décisions.

Quel bilan faites-vous de votre présidence ?

Ce n’est pas à moi de faire mon bilan. Je me suis investi complétement. J’ai veillé à ce que le FCE se renforce et c’est le cas puisque le nombre d’adhérents est passé de 100 à 300 membres. Nous avons pu construire des relations privilégiées avec les patronats français, japonais, italien, espagnol. Le FCE est devenu un partenaire crédible des pouvoirs publics. Nous avons toujours eu comme objectif de défendre l’entreprise.

Avez-vous réussi à faire avancer certains dossiers ?

Nous avons été écoutés sur certains dossiers et sur d’autres non. Par exemple, en matière d’investissement, nous avons toujours demandé une réorganisation de l’Andi pour qu’elle soit du côté de l’investisseur pour l’encourager et promouvoir l’investissement. Au lieu qu’elle se contente d’un rôle administratif d’octroi d’avantages, l’Andi devrait être aux côtés de l’investisseur pour l’aider à régler des problèmes avec les banques pour les financements, Sonelgaz pour les raccordements au gaz et à l’électricité, etc. Les pouvoirs publics ont pris en compte notre demande dans la réforme de l’Andi qui est en cours.

Dans la loi de finances 2015, le gouvernement a fixé un taux unique de l’IBS pour les importateurs et les producteurs alors que vous avez toujours revendiqué des avantages aux producteurs. Qu’en pensez-vous ?

Nous avons toujours plaidé pour un traitement de faveur pour les industriels qui mettent leurs capitaux dans la production. On a été surpris de la disposition de la LF 2015 relative au nouveau taux unique de l’IBS pour les entreprises de production et les sociétés de service. Cette mesure diminue les incitations pour l’investissement productif au moment où les importations augmentent au détriment d’une production, qui s’atrophie. Tout le monde est d’accord, y compris les autorités, pour réunir les conditions pour rendre plus attractif l’investissement productif au détriment de l’imporation. Cette mesure ne va pas dans cette direction et nous le regrettons.

Cette mesure ne signifie-t-elle pas que le FCE n’arrive pas à peser dans les décisions économiques du gouvernement ?

On ne peut pas le dire. Il y a une ouverture de la part de nos autorités. Au FCE, nous avons toujours réclamé un bonus pour la production. Mais quand on examine la réalité économique, les services représentent aujourd’hui 23% du PIB contre 4% seulement pour l’industrie. Le législateur, qui s’occupe de fiscalité et donc de recettes pour le Trésor, cherche à encourager l’élément dynamique de l’économie. Mais nous ne partageons pas cette démarche.

Vous avez réclamé en vain le réaménagement de la règle 49/51 relative à l’investissement étranger. Est-ce que c’est un échec pour vous ?

Dès la promulgation de cette règle dans la LFC 2009, le Forum a pris position contre sa généralisation à tous les secteurs. Cette règle aurait pu avoir un sens si elle était appliquée seulement à des secteurs stratégiques. Il est inconcevable de l’appliquer à des industriels étrangers, sans tenir compte des projets. On ne peut pas traiter de la même façon un vendeur de voitures avec un partenaire qui vient nous ramener l’expertise, le savoir-faire, la technologie. En plus, dans le commerce où il fallait limiter la présence des étrangers. Dans l’industrie où chacun des pays de la région essaient d’améliorer son attractivité, nous avons sorti la règle 49/51. La présidente du FMI, Christine Lagarde, a confirmé en 2013 à Alger que l’Algérie était le seul pays au monde qui applique cette règle à tous les secteurs, sans distinction. Dans les discours officiels, on garde le principe de 49/51, mais elle sera aménagée. D’ailleurs, elle sort du code de l’investissement.

Mais l’extraire du code de l’investissement ne veut rien dire si elle reste dans la loi…

C’est un autre débat, on verra la formulation. Mais les esprits ont évolué. On considère que cette pièce maîtresse de l’attractivité de notre pays mériterait d’être allégée pour tenir compte de la réalité économique de l’investissement dans le monde et de la demande des PME/PMI. Les grands groupes s’accommodent facilement avec une règle pareille, mais ce n’est pas le cas des PME qui ne veulent pas être dans une position minoritaire. Depuis le départ, le FCE n’a pas cessé de réclamer, non pas sa suppression, mais son adaptation à la réalité économique.

Comment le FCE peut-il peser réellement dans les décisions ?

On n’a pas cessé de réclamer d’être consulter sur les décisions économiques prises par le gouvernement. Nous estimons qu’en étant acteur principal de la création de richesses, il serait opportun que le FCE soit consulté pour les lois de finances, le code de l’investissement, le code de commerce, etc. Cela reste notre objectif. Avec Ali Haddad à la tête du FCE, l’objectif principal est de participer activement à la prise de décision économique.

Soutenez-vous la candidature de Haddad ?

Tout le monde soutient Ali Haddad.

Y compris vous ?

Oui, je soutiens Ali Haddad. Je lui ai confirmé mon soutien. Je le connais depuis les années 2000. Il a beaucoup de qualités. Il est jeune, dynamique. Il est à la tête d’une grosse boite (ETRHB) qui a réussi en quelques années à devenir leader dans sa branche. C’est une façon de passer le flambeau aux jeunes.

Haddad est réputé proche du premier ministre Sellal et du frère du président Saïd Bouteflika. Pensez-vous que cette proximité sera bénéfique au FCE ?

C’est un aspect que nous allons regarder. Comment peut-il le mettre au service du FCE ? La candidature de Haddad est une aubaine et une chance pour le FCE. Avoir un chef d’entreprise comme lui qui peut donner de son temps, de son énergie et de ses relations pour que la voix du Forum soit audible et entendue par les autorités.

Le gouvernement a décidé d’autoriser les entreprises algériennes d’investir à l’étranger. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Il était temps. Nous avons intégré cette revendication auprès de nos autorités pour donner un atout supplémentaire à nos champions nationaux. Nous avons 700 000 entreprises dont 95% de TPE (Toute petite entreprise de moins de 9 salariés). On devait avoir 1,5 million d’entreprises, selon la norme internationale. On a 35 entreprises pour 10 000 habitants au lieu de 70. On est en retard dans la création d’entreprise. Sur les 700 000 entreprises, il y en a 200 qui commencent à compter.

Nous avons 500 entreprises exportatrices, mais seules 50 sociétés exportent d’une façon régulière, comme le groupe Benamor, Cevital, SIM. Ces entreprises ont besoin d’avoir des succursales à l’étranger pour pouvoir exporter. C’est carrément leur couper des ailes que de ne pas leur permettre de s’implanter à l’étranger notamment en Afrique. On était l’un des rares pays à ne pas le permettre. L’investissement à l’étranger donnera un plus à notre économie.

Les patrons sont-ils inquiets de la baisse des prix du pétrole ?

Les experts observent une tendance à la baisse des prix du baril. Il faut savoir qu’en dessous de 100 dollars le baril, nous n’aurons pas d’excédent commercial. Il faut savoir que nos exportations de gaz vers les États-Unis ont chuté de 50% à cause de l’exploitation du gaz de schiste par ce pays. Dans le même temps, nos importations ne cessent d’augmenter, à 60 milliards de dollars pour les biens et 12 milliards pour les services. En 2003, les importations étaient de 10 milliards de dollars pour les biens et entre 4 et 5 milliards pour les services. Aujourd’hui, l’Union européenne, qui est principal partenaire économique, est en crise, ce qui risque de peser lourdement sur notre économie qui dépend entièrement des hydrocarbures.

Que faut-il faire ?

Pour le moment il n’y a pas le feu. Nous avons les réserves de change et le fonds de régulation des recettes pour faire face. Mais le gouvernement doit préparer des plans pour essayer de réduire ou contenir les importations. Nos politiques doivent prendre en compte la baisse des recettes en devises issues en grande majorité de l’exportation des hydrocarbures.

Mais concrètement, quelle sont les mesures à prendre ?

L’Algérie vit au-dessus de ses moyens. Il faut réduire ou contenir les importations, en produisant localement pour substituer les produits importés par des produits locaux. Aujourd’hui, les subventions qui représentent 12% du PIB ne sont pas ciblées et profitent à tout le monde, y compris aux pays voisins. Il faut donc contenir les subventions et les cibler. Il y a des transferts sociaux qui coûtent une petite fortune à l’État. Et nous ne savons pas encore quel sera l’impact sur les dépenses du Trésor public de la suppression de l’article 87 bis. C’est une conjoncture difficile qu’il faut suivre avec beaucoup d’attention. Parce qu’une fois à l’OMC, la marge de manœuvre des autorités sera réduite.


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