Le projet de révision de la Constitution, une démarche en trompe-l’œil

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Treize petits partis politiques qui avaient soutenu le candidat Ali Benflis ont annoncé, lundi 19 mai, leur décision de ne pas participer au projet de révision de la Constitution initié par le pouvoir. Dans le même temps, Mouloud Hamrouche tient, de son côté, à des tables rondes avec des associations de la société civile pour prendre le pouls du pays, mais lui non plus ne semble pas désireux de donner son onction au projet de nouveau texte fondamental.

La même démarche est adoptée par la Coordination pour les libertés et la transition démocratique. En réalité, c’est bien toute l’opposition qui s’apprête à refuser de participer aux consultations entamées par le pouvoir exécutif, pour le jour venu, faire adopter par le plus grand nombre sa Constitution amendée et enrichie. Seul le FFS tergiverse encore. Mais, depuis le retrait de Hocine Aït Ahmed, ce parti multiplie les incohérences.

Dès lors, quelle légitimité pourra être revendiquée par le pouvoir quand cette révision aura été refusée par l’ensemble de l’opposition ? Certes, les partisans de cette révision iront répétant qu’Abdelaziz Bouteflika a été réélu avec plus de 81%. Cet argument ira de pair avec la « faveur » faite aux opposants d’enrichir une Constitution qui, prétend le pouvoir, n’est pas le fruit exclusif de ses décisions.

Dans le même temps, le pouvoir exécutif pourra également revendiquer la majorité dans les assemblées élues pour revendiquer la légitimité de son texte, mais là encore, il ne pourra pas faire l’économie des critiques de l’opposition quant à la régularité des scrutins qui l’ont porté au pouvoir. Enfin, qui se souvient qu’une commission a déjà travaillé à l’élaboration d’un texte constitutionnel avant les élections ?

En réalité, le pouvoir exécutif fait une proposition faussée à l’opposition. Pour au moins deux raisons ; c’est d’abord la personnalité de Ahmed Ouyahia qui pose problème. Le chef de cabinet du Président est une personnalité clivante et contestée loin d’être un acteur reconnu pour ses capacités consensuelles. Il est très largement impopulaire dans le sérail politique algérien qui lui reproche son arrogance et son absence de capacités d’écoute. C’est ainsi qu’il apparait comme une erreur de casting pour porter un texte qui devrait rassembler les différentes tendances du paysage politique algérien. Nommé, Ouyahia était le meilleur moyen de faire fuir tout parti ou personnalité sérieuse de l’opposition.

Ensuite, dès à présent, le pouvoir se place délibérément au-dessus de la mêlée et de l’opposition. Le pouvoir exécutif, qui a déjà présenté les grandes lignes de son projet de Constitution, ne laisse pas de place réelle à un amendement sérieux. Ainsi, ce n’est pas un projet de Constitution algérienne qui est aujourd’hui en discussion, mais bien le texte du pouvoir, adapté à la situation actuelle.  Une Constitution consensuelle ne peut être dégagée sauf si le pouvoir accepte de traiter d’égal à égal avec l’opposition, en acceptant d’être une partie des discussions au même titre que les autres.

Il aurait fallu, pour en être autrement, que les différents acteurs de l’opposition soient associés dès en amont, dans une posture visant à les reconnaitre pleinement et entièrement et à en faire des interlocuteurs bien réels au lieu d’appeler les uns et les autres à un simple droit d’amendement.

Avec cette parodie de consultation, le pouvoir pourra revendiquer avoir voulu associer tout le monde. Pourtant, il s’agira d’un texte en trompe-l’œil dans la droite ligne du scrutin présidentiel qui vient de se tenir.


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