Quel intérêt pour l’Algérie d’adhérer à l’OMC ?

Serrai

Abdelmalek Seraï est expert et consultant international. Il revient, dans cet entretien, sur l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

L’Algérie a entamé le processus d’accession à l’Organisation mondiale du commerce  (OMC) en 1995. Quel est l’intérêt pour l’Algérie de rejoindre l’OMC ?

Il y a ceux qui veulent qu’on adhère rapidement pour des raisons essentiellement stratégiques et politiques et il y a ceux qui y sont opposés pour des considérations financières et économiques. Le premier groupe veut que l’Algérie rejoigne l’OMC pour bénéficier d’une certaine expérience dans le commerce international. Le second groupe est opposé à une adhésion rapide pour plusieurs raisons. En effet, il faut comprendre que  les exportations algériennes sont composées à 97% d’hydrocarbures. Si nous adhérons à l’OMC, nous devrons automatiquement ouvrir le marché à l’international, nous allons, donc, être envahis par des produits provenant de l’étranger. Nous ne sommes pas en faveur d’une adhésion rapide parce que nous sommes incapables de produire des produits de qualité qui peuvent s’exporter. À quoi ça sert d’aller à l’OMC puisque nous n’avons rien à exporter. Néanmoins, dans les négociations actuelles, il y a des raisons techniques qui retardent notre adhésion. D’abord, il y a le prix du gaz. C’est notre première richesse nationale avant le pétrole. Adhérer à l’OMC  va nous obliger à aligner les prix des carburants et du gaz naturel sur ceux pratiqués à l’international ; ce qui est impossible et ne correspond pas à la vision socio-économique de l’Algérie. Ces produits sont subventionnés. Les Algériens bénéficient de subventions du gouvernement. Pour preuve, les prix du gaz et du pétrole en Algérie sont les moins chers au monde. Seuls l’Arabie Saoudite et le Venezuela pratiquent des prix bas comme les nôtres.

Quels sont les risques pour l’Algérie en cas d’adhésion à l’OMC ?

Si demain le ministère de l’Énergie décide de revoir les prix des carburants et du gaz à la hausse, nous  risquons une guerre civile. C’est ce qui explique que nous refusons d’obéir à l’ultimatum de l’OMC de les revoir. Par ailleurs, certains aspects techniques, comme la propriété intellectuelle et industrielle, posent problème. Les Européens veulent qu’on ouvre rapidement notre marché. Or, nous n’avons pas suffisamment d’enregistrements chez nous. Nous ne pourrons pas protéger notre patrimoine. C’est un aspect technique qui nous gêne énormément. Et puis, l’aspect financier tend à bloquer cette adhésion. Nous sommes dans une excellente position financière. L’Algérie est le deuxième pays arabe après l’Arabie Saoudite, le premier pays africain et le septième pays au monde sur le plan des réserves de change. Si nous ouvrons nos frontières, tout cet argent-là va, en partie, partir pour des projets mixtes. Or,  il faut sauvegarder notre patrimoine financier pour nos investissements locaux.

Si nous adhérons rapidement à l’OMC, je vous garantis que près de 40 % des sociétés algériennes vont disparaitre. Parce que nous n’avons pas le management nécessaire, le secteur économique est faible. Pour rejoindre l’OMC, il faut se préparer avec un plan de développement de l’industrie, de formation dans le métier de l’exportation. Je suis pour le report avec un programme d’aide à l’Algérie.

Le président Bouteflika a demandé au gouvernement d’accélérer le processus d’adhésion à l’OMC. Qu’en pensez-vous ? 

C’est politique. Il y a aura beaucoup d’opposition. Le patronat sera contre, les syndicats seront contre, le FFS et le PT seront contre, car nous allons perdre.


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