« La loi permet toujours au DRS des pratiques abusives »

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Amnesty international publie, ce mercredi 25 février, son rapport annuel sur la situation des Droits de l’homme. Bénédicte Goderiaux est chercheur d’Amnesty international sur l’Afrique du nord. Dans cet entretien, elle revient sur les inquiétudes de l’ONG concernant les « vastes pouvoirs du DRS ».

Dans votre dernier rapport annuel, vous critiquez les vastes pouvoirs du DRS. Avez-vous eu connaissance de cas concrets de détention et de maintien au secret de personnes par le DRS ?

Le dernier détenu algérien de Guantanamo, Ahmed Balbacha, a bien été détenu par le DRS lorsqu’il est revenu en Algérie. Ce qui montre bien que les prérogatives du DRS existent toujours dans les dispositions de la loi algérienne. Malgré les rumeurs faisant état de conflits internes au sein de cet organisme, nous n’avons pas vraiment constaté de changements dans la législation algérienne (en la matière).

Dans notre rapport annuel, nous dénonçons le fait que le DRS puisse toujours exercer de telles prérogatives. Car nous savons que ces prérogatives avaient rendu, par le passé, les détenus vulnérables à la torture et au mauvais traitement. En fait, la loi permet toujours au DRS ces pratiques abusives. Nous n’avons pas eu connaissance d’autres cas pour l’année dernière. Par contre, il y a une personne qui aurait peut-être été arrêtée par le DRS ces derniers jours.

Les changements décidés par le Président Bouteflika au sein du DRS n’étaient pas satisfaisants ?

Amnesty international connait le passé du DRS en matière de détention de personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme. Une détention qui est très souvent au secret et prolongée. La loi permet au DRS de détenir des personnes pendant douze jours sans qu’elles puissent avoir accès à un avocat par exemple.

Et nous estimons que les prérogatives du DRS n’ont pas été redéfinies malgré les changements annoncés par le Président de la République. C’est dans ce domaine que nous avons demandé des réformes. Or, nous constatons que le DRS peut continuer à détenir des personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme. Et ce n’est pas la détention en elle-même qui est problématique mais le fait que cette détention puisse se faire au secret et que le DRS puisse agir sans surveillance des autorités judiciaires civiles.

Donc les décisions étaient en deçà de vos attentes ?

Oui exactement.

Même si elles privent le DRS de certaines prérogatives…

Il est vrai que le décret de septembre 2013 supprime le bureau central de la police judiciaire (du DRS). Cela dit, un autre décret présidentiel publié en juin 2014 crée un service d’investigation judiciaire au DRS pour prévenir et réprimer les actes de terrorisme. Ainsi, les changements de 2013 peuvent apparaître cosmétiques.

Vous évoquez dans le rapport les querelles internes parmi les décideurs…

Lorsqu’il y a eu des rumeurs portant sur des conflits internes (parmi les décideurs, NDLR), certaines personnes estimaient que cela pourrait modifier le rôle du DRS et nous pensions qu’il y aurait peut-être des possibilités de changements en ce qui concerne la protection des droits de l’homme. Mais cela n’a pas vraiment eu un impact sur la question de la protection des droits humains.

Qu’est-ce qui vous fait craindre d’éventuelles exécutions extrajudiciaires dans la lutte antiterroriste ?

C’est le contexte et le poids des vingt dernières années qui nous font dire toujours la même chose. Des personnes membres de groupes armés sont tuées par les forces de sécurité. Ces informations sont régulièrement mentionnées dans la presse qui cite, généralement, des sources sécuritaires. Cependant, on ne retrouve aucune information sur la manière dont ces homicides ont eu lieu. Etant donné ce qui s’est passé pendant les années 1990, on est toujours en droit de se poser quelques questions. Il serait important peut-être qu’il y ait plus de transparence sur les circonstances de ces décès. Cela étant dit, il est vrai que la situation a beaucoup changé par rapport aux atteintes massives aux droits humains pendant les années 1990 et on le reconnait.


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