« La Libye risque de devenir comme l’Afghanistan ou l’Irak »

Libye milices

Larbi Farouk est un politologue, professeur de relations internationales à l’université d’Alger 3.

Le Président égyptien a appelé à une coalition internationale et à des frappes en Libye pour contrer Daech.

On peut considérer ses déclarations comme un retour égyptien sur la scène politique africaine. Depuis les années 1980, l’Égypte avait abandonné son rôle en Afrique en se focalisant sur le Moyen-Orient. Je suis persuadé que l’Égypte travaillera au profit des intérêts des grandes puissances, entre autres des États-Unis.

La déclaration d’Al Sissi est-elle une façon de se poser comme allié privilégié des Occidentaux en Afrique du Nord ?

À travers ses déclarations, le Président égyptien veut faire d’une pierre deux coups. Il veut réaliser des fins sur les deux plans : intérieur et extérieur en même temps. Actuellement, le régime égyptien souffre d’un manque flagrant de crédibilité. Al-Sissi veut convaincre son peuple qu’il est capable de le défendre et de le protéger. Au niveau de la politique extérieure, l’Égypte veut se montrer, comme à l’accoutumée, un allié fidèle des Occidentaux dans la région, notamment celui des USA et de la France.

Aujourd’hui, l’Égypte est un allié ou un concurrent de l’Algérie ?

Il y a eu lieu un dialogue algéro-égyptien concernant le sujet de la Libye. Les deux parties se sont mises d’accord pour régler le problème par des moyens politiques. Ils partageaient la volonté de se coordonner afin de restaurer la paix et la sécurité dans ce pays voisin. La décapitation des ressortissants égyptiens par Daech en Libye, il y a deux jours, a bouleversé tous les calculs. C’est vrai, l’Égypte a changé sa position mais cela ne veut pas dire qu’elle veut concurrencer l’Algérie. Chacun des deux pays a sa place dans la région.

On se souvient que la première visite à l’étranger d’Al-Sissi, c’était à Alger. Comment a évolué la relation algéro-égyptienne depuis ?

Depuis qu’Abdelfattah Al-Sissi a pris le pouvoir en Égypte, l’Algérie est restée neutre, refusant de s’exprimer sur le sujet. Mais je constate que les derniers temps, la relation s’est renforcée entre les deux pays. Peut-être d’ici fin 2015, l’Algérie reconnaitra officiellement le régime de Al-Sissi.

Quels seraient les risques d’une intervention militaire pour l’Algérie ?

Il est clair qu’une intervention étrangère en Libye inquiète l’Algérie. Cela pourra avoir des impacts négatifs sur notre sécurité. Je pense que l’approche proposée par l’Algérie est la plus adaptée pour le rétablissement de la paix dans le pays et la région. La Libye risque de devenir un cas semblable à celui de l’Afghanistan ou l’Irak à cause de la composition tribale de sa société. La situation est très délicate là-bas. Elle risque d’empirer en cas d’intervention étrangère.

Quelle est la réalité de la menace Daesh pour l’Algérie ?

Je crois que nous ne sommes pas vraiment menacés par Daech. Le danger du terrorisme est devenu transnational mais nous avons une armée forte. Depuis les événements de Tiguentourine, nous avons même renforcé notre stratégie militaire. Cela n’écarte pas la nécessité de veiller sur la sécurité de notre territoire, surtout par rapport à nos frontières est et sud. Malgré tout, on n’est pas à l’abri du danger.


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