Kader A. Abderrahim est chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), spécialiste du Maghreb et de l’islamisme, et Maître de conférences à Sciences-po Paris. Il analyse, dans cet entretien, la visite en Algérie du président égyptien, Al Sissi
Algérie a été la première destination à l’étranger du nouveau chef d’Etat égyptien, Al Sissi. Quelle lecture peut-on en faire ?
C’est sa première visite à l’étranger depuis les élections présidentielles égyptiennes. C’est une visite importante sur le plan diplomatique. D’autant qu’elle n’était pas prévue. Apparemment, il semblerait que le président Al Sissi a été détourné vers Alger, sans mauvais de jeu de mots, avant de se rendre au sommet de l’Union africaine. Visiblement, il y avait des urgences à discuter, notamment sur le dossier libyen puisque les deux pays ont des frontières communes avec la Libye. L’expertise et l’expérience de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme islamiste peut être utile à l’Egypte. C’est aussi une manière claire de signifier à la communauté internationale que l’Algérie tourne la page du coup d’Etat de juillet 2013 contre le président égyptien, l’islamiste Mohamed Morsi.
Peut-on dire qu’il y a une prise de position algérienne contre les islamismes égyptiens ?
Très clairement. L’élection du frère musulman Morsi en tant que chef d’Etat n’était pas une nouvelle accueillie avec beaucoup de joie par l’Algérie. Le fait que le Président Al Sissi fasse sa première visite à l’étranger en Algérie est important et symbolique et c’est une manière de l’adouber vis-à-vis de la communauté internationale, du monde arabe, juste avant le sommet de l’Union Africaine.
Quel est l’intérêt pour l’Egypte ?
L’Algérie c’est un pays qui compte. Avec l’Afrique du Sud, ce sont les deux géants du Continent. L’Algérie a beaucoup travaillé pour que l’Egypte soit réintégrée dans les instances de l’Union africaine, qui l’avait suspendue juste après le coup d’Etat contre le président Morsi. L’Egypte lui en est donc reconnaissante.
Quel est l’intérêt pour l’Algérie de recevoir Al Sissi ?
Il s’agit de mettre en commun les informations et les renseignements dont ils disposent pour lutter contre le terrorisme dans la région. Il y a les frontières avec la Libye, un pays qui vit aujourd’hui dans le chaos. L’Egypte et l’Algérie ont un intérêt direct à coopérer pour éviter d’être déstabilisées, notamment l’Egypte. Et puis l’Egypte est un allié stratégique du monde occidental, notamment pour les Etats-Unis. Elle pourrait être, à son tour, un relais des messages que pourrait lui demander de faire passer l’Algérie. C’est un échange de bons procédés dans les domaines diplomatiques et politiques.
