DÉCRYPTAGE. L’exploitation du gaz de schiste en Algérie en cinq points

gaz de schiste

Fracturation, pollution, contamination des nappes phréatiques. Ces mots font craindre le pire aux habitants du sud qui manifestent depuis plus d’un mois contre l’exploitation du gaz de schiste. Il y a deux jours, des habitants de In Salah ont fait arrêter de force un forage dans leur région. Que sait-on réellement sur cette ressource naturelle ? Comment se passe un forage, qu’est-ce que le gaz de schiste implique ? pouvons-nous échapper à l’exploitation de cette ressource ? TSA fait le point.

Á quoi sert le gaz de schiste ? Va-t-il changer notre vie ? Vaut-il la peine d’être exploiter ? Beaucoup de questions se posent sur cette nouvelle énergie. L’actuelle contestation dans le sud pousse à s’intéresser au sujet. Certains pays, dont les États-Unis, ont accepté de se lancer dans l’exploitation. D’autres, comme la France, refusent clairement de le faire. L’Algérie est encore divisée.

Le débat commence à peine à naître, alors qu’il aurait dû être amorcé dès 2008, lorsque le projet d’exploitation de ce gaz non conventionnel a commencé à naître, d’après Hamid Belkassem, journaliste environnemental et géologue de formation, très informé sur les techniques d’extraction. Le journaliste estime qu’à l’heure actuelle la « communication est très mauvaise sur cette question d’exploration et d’exploitation de gaz de schiste », et la méconnaissance des techniques et de cette ressource pousse à douter des intentions du pouvoir algérien.

1- Comment le récupère-t-on ?

Les Algériens ont du mal à se positionner sur ce débat. Quelle technique est utilisée et quels effets peuvent engendrer l’extraction de ce gaz sur l’environnement ? Hamid Belkassem explique quel est le procédé d’extraction le plus répandu :

Cette courte vidéo réalisée par l’AFP explique clairement la fracturation hydraulique, le procédé utilisé pour extraire ce gaz :

C’est donc cette technique que l’Algérie compte appliquer. « C’est la plus efficace », d’après le professeur Abdelhakim Bentellis, spécialiste en exploration et exploitation pétrolière. « Quand on fait la fracture, il faut maintenir la roche ouverte et pour ce faire, il faut faire pénétrer le sable et il doit être en suspension. Ce résultat s’obtient en injectant de grosses quantités d’eau dans laquelle on ajoute des produits chimiques. Ainsi ils permettent d’obtenir un aspect gélifiant et la possibilité au sable d’entrer dans la roche fissurée. Lorsque vous fracturez et que vous ouvrez la vanne l’eau va remonter à travers cette vanne avec les produits chimiques », précise le professeur Bentellis.

2- Quels risques ?

Pourtant les risques existent. Les plus craints par les Algériens, sont le risque sismique, la pollution des nappes phréatiques et des sols. Il faut dire que dans certains pays, l’extraction du gaz de schiste a provoqué d’importants dégâts. Pour Hamid Belkessam, on ne peut pas comparer les risques connus par d’autres pays, car les territoires sont très différents. Même si, selon lui, il existe des risques, ils sont contrôlables même durant l’exploitation. Il évoque l’instance de régulation des pétroliers à laquelle les compagnies pétrolières devraient rendre des comptes :

De son côté le professeur Bentellis estime que tout est contrôlable, il faut encadrer cette exploration. « On parle de gaspillage de l’eau, mais ça ne coûte pas grand chose de prévoir une station de traitement des eaux qui coûtera peut-être 200 000 dollars sur un forage de 20 millions de dollars, pour récupérer l’eau utilisée et la réinjecter dans les autres forages ».

Le Sahara algérien est relativement protégé de tout risque, contrairement à d’autres pays, selon M. Bentellis. « Ce que je sais c’est que l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie vont exploiter le gaz de schiste. Le risque zéro n’existe pas. Le nord de l’Algérie ressemble géologiquement à l’Europe du sud, et là il faut éviter l’exploration. Dans le Sud géologiquement parlant vous avez une zone qui n’a pas bougé depuis des millions d’années, le risque est donc minime. »

3- Des alternatives ?

Existent-ils d’autres méthodes à part la fracturation hydraulique ? Le professeur Bentellis répond : « Les initiateurs sont les Américains, qui ont utilisé plusieurs méthodes, ils se sont même tournés vers les explosifs. Mais l’expérience a prouvé que la meilleure méthode est la fracturation hydraulique ».

Explosifs, extraction avec du gaz et air comprimé, ou par CO2… il existe d’autres moyens, mais ils sont « très risqués », assure le professeur, qui explique que « l’Algérie fait de la fracturation hydraulique depuis 25 ans, surtout dans les forages verticaux, et non horizontaux. Certes le principe est le même, il demande juste un peu plus d’eau et une pression plus forte pour fracturer. »

4- Le gaz de schiste, une fausse solution

Le gaz de schiste est-il finalement inévitable ? Pour Hamid Belkessam l’option gaz de schiste est difficilement écartable au vu de la consommation des algériens en énergie, mais avertit-il, cette ressource n’est pas renouvelable et finira par disparaître.

La seule solution reste de réduire notre consommation en énergie, et d’éviter le gaspillage. Même son de cloche chez le professeur Bentellis, qui conseille de se concentrer sur les énergies renouvelables, « il faut penser à l’avenir, même le gaz de schiste aura une fin. Nous devons penser à l’avenir, nous sommes très en retard sur les énergies renouvelables. L’avenir c’est le solaire et la géothermie profonde », assure le professeur.

5- L’abandon n’est pas écarté 

Pour l’heure, l’Algérie n’en est qu’à sa phase d’exploration, même si le pays semble décidé à attaquer ce gaz, rien n’assure qu’elle puisse se le permettre. Pour Hamid Belkassem « l’Algérie optera pour la solution la plus rentable. Sinon pourquoi exploiter un gaz non rentable ? » :

La phase d’exploration qui n’est pas censée être polluante pourrait très bien conclure à des tests négatifs. Même si le potentiel de l’Algérie en gaz de schiste est conséquent, il ne suffira pas à notre consommation nationale qui ne cesse de croître. D’après nos experts, le gaz de schiste est une solution éphémère. Il faudra attendre l’horizon 2020, pour savoir vers quoi se dirigera l’Algérie.


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