Immigration en France : pourquoi les Algériens sont lésés 

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L’accord franco-algérien signé le 27 décembre 1968, et modifié par trois avenants en 1985, 1994 et 2001, régit les modalités de circulation, d’emploi et de séjour des ressortissants algériens en France. Maître Megherbi, avocat au barreau de Paris, appelle les autorités algériennes à revenir sur cet accord en préparant un quatrième avenant qui défendrait les acquis et qui permettrait d’instaurer un « volet sur l’immigration économique ». Il explique les raisons dans cet entretien à TSA.

Pourquoi appelez-vous à la révision des accords de 1968 ? 

 C’est un appel qui est intervenu après un constat. J’ai beaucoup de ressortissants algériens qui viennent me voir pour des questions liées aux demandes de régularisations. Je constate que dans la pratique du droit de l’accord franco-algérien, les Algériens sont très lésés.

Premièrement, par rapport à la régularisation par le travail et ensuite sur l’application réelle de la règle des 10 ans de présence sur le territoire français. Parmi ceux-ci, beaucoup ont des preuves certaines et probantes mais les préfectures ne les régularisent pas.

Pourtant, l’article 6 de l’accord prévoit une règle de plein droit pour délivrer des certificats de résidence d’un an portant la mention vie privée et familiale. Donc il y a un véritable déni dans l’application des règles pour les ressortissants algériens. Beaucoup travaillent, déclarés ou non déclarés, et peuvent produire des promesses d’embauche et ils ne sont pas concernés par la circulaire du 28 novembre 2012, car les algériens sont régis par l’accord franco-algérien. Donc le code de l’entrée, du séjour des étrangers ne s’applique pas à leur situation.

Cet appel je le lance parce que je suis aussi militant dans les associations des droits de l’homme, il y a une injustice qui s’est instaurée dans les préfectures à l’égard des Algériens qui souhaitent régulariser ou renouveler leur titre de séjour sur le territoire français.

Qu’en est-il des personnes qui viennent étudier en France, qui décrochent un poste et qui se voient refuser la demande de régularisation ?

C’est pareil, des fois il y a des abus, on se retrouve dans une situation d’arbitraire. Par exemple, certains n’ont pas pu valider leur 1ère ou 2e année universitaire pour des raisons personnelles, décès d’un membre de la famille, maladie ou autres… Certaines préfectures refusent systématiquement de renouveler leur titre de séjour étudiant. C’est contraire à l’esprit même de l’accord franco-algérien et à la jurisprudence qui s’applique à tous les ressortissants étrangers.

Concernant les changements de statuts, ce sont des règles spécifiques. En général, les ressortissants algériens ont déjà un titre de séjour valable et souhaitent passer de la mention d’étudiant à salarié. Dans ce cas, la préfecture à un droit de regard, la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et le Service de la main-d’œuvre étrangère aussi. Mais généralement quand vous avez un emploi qui correspond au diplôme, la préfecture vous donne une réponse favorable.

 Et pourtant, on entend souvent dire que les Algériens sont favorisés par rapport aux autres étrangers…

Non, avec mon expérience de quinze ans dans la pratique du droit des étrangers et des algériens en particulier, je ne suis pas d’accord sur cet à priori. Au jour d’aujourd’hui il vaut mieux être ressortissant marocain, sénégalais ou camerounais que d’être Algérien en France pour avoir facilement et rapidement un titre de séjour. La seule règle favorable pour un Algérien, c’est celle des 10 ans mais elle n’est pas applicable. Il y a aussi la régularisation de plein droit prévue pour les ressortissants algériens mariés avec des ressortissants français.

Pour résumer, la régularisation d’un ressortissant algérien passe soit par le travail soit par une présence de plus de 10 ans sur le territoire français ou par le mariage….

Aujourd’hui la régularisation passe essentiellement par le travail. Par exemple, de manière générale, j’ai des ressortissants tunisiens qui sont mariés avec des français et il n’y a pas eu de régularisation de plein droit. Car la préfecture a émis des soupçons. Depuis 2006 et la loi Sarkozy II, nous ne sommes plus dans l’immigration subie mais dans un esprit d’immigration choisie. Pour avoir rapidement ses papiers il vaut mieux être salarié.

Vous souhaiteriez que le gouvernement algérien appuie davantage sur le point de « l’immigration économique »?

Il n’y a que le gouvernement algérien qui pourrait modifier l’accord bilatéral. Je m’adresse aux autorités algériennes et directement à la présidence de la République, au Ministère des affaires étrangères et même les commissions d’amitié entre l’Algérie et la France qui pourraient éventuellement lancer les pourparlers pour modifier et préparer un avenant à l’accord franco-algérien. Il n’y a pas de réelle application de cet accord. Il faut aller dans les préfectures, la qualité d’accueil et de réception des Algériens s’est dégradée considérablement depuis quelques années (à Paris en particulier).

Les ambassades et les consulats d’Algérie concernés n’apportent pas une aide ?

Lorsque les ressortissants algériens établis en France se retrouvent face à des situations d’abus ou d’excès de pouvoir de l’administration préfectorale, ils prennent des avocats, ou demandent de l’aide aux associations institutionnelles comme la Ligue des droits de l’homme ou le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) ou encore des associations communautaires qui pratiquent le droit des étrangers.

Les ressortissants algériens n’ont pas ce réflexe d’aller voir le consulat ou l’ambassade pour demander une intervention. Ça peut arriver, il y a un service social par exemple au Consulat général d’Algérie à Paris. Il renvoie en général les Algériens vers les associations. Objectivement, l’administration algérienne consulaire facilite la vie des ressortissants algériens pour obtenir les attestations provisoires de passeports afin de déposer les demandes de régularisation auprès des préfectures).

Les procédures judiciaires entamées ont-elles de réelles chances d’aboutir ?

Oui, si on s’acharne et qu’on épuise toutes le voies de recours, si le dossier tient la route on arrive toujours à décrocher un jugement du juge administratif qui annule le refus de délivrance de titre de séjour du préfet. Quand le dossier est bon on gagne généralement.


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