REPORTAGE : les réfugiés nigériens de Bougara, entre misère et espoir

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Ils seraient plus de 200 à s’être installés dans la principale gare routière, et aux abords d’un arrêt de transport public de Bougara, tout près de Boufarik à l’ouest d’Alger. Des femmes, des enfants, des nourrissons, et des hommes qui tentent de survivre en faisant appel à la générosité des habitants de la localité. Selon un témoin ils seraient près de 150, qui ont été enregistrés par les autorités.

Arrivés avant le Ramadan, ils continuent d’espérer une réaction de l’État algérien pour se fixer définitivement dans notre pays. Ces migrants ont quasiment tous la même histoire : ils fuient l’instabilité politique qui règne au Sahel, et surtout la misère endémique.

Ousmane 24 ans, avec son visage poupin, son regard franc, et sa détermination fait office de porte-parole de ses infortunés compagnons. Les autres refusent catégoriquement de parler. Ousmane raconte qu’ils viennent tous de la région de Zinder dans l’extrême sud du Niger près de la frontière avec le Nigeria. La seconde ville du pays a une vocation agricole, mais la sécheresse et les mauvaises récoltes, les ont poussés à s’arracher à leur terre.

Le Nigeria voisin « n’est pas très accueillant avec nous », lance Ousmane. Les portes de la Libye voisine leurs ont été fermées depuis la chute du colonel Kadhafi. C’est donc vers l’Algérie que la plupart des migrants tentent leur chance, avec le risque en chemin d’être arrêtés et emprisonnés par la police nigérienne, ou rackettés par les passeurs. Ousmane insiste sur le fait qu’ils ne sont pas des clandestins. « Nous avons passé la frontière à Tamanrasset sans problème » affirme-t-il. Entassés dans des tentes dômes (45 selon notre comptage), dont les femmes sont les gardiennes et qu’elles construisent elles-mêmes, certaines d’entre elles ont accouché dans leur tente.

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Lors de la courte période de pluie, du début octobre, les femmes et les enfants ont été accueillis dans la mosquée pour y être à l’abri. Cela ne change rien sur le fond. Les conditions de vie de ces migrants sont déplorables, l’hygiène totalement absent, et ils ne doivent leur survie qu’à la bienveillance de la population. Ici nulle trace du Croissant rouge ou de l’Unicef. Les nigériens de Bougara sont livrés à leur misère. Devant nous des femmes s’épouillent et les enfants atteints de diarrhée font leurs besoins dans le terrain vague voisin.

Finalement, Fatou vient à notre rencontre, s’assure que nous sommes bien journalistes et nous livre le témoignage de sa vie, dans ce camp de fortune. Pour éviter les arrestations « nous sortons en famille avec les enfants » et d’ajouter pour être sûre que nous l’avons bien comprise : « Nous évitons de circuler seuls ». Avant de nous lancer : « Heureusement que nous sommes musulmans, les Algériens sont plus sensibles à notre sort ».

On n’ose imaginer ce qu’il en serait autrement. Il semblerait que le gouvernement ait l’intention de réagir. La ministre de la Solidarité souhaite « regrouper tous les migrants dans un camp unique », mais la tâche semble impossible. De son côté sa collègue de l’Education nationale a annoncé que tous les enfants de migrants présents sur le sol algérien « ont le droit d’être scolarisés ». Un début de réponse, on attend la mise en œuvre. D’ici là, Fatou, Ousmane et leurs compagnons de misère vont tenter de faire face à la vie !


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