Sur quels dossiers Humain Rights Watch cherche-t-elle à enquêter en Algérie ?

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Avez-vous eu une réponse de la part des autorités algériennes par rapport à la venue de vos chercheurs en Algérie ?

Non, mais il y a eu des indices positifs qui montrent qu’elles (les autorités) étaient plutôt favorables à la régularisation de notre travail en Algérie. Et, par rapport à la collaboration et au dialogue en continu et qu’il nous fallait déposer une demande. Ce qui laisse entendre que les visas seront dorénavant plus faciles à obtenir. Depuis 2005, nous avons déposé plusieurs demandes pour venir mener des missions d’enquêtes. Soit il n’y avait pas de réponses, soit il y avait une réponse négative. En 2014, nous leur avions annoncé que nous allons publier un rapport sur les camps de réfugiés à Tindouf. On a sollicité leur autorisation pour venir le présenter à Alger et aux autorités du Front Polisario. On a demandé aussi une autorisation pour tenir une conférence à Alger. Les autorités ont répondu favorablement avant d’avoir lu le rapport.

Considérez-vous cette réponse comme une volonté d’ouverture vis-à-vis des ONG de défense des droits de l’Homme ?

J’espère que oui. Je pense qu’avec ce qui s’est produit après le printemps arabe et l’état lamentable des droits humains dans certains pays ayant connu des révolutions manquées, l’Algérie et le Maroc pensent qu’ils ont quelque chose à montrer au monde. Ces deux pays ont donné à leur peuple une stabilité. Ils affichent plus de transparence et d’ouverture et tant qu’on s’éloigne de la décennie noire en Algérie, elles (les autorités, ndlr) sont plus ouvertes par rapport aux ONG. Même si elles savent que nous allons trouver des choses à critiquer.

Vous avez dit qu’il était plus difficile de travailler sur les droits de l’Homme en Algérie qu’au Maroc ou qu’en Tunisie. Pourquoi ?

Je n’ai pas dit que c’était le pays le plus difficile. J’ai dit que l’accès est plus difficile, ce qui complique le travail. Cela dit, on fait le travail même de loin. En Algérie, il y a heureusement, des défenseurs des droits de l’Homme, des avocats, des journalistes et d’autres sources prêtes à nous fournir des informations, des dossiers. Ceci dit, je pense qu’on ne pourrait jamais remplacer une présence sur le terrain. Cela veut dire d’être face à face avec des victimes, de revisiter les lieux de l’événement, de le reconstituer. Au Maroc, on a la possibilité de se déplacer sans problème. Au cours de la conférence, j’ai évoqué le fait qu’on est suivi dans certaines régions. Et, il y a des entraves, quelques fois, sur le terrain, surtout au Sahara occidental. En Tunisie, on travaille en liberté car on a une présence légale. On va où on veut et on visite des prisons. En Libye également, nous avons une présence légale. Malgré la situation très difficile et les dangers, notre chercheuse peut y aller quand elle veut.

Quels sont les sujets sur lesquels HRW voudrait enquêter en Algérie ?

Connaître un peu le fonctionnement de la justice par exemple. Selon des avocats, il y a beaucoup de procès qui ne seraient pas équitables. Donc ça nous intéresse d’avoir la possibilité d’observer les procès, de voir les dossiers avec les avocats, voir si les gens sont poursuivis dans des procès à caractère politique pour diffusion de tracts par exemple ou attroupement non autorisé. De voir comment les tribunaux appliquent la loi. Il y a aussi le dossier de la torture. On a pris connaissance de cas isolés et on souhaite savoir si c’est généralisé ou non. On doit travailler sur la base de témoignages, de dossiers et avec les avocats et les associations des droits de l’Homme pour bien mesurer le phénomène. Nous sommes très intéressés, également, par les droits de la femme. (En Algérie), il y a eu des réformes concernant ce sujet. On voudrait savoir quel impact ont-elles eu sur l’accès au divorce, si il y a une égalité entre l’homme et la femme concernant ce sujet ou est-ce que c’est plus favorable au mari. On voudrait savoir ce que fait l’Algérie pour combattre le phénomène de la violence conjugale.

Qu’en est-il du dossier des familles de disparus ?

La question des disparus est un dossier sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Nous avons déjà émis nos réserves et des critiques concernant la loi sur la paix et la réconciliation et surtout sur l’impunité qu’elle accorde aux responsables de dépassements graves. Mais dans tous les pays, nous n’avons pas de moyens pour faire tout ce qu’il faut. Donc on fait le bilan des violations les plus graves et celles sur lesquelles on peut aider à faire évoluer la situation. Notre objectif n’est pas seulement la dénonciation mais d’aider à promouvoir une meilleure protection des droits humains. Parfois, on choisit un dossier où on peut avancer. C’est un équilibre parce qu’on a des moyens limités.


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