Reportage. Sur les lieux de l’enlèvement du touriste français

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Sur la route menant vers Tikjda, à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau d’Ait Ouabane, lieu d’enlèvement d’Hervé Gourdel, les véhicules se font rares au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans le massif montagneux du Djurdjura. Encore un peu plus sur la route de Takhoukht. Cela n’a pas échappé aux habitués. Ils ont même constaté l’apparition, depuis hier, d’un troisième barrage de gendarmerie à l’intersection menant vers les Ouacifs d’un côté et Iboudrarène de l’autre.

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Contrôles renforcés

Les hommes en uniforme vert sont aux aguets. Armes à la main et traits marqués, ils dévisagent tous les conducteurs de passage. Au barrage de la gendarmerie et de l’armée installé au carrefour des Ouadhias depuis les années de terrorisme, les vérifications se multiplient. Les contrôles sont quasi-systématiques. Idem à l’entrée de Ben Yenni, au lieu-dit Le Tranché, où les gendarmes et les militaires sont sur les dents.

Méfiance

Dans un café maure de Tassafat, à 45 km au sud-est de la ville de Tizi Ouzou, les discussions ne tournent qu’autour de l’enlèvement d’Hervé Gourdel. Dans cette localité située à la lisière du massif du Djurdjura que l’on doit inévitablement traverser pour se rendre à Tikjda, l’inquiétude se lit sur tous les visages. « De nombreux véhicules militaires sont passés par là hier tard dans la soirée », raconte, dans un murmure, un jeune. C’est l’un des rares à accepter de répondre à nos questions. Il faut dire que les plaies du passé demeurent vives. Le 20 avril dernier, à deux kilomètres de là, une patrouille militaire était attaquée. Onze militaires y ont trouvé la mort.

Déploiement massif de l’armée

Sur la vingtaine de kilomètres de route fortement dégradée par endroits qui séparent Tassaft de Tizi N’Koulal, aucun déploiement de services de sécurité n’est observé. Seuls quelques véhicules civils en stationnement sur les accotements à plusieurs endroits sont visibles. « Les militaires sont en stationnement plus haut, à partir de Tizi N’Koulal », nous dit un conducteur adossé à son véhicule. Selon des sources sécuritaires, un déploiement massif des services de sécurité est assuré du côté de Bouira et aux alentours de Tikjda. Mais tous les points stratégiques sont sous surveillance, aussi du côté de Tizi Ouzou.

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Colère et incompréhension

De Tizi N’Koulal, au beau milieu du parc national du Djurdjura, aux frontières entre les deux wilayas de Tizi Ouzou et Bouira, le village de Ait Ouabane apparaît au loin. Coincé au creux de la montagne. Ce village de 3 700 habitants, presque coupé du reste du monde, est subitement sorti de l’anonymat et s’est retrouvé depuis deux jours à la une de tous les médias algériens et étrangers. Pour y parvenir à partir de Tizi N’Koulal, il faut faire un détour d’environ 60 kilomètres. Une fois sur les lieux, nous n’apercevons aucun dispositif de sécurité. Uniquement ses habitants. Certains, regroupés sur la placette principale, n’hésitent pas à exprimer leur colère devant la présence massive de journalistes.

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Grottes et caches

« Nous avons appris l’enlèvement de ce Français par la télévision. Aucun Français n’est venu dans notre village. Si c’était le cas, on l’aurait su. Nous sommes un village où tout le monde connaît tout le monde. Toute présence d’un étranger est vite rendue publique », explique, sûr de lui, le président du comité de ce village. « Peut-être que l’enlèvement a eu lieu sur les hauteurs de Tizi N’Koulal ou d’Aswel, mais pas ici. » Là-bas, nous dit un villageois, il y a plein d’anciennes grottes. Cet habitant semble avoir raison, car une source sécuritaire nous confirme que c’est justement dans ce massif quasi inaccessible que se sont retranchés les terroristes après les nombreux assauts des services de sécurité dans la région. Leur traque est d’autant plus difficile dans cette zone que le relief est accidenté et vaste. Les grottes et les caches sont également très nombreuses.

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Résistance

À la question de savoir si les habitants sont au courant de mouvements terroristes dans ce village, ils répondent catégoriques. « Jamais ! » « Ait Ouabane a la résistance dans le sang. Ce village a servi de premier PC à Amirouche durant la Révolution. Et ses jeunes ont pris les armes durant la Décennie noire. Ils sont toujours armés et organisés », lance un sexagénaire.

Interrogations

Ici, on s’interroge plutôt sur ce que pourrait venir faire un touriste à Ait Ouabane. « Il a dû s’aventurer dans des endroits où même les touristes nationaux ne s’aventurent pas », pense un ancien patriote qui semble être au fait de la situation sécuritaire dans la région.

Les habitants croient dur comme fer que l’enlèvement s’est produit plus haut sur la montagne. Car selon la population, cela fait bien longtemps qu’ils ont organisé leur défense concernant les attaques terroristes. Et les groupes armés le savent bien. En revanche, « là haut », comme ils disent, aucune sécurité n’est garantie. À l’exception de la station climatique de Tikjda où Hervé Gourdel avait loué un chalet avec ses amis algériens à son arrivée samedi dernier. Avant d’être kidnappé par un groupe terroriste se réclamant du mouvement Daech.


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