Ait Ouabane: ce village subitement sorti de l’anonymat

Dernier virage avant d'entrer au village Ait Ouabane

Ni son rôle durant la révolution, ni sa résistance durant les années de terrorisme islamiste ne l’auront autant mis sur le devant de la scène. Il a fallu attendre qu’un touriste français soit enlevé pour que le village d’Ait Ouabane soit cité – à tort disent à l’unanimité ses habitants – comme le lieu de l’enlèvement. Le ministère de l’Intérieur a en effet déclaré qu’Hervé Gourdel a été enlevé sur les hauteurs d’Ait Ouabane. Mais quel est ce village propulsé soudainement à la Une des journaux écrits et télévisés du monde entier ?

Tizi N'Koulal

Ait Ouabane est un village relevant de la commune d’Akbil, qui relève elle-même de la daïra d’Ain El Hammam, à 50 km à l’est de Tizi Ouzou. Si Ait Ouabane est administrativement victime d’un découpage qui l’a rattaché à Ain El Hammam, il est géographiquement, historiquement et sociologiquement plus proche de Yattafen. Mais peu importe la géographie, la sociologie ou la politique, disent ses habitants.

Un village difficile d’accès

Bien caché au milieu de forêts verdoyantes, Ait Ouabane est situé à 65 kilomètres du chef- lieu de la wilaya de Tizi Ouzou. Pour s’y rendre, il faut forcément être véhiculé. Si l’on décide d’y venir en autocar, une première escale à Iboudrarène ou au lieudit « Le tranché » est nécessaire. Là, on se soumet à la bonne volonté des automobilistes qui acceptent de prendre les gens en auto-stop jusqu’à El Had, le chef-lieu de la commune de Yattafen, situé à une dizaine de kilomètres plus bas. Mais pour arriver à Ait Ouabane, le chemin est encore plus long. Il faut encore prendre le transport. Et traverser Ait Laziz puis Ait Meslayene, sur une distance de près de 20 kilomètres. Les conditions de vie ne sont « pas faciles », reconnaissent des habitants du village, en majorité des chômeurs.

Ait Ouabane vu de Tizi N'Koulal (10 km avant Tikjda)

« Ait Ouabane est un symbole de résistance », dit fièrement un vieux villageois. Et ce n’est pas l’histoire qui risque de le contredire. « Amirouche Ait Hamouda a érigé son PC dans ce village » témoigne un vieux villageois. Au début du terrorisme, Ait Ouabane fait partie des premiers villages à défier le terrorisme.

Un village oublié

Près de 20 ans après, les villageois sont là, armés et prêts à résister pour défendre leurs terres. Mais au même temps c’est un village oublié par l’Algérie indépendante. « Ait Ouabane est une République à part » nous dit un homme d’un certain âge. Pourquoi donc? « Ce que la population d’Ait Ouabane ne réalise pas pour elle-même, personne ne viendra le lui réaliser » ajoute le même habitant dans un discours empreint de sagesse. « Pour vivre heureux il faut vivre ailleurs » conclut-il. « Nous sommes 3 700 habitants, et parmi eux, 2500 vivent toujours au village. Ceux qui sont partis vivent loin de leurs terres, et ceux qui sont là vivent comme ils peuvent. Les hivers sont rudes, et les été on n’en profite pas » résume un autre habitant du village. « Si on a pu se souvenir de notre village pour localiser l’enlèvement d’un étranger, pourquoi on nous a oublié pour nous alimenter au moins en gaz naturel? », s’interroge presque timidement un jeune habitant du village.

« Lorsqu’on annonce la neige à 1000 mètres d’altitude, c’est qu’Ait Ouabane est déjà étouffée sous son manteau blanc » dit un autre habitant qui s’excuse d’en rajouter une couche. « C’est la première fois qu’on a l’occasion d’accueillir des journalistes et donc pouvoir porter notre voix un peu plus loin que notre village coincé entre la misère et l’oubli. »

 

 


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