Entretien avec Amara Benyounes, ministre du Commerce

Benyounes 2

Les prix flambent à la veille de chaque ramadhan. Pourquoi le gouvernement n’arrive-t-il pas à lutter contre ce phénomène ?

J’ai souvent dit que cette hausse des prix est mécanique. Qu’elle dépend de l’offre et la demande. Dès que la demande augmente de façon inattendue et déraisonnée ou importante, en un laps de temps très court, la réaction du marché est claire. Et dès le départ, j’ai dit aux Algériens que le ministère du Commerce n’est pas responsable de la hausse des prix. Je les ai sensibilisés pour éviter absolument une consommation frénétique avant le début du ramadhan. Faire du stockage (de produits alimentaires, NDLR) ne sert à rien. Les produits alimentaires sont et seront disponibles durant tout le mois du ramadhan.

Quelles sont les mesures prévues par votre département pour remédier au problème de la hausse  des prix des produits alimentaires durant le ramadhan ?

Nous avons organisé des réunions et nous avons vérifié les stocks. Ils sont suffisants pour tout le mois de ramadhan. Cela dit, il faut que les Algériens aient une consommation normale. Et il faut savoir une chose importante : le marché est totalement libre. Quand on dit un marché libre, c’est une question d’offre et de demande.

Les commerçants n’affichent pas souvent les prix des produits. Des produits comme les sodas et l’eau sont exposés par les commerçants au soleil à l’extérieur des magasins. Comment comptez-vous mettre de l’ordre dans le commerce ?

D’abord, pour les produits exposés de manière dangereuse au soleil à l’extérieur, notamment les boissons, j’ai fait une note. C’est la première que j’ai faite en tant que ministre du Commerce pour rappeler à toutes nos directions, à travers l’ensemble des wilayas, qu’il est strictement interdit d’exposer les produits de cette façon car il y va de la santé des Algériens. 3 500 brigades constituées de 7 000 agents contrôleurs vont sillonner l’Algérie pendant et après le ramadhan parce que ça coïncide avec la saison estivale. Donc, il y aura des contraventions contre tous ceux qui enfreindront la loi. S’agissant des prix, la loi oblige le commerçant à les afficher. Donc là aussi, il y aura des contraventions contre ceux qui ne respectent pas cette réglementation.

Les conditions d’hygiène dans les commerces, les boucheries et les cafés sont souvent mauvaises…

Il y a deux manières : la prévention puis la répression. Nous allons continuer à informer les commerçants sur l’hygiène. Cependant, ces brigades mobiles de contrôle vont également vérifier, et de manière très régulière, tous les produits et les établissements notamment les cafés, les restaurants, les boulangeries et les crèmeries.

Mais le problème se pose depuis des années…

Le problème se pose depuis tout le temps. Nous avons aussi un autre problème : le ministère du Commerce a recruté, durant ces trois ou quatre dernières années, 7 000 agents qui n’ont pas reçu la formation adéquate. Donc, nous allons mieux former nos contrôleurs. Et nous avons acquis, cette année, un certain nombre de matériels dont des valisettes qui permettent de faire un certain nombre de contrôles sanitaires et des kits pour la vérification de l’état de l’huile utilisée dans la friture dans certains établissements.

Est-ce que les 7 000 agents seront suffisants pour contrôler les commerces et autres établissements dans les 48 wilayas du pays ?

Ce n’est pas suffisant, mais c’est déjà ça. Nous allons voir, en fonction des disponibilités budgétaires, si on peut recruter d’autres agents. Mais si nous parvenons à utiliser les 3 500 brigades de manière régulière et efficace, ça règlerait beaucoup de problèmes.

Des patrons réclament l’autorisation de pouvoir transférer des devises pour créer des structures à l’étranger pour le développement de leurs exportations. Qu’allez-vous faire ?

C’est du ressort de la Banque d’Algérie. Et c’est le problème de la loi sur la monnaie et le crédit. La Banque d’Algérie est habilitée à délivrer des dérogations quand l’investissement entre dans le cadre de l’augmentation des exportations. Mais ce n’est pas du ressort du ministère du Commerce.

Pourquoi ne pas rendre public le fichier national des fraudeurs ?

D’abord, nous sommes en train de revoir tout le fichier des commerçants. Nous avons déjà lancé l’opération de généralisation du registre du commerce électronique. La prochaine étape est de parvenir à l’inscription, en ligne, pour le registre du commerce, juste après la promulgation de la loi sur la certification électronique. Il est certain qu’il y aura une réflexion sérieuse sur toute cette affaire de registre du commerce.

Pour lutter efficacement contre l’informel qui gangrène l’économie nationale, ne faut-il pas réduire la pression fiscale sur les entreprises et les commerçants ?

Ce n’est pas uniquement un problème de fiscalité. C’est un problème très global. Il faut avoir le courage de mener une réflexion générale et globale sur la question. Et il est clair qu’il y a une réflexion qui sera menée sur l’informel. Dans plusieurs de ses interventions, le Premier ministre a été clair en disant qu’il était hors de question pour le gouvernement d’affronter, de manière frontale, le commerce informel. La mission du gouvernement est de le ramener vers le secteur formel.

Vos services contrôlent davantage des opérateurs algériens sérieux alors que les étrangers et les barons de l’informel sont relativement épargnés. Pourquoi cette discrimination ?

Je pense qu’il faut, impérativement, rétablir le climat de confiance entre l’opérateur commercial et le ministère (du Commerce). Le métier de commerçant a été dévalorisé. Nous avons des importateurs et des commerçants qui sont établis depuis une vingtaine ou une trentaine d’années. Ce sont des opérateurs extrêmement sérieux qu’il faut sécuriser et rassurer. Quant aux brebis galeuses, il faut les traiter comme telles.

Des opérateurs représentants de grandes firmes étrangères ne respectent pas la loi sur la facturation. Comment est-ce possible ?

C’est du ressort du ministère des Finances, mais nous avons fait et nous faisons des vérifications de manière régulière sur les firmes étrangères et nationale, d’ailleurs.

L’Algérie négocie depuis des années son entrée à l’OMC, sans y parvenir. Pourquoi ?

Depuis 1987. Mais la question n’est pas qu’elle n’arrive pas à le faire. On a vécu les années 1990 et tout le monde sait que durant cette période, l’accession à l’OMC n’était pas la priorité. Quand le président Bouteflika est arrivé en 1999, sa priorité absolue était de rétablir la paix, la concorde civile, la réconciliation nationale. Des choses qui ont pris du temps. La décision d’intégrer l’OMC a été prise. Maintenant, c’est un problème de discussions et de négociations avec l’OMC. Il faut veiller à l’intérêt économique de l’Algérie car il s’agit d’une économie spécifique. Ces dernières années, nous avons fait énormément d’investissements notamment en matière industrielle. Il faut laisser ces investissements arriver à la maturité. Il y a un délai accordé pour la mise à niveau de l’économie nationale.

Vos déclarations sur l’adhésion de l’Algérie à l’OMC ont été critiquées. Quel est l’intérêt pour l’Algérie d’adhérer à l’OMC ?

Dans tous les pays du monde, il y a des gens qui sont pour et d’autres qui sont contre. Ce sont des positions politiques et dogmatiques. Et nous sommes un gouvernement pragmatique. Nous allons là où les intérêts de l’Algérie l’exigent. 97% du commerce mondial passe par l’OMC. Le Yémen a été le 160e pays à adhérer à l’OMC. L’OMC, c’est d’abord une transparence dans les transactions commerciales, une aide pour le contrôle du commerce extérieur. Elle permet aussi une mise à niveau générale de l’économie du pays. Nous sommes en train de tout importer. La vérité est qu’on a tous les inconvénients de l’OMC sans les avantages de l’OMC. Et puisque tous les produits rentrent, il est totalement faux de dire que quand on va à l’OMC, le pays sera ouvert à tout. Aucun pays au monde n’est ouvert à tout. L’un des pays qui est le plus protecteurs au monde, ce sont les États-Unis. Et aucun gouvernement n’a bradé les intérêts économiques de son pays pour aller à l’OMC

La règle 49/51 sera-t-elle supprimée ou réaménagée ?

Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’actuellement le sujet n’est pas en discussion au sein du gouvernement.

Un réaménagement de cette règle est-il prévu dans la prochaine loi de finances ?

Ce n’est pas en discussion pour l’instant.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici