La chronique de Hafid Derradji : l’obsession du 2e tour

À la veille du premier match des Verts contre la Belgique, la qualification au deuxième tour de la Coupe du monde de football reste une obsession pour de nombreux techniciens, journalistes et observateurs en Algérie.

Un deuxième tour que nous n’avons pas atteint lors des trois dernières participations en trente-deux ans. Et nous n’avons enregistré aucune victoire en Coupe du monde depuis vingt-huit ans, sans compter que nous n’avons pas marqué un seul but lors des cinq derniers matchs de la phase finale en 481 minutes de jeu.  À ce rythme-là, nous sommes partis pour battre le record du monde, détenu jusqu’à présent par la Bolivie, qui n’a pas marqué un seul but en 517 minutes de jeu.

L’équipe algérienne n’est pas passée au second tour alors qu’elle en avait les capacités et les moyens lors des Coupes du monde de 82 et de 86, voire même en 2010.  Cette même équipe, n’a obtenu le trophée africain qu’une seule fois en 1990 lorsque l’Algérie avait abrité la Coupe d’Afrique des Nations.

Cependant, de nombreux observateurs aujourd’hui critiquent l’Équipe nationale, doutent de ses  capacités et la jugent faible et incompétente, mais en revanche, on lui demande de se qualifier  pour le deuxième tour.

Ce qui démontre une contradiction flagrante entre l’évaluation que nous faisons de notre équipe et nos attentes ; c’est la contradiction qui existe entre le rêve et la réalité ; une contradiction entre l’état désastreux du football algérien à tous les niveaux et les ambitions affichées.  Des ambitions qui dépassent les capacités de cette génération de joueurs qui font à peine leurs premiers pas en haut niveau.

Certains critiquent la politique de la Fédération qui a fait appel à des joueurs de l’immigration et jugent les choix techniques et tactiques de l’entraîneur depuis trois ans, ainsi que les joueurs dont ils sous-estiment les capacités.

Cependant, ces mêmes critiques, demandent à cette même formation de gagner le match face à la Belgique et de se qualifier pour le deuxième tour.  On veut qu’ils soient aussi bons défenseurs que les Italiens, et aussi bons attaquants que les Brésiliens. Et s’ils passent au deuxième tour, ils  n’hésiteront pas à exiger qu’ils remportent le trophée mondial.  Dans le cas contraire, on accusera Halilhodžić d’être un mauvais entraîneur et les joueurs d’être nuls. Certains vont tirer profit de cette situation pour revenir au-devant de la scène afin de faire reculer le football algérien encore une fois, avec des discours creux sur le joueur local et professionnel, sur l’entraîneur national et étranger alors que le monde entier se dirige vers le professionnalisme et l’expertise, vers la modernité dans l’administration et la gestion.

Il est vrai que les chances de l’équipe nationale algérienne de remporter une victoire existent plus que jamais auparavant. Il est tout aussi vrai que son niveau technique et son moral ont progressé de façon évidente au cours des derniers mois. La formation de Halilhodžić a, désormais, une identité de jeu et de multiples choix techniques et tactiques, et il est temps pour elle de marquer l’histoire en se qualifiant au second tour et pourquoi pas en remportant la prochaine Coupe d’Afrique des Nations.

Cependant, cela ne signifie aucunement que notre équipe a atteint le niveau requis, que notre football se porte bien et que la politique sportive est infaillible ou que tout va bien en Algérie.

Par ailleurs, être éliminé dès le premier tour n’est pas nécessairement un échec de l’Équipe nationale et de ses jeunes qui ont un avenir prometteur devant eux au cours des dix années à venir. Ils ont la capacité de se qualifier pour les deux prochaines Coupes du monde et pourront briller lors de différents rendez-vous footballistiques si nous parvenons à sauvegarder les acquis, les renforcer et les encourager.

L’élimination dès le premier tour ne marquera pas la fin du monde et la qualification au second tour ne doit pas être une obsession car elle ne résoudra pas les nombreux problèmes des Algériens.

Même une victoire à la Coupe du monde ne mettra pas l’Algérie au rang des pays développés dans le domaine sportif. Elle pourrait même avoir des répercussions négatives sur notre système sportif et social si nous n’investissons pas dans la victoire pour apprendre à fournir plus d’efforts, à valoriser les compétences, à se respecter les uns les autres et à développer d’autres secteurs pour fournir d’autres moyens de divertissement et de joie à nos jeunes. Aujourd’hui, le football est notre seule source de fierté et la seule chose qui suscite chez l’Algérien un sentiment d’appartenance à cette Nation qui ne doit pas être réduite à son Équipe nationale de football.


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