La chronique de Hafid Derradji : c’est bien d’être exigeant, mais….

Que le public algérien se réjouisse ou déplore les résultats de son équipe nationale est chose normale. Les supporters de l’EN ont, en effet, le droit d’exprimer leurs sentiments, de critiquer le rendement des joueurs et les choix de l’entraîneur avant la fin de la compétition. Ils réagissent par leur passion et leur spontanéité sans engagement, ni calcul aucun.

En revanche, les médias, les experts, les entraîneurs et les anciens joueurs sont tenus de respecter l’éthique quand ils se prononcent publiquement sur le staff technique et les joueurs. Ils doivent tenir compte des émotions des gens et de leur moral. Et à plus forte raison que nous n’avons joué qu’un seul match et face à l’une des meilleures équipes du monde.

Nous sommes contraints par notre intégrité professionnelle et notre éthique à faire preuve d’objectivité et de responsabilité dans le traitement et l’analyse de la première sortie des Verts au Brésil, en reconnaissant la force de l’équipe adverse qui méritait amplement sa victoire.

Par ailleurs, il faut reconnaître que l’équipe algérienne est juste moyenne comparée au haut niveau de ce Mondial où la passion, le hasard et la chance n’ont pas de place. C’est un niveau basé sur la culture du ballon, l’habileté, la force, la capacité, la volonté, le courage et la forme. C’est le fruit de beaucoup de travail, d’efforts soutenus et de patience avec des jeunes que nous sollicitons au-delà de leurs capacités. Des jeunes à qui nous donnons la  responsabilité de défendre les couleurs du pays au moment où de nombreux responsables excellent dans l’art de porter préjudice à l’image du pays.

C’est bien d’avoir de l’ambition dans cette Coupe du monde. Tout le monde veut voir l’Équipe nationale se démarquer et créer la surprise. C’est tout aussi bien de demander aux joueurs de fournir les efforts nécessaires pour gagner des matchs et se qualifier au deuxième tour du Mondial.  Mais le plus beau serait que tout le monde fasse de même et que chacun à son niveau travaille dur pour la prospérité de notre pays. Il serait judicieux d’appeler nos représentants et nos responsables à enregistrer eux aussi de bons résultats dans d’autres domaines et en toutes circonstances et non pas lors d’une Coupe du monde uniquement.

Mais ce qui nous interpelle, c’est cette façon de fermer les yeux sur l’échec politique, économique, social et intellectuel, de le considérer comme acceptable et normal et de focaliser sur l’Équipe nationale de football à qui on demande de défendre la réputation et l’honneur du pays. Il faut reconsidérer nos relations avec la formation nationale qui ne peut, en aucun cas, devenir le point de référence des succès et des échecs du pays.

Le plus déplorable est de voir des gens qui ont échoué dans le football ou dans les médias donner des leçons aux autres en qualifiant de décevant l’échec de l’équipe nationale algérienne face à  la Belgique et assurant que l’Algérie était en mesure de gagner ce match. C’est sous-estimer l’équipe belge qui était plus forte et qui a beaucoup mieux joué, mais aussi sous-estimer tout l’’effort fourni par nos jeunes joueurs malgré les limites de leurs capacités.

Si nous qualifions notre défaite face à la Belgique de décevante, alors que dire de l’élimination de l’Espagne, de l’Angleterre ? Et qu’allons-nous dire de la très probable sortie de l’Italie de ce Mondial au premier tour ?  Et que dire alors de notre régression dans tous les autres sports et dans d’autres domaines où nous avons le pouvoir de décision ainsi que la capacité et le potentiel pour atteindre de meilleurs résultats ?

Le résultat de l’équipe algérienne face à la Belgique était logique et prévisible. Et critiquer la performance et le résultat, c’est sous-estimer l’adversaire, alors que ces mêmes personnes déclaraient que nous n’avions pas d’équipe et que cette formation ne pouvait aller loin dans cette Coupe du monde.

Aujourd’hui, si nous venions à trébucher face à la Corée ou dans quelques jours face à la Russie alors, ces critiques de l’Équipe nationale seront transformés en héros, en théoriciens et en experts du football. Ils jouent des émotions des gens et exploitent l’amour des Algériens pour le foot afin de faire régner le désespoir, en oubliant que nous sommes un pays jeune dans l’histoire du football, que nous n’avons pas de tradition de participation à la Coupe du monde, que nous n’avons jamais été qualifiés au deuxième tour, et que notre équipe ne compte que quelques joueurs issus du championnat national et ne compte aucune grande star en mesure de faire la différence.

Le Mondial est un autre monde et un autre niveau. Et un haut niveau de jeu requiert un haut niveau de débat, un débat objectif et loin des émotions et des règlements de comptes. C’est dépasser les discussions creuses sur les choix techniques et tactiques du coach, et sur les performances individuelles ou collectives des joueurs. C’est comprendre les transformations que connait le monde du football aujourd’hui, et ce que nous devons faire afin d’atteindre ce haut niveau. Car être éliminé au premier tour n’est pas une catastrophe en soi, mais une qualification pour le deuxième tour serait une grande et belle surprise et un événement historique sans précédent.

derradjih@gmail.com


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