Disparus : l’ONU condamne une nouvelle fois l’Algérie

Nassira Dutour

L’Algérie a été condamnée par le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies pour deux cas de « disparitions forcées » ayant eu lieu pendant la décennie noire du terrorisme. « Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU constate pour les 25 et 26es fois que l’État algérien a violé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) », a indiqué, ce lundi 16 juin, le Collectif des familles des disparus en Algérie (CFDA). « Le Comité, dans ses constatations, indique que l’Algérie a violé le droit à ne pas être torturé (art. 7), le droit à ne pas être détenu arbitrairement (art.9), le droit à la personnalité juridique (art. 16) ou le droit à ne pas subir d’immixtion illégale ou arbitraire du domicile (art.17) (des deux disparus, NDLR) », a-t-il ajouté.

Le même Comité a appelé l’État algérien à « mener des enquêtes approfondies et rigoureuses sur le sort des disparus et à poursuivre, juger et punir les responsables des violations », selon la même source.

La porte-parole du CFDA, Nassira Dutour, a expliqué, ce lundi 16 juin lors d’une conférence de presse à Alger, qu’il s’agit de ‘la 19e condamnation de l’Algérie par le Comité des droits de l’Homme pour des cas de disparitions forcées ».

Ces condamnations ont eu lieu suite à l’introduction de deux communications par le CFDA concernant les cas de « disparitions forcées » de Mohamed Mehalli et Ali Lakhdar Chaouch « ainsi que les violations infligées aux membres de la famille » de l’un d’eux.

Le premier a été incarcéré pendant 14 mois avant sa libération en 1997. Mais le harcèlement « avait repris de plus belle », selon l’association. Mohamed Mehalli continuait à être battu et torturé par « les policiers ». Âgé alors de 62 ans, l’homme a été arrêté pour la dernière fois avant de disparaître en 1998 alors qu’il se dirigeait en voiture vers le marché. Son épouse et ses deux filles ont été arrêtées le lendemain « par des agents de la sécurité militaire ».

Les filles subissent alors « de violents actes de torture parmi lesquels celui d’entendre leur vieux père se faire lui aussi torturer dans une cellule voisine. Même l’épouse ne fut pas épargnée. L’une des deux filles a été violée », a affirmé le CFDA. « Après huit jours de détention, les femmes ont été ramenées à leur domicile, sans avoir été présentées à aucun moment à un juge. Mohamed lui, n’a pas été libéré et sa famille demeure, depuis, sans nouvelles de son sort », a-t-elle encore ajouté.

Ali Lakhdar Chaouch a été arrêté en 1997 à l’hôpital où il exerçait en tant que chirurgien orthopédiste. « Les agents de la sécurité militaire qui ont effectué l’arrestation ont déclaré aux témoins, les collègues d’Ali, qu’ils n’avaient que quelques questions à poser à ce dernier et qu’il serait rapidement relâché », a rappelé l’association. Entre 1997 et 2004, ses parents ont déposé plusieurs plaintes « aux fins qu’une enquête soit menée sur la disparition ; toutes ont abouti à des non-lieux », selon la même source.

Le CFDA appelle les autorités à mener « des enquêtes approfondies et rigoureuses sur les disparitions en fournissant des informations aux familles », à libérer les « disparus au cas où ils sont toujours maintenus en détention au secret ou en restituant leurs dépouilles en cas de décès » et poursuivre, juger et punir « les responsables des crimes commis ». L’association revendique également une indemnisation des victimes « de manière appropriée » et l’abrogation de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et ses textes d’application.

Consultations autour de la révision de la Constitution

Interrogé sur les consultations autour de la révision constitutionnelle, la porte-parole du CFDA parle d’un « État de non-droit ». « On accorde les honneurs à l’ex-chef de l’AIS et on le consulte à la présidence alors que nous sommes considérés comme des traîtres », dit-elle avant d’ajouter : « Nous avons le droit de dire ce que nous pensons de la politique de notre pays ». Au cours de cette conférence, plusieurs membres des familles des disparus ont pris la parole. « On ne veut pas de procès. On veut juste qu’ils nous disent où ils sont (les disparus). De nous rendre ceux qui sont encore vivants et les autres qui sont morts », lance l’un d’eux.


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