EXCLUSIF. Rebrab, Haddad, dinar, OMC, Constitution : Réda Hamiani dit tout

???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????

Issad Rebrab a démissionné du FCE. Vous n’avez pas encore réagi personnellement. Quelle est votre réaction ?

Une tristesse. Parce que c’est un grand Monsieur pour qui nous avons un grand respect. C’est un membre fondateur du Forum. Il incarne à nos yeux la réussite professionnelle, les bons choix stratégiques et la bonne gestion rigoureuse de ses affaires. J’aurais souhaité personnellement avoir une discussion franche et directe avec lui pour reprendre les éventuels griefs qu’il a envers notre association. Il faut rappeler toutefois qu’il avait déjà démissionné en 2004, que le Forum est une association ouverte où l’adhésion et la démission sont libres. Le Forum, durant cette crise, entre guillemets, a enregistré en tout trois démissions, mais nous avons eu une vingtaine de nouvelles adhésions. Il y a donc plus d’adhésions que de démissions.

Que pensez-vous des déclarations de Rebrab qui a accusé un membre du FCE d’intoxiquer les décideurs politiques et d’être à l’origine du blocage de ses projets ?

La réaction de Monsieur Rebrab porte sur une analyse que je ne partage pas et consiste à dire que notre organisation est sous influence. Le Forum est composé de chefs d’entreprises ayant chacun sa sensibilité et son appartenance politique. Le désir de s’unir consiste, avant tout, à fortifier l’entreprise et à permettre à notre économie d’avoir des acteurs solidaires et puissants. Encore une fois, je regrette la démission de Monsieur Rebrab et je dis que les portes sont ouvertes pour son retour parmi nous.

Est-ce que des membres du Forum se livrent réellement la guerre de cette façon ?

J’ai lu ses propos. Je trouve que c’est attribué trop d’importance à ce membre supposé. Nos autorités ne sont pas, à ce point, perméables à d’éventuelles suggestions venant d’un patron.

Est-ce que Ali Haddad est à ce point influent ?

Non. Il n’est pas omniprésent et n’use pas d’une quelconque pression, n’utilise pas les injonctions. Il est très pris par ses propres affaires.

Est-ce que la démission de Rebrab a provoqué une crise au FCE ?

Non. Absolument pas. Je répète que nous avons eu trois démissions et une vingtaine de nouvelles adhésions.

Le plan d’action du Premier ministre Sellal qui vient d’être adopté par le Parlement convient-il au FCE ?

Ce plan est en continuité par rapport aux précédents. Cette fois – ce qui est encourageant -, le programme ne repose pas uniquement sur la dépense publique. Il y a un effort soutenu et orienté vers le développement de l’industrie locale et la promotion de l’agriculture. Nous allons apporter notre soutien et nous allons adopter, nous-mêmes, un programme d’action qui va tenir compte de ces orientations générales. La question qui reste posée concerne la mise en œuvre de ce programme. Nous l’avions déjà dit, il est facile d’énoncer une modification positive des textes, mais il est difficile de l’appliquer sur le terrain.

Le FCE a longtemps plaidé pour une révision de la règle 49/51. Aujourd’hui, le gouvernement ouvre la porte à une éventuelle suppression ou assouplissement de cette règle. Qu’en pensez-vous ?

On a toujours soutenu que la généralisation de cette loi était excessive. Cette règle est bonne pour les secteurs stratégiques. C’est la position du FCE qui n’a pas changé. D’ailleurs, les grands groupes internationaux ont tout de suite accepté cette règle, mais nous avons senti la résistance exprimée par les PME/PMI. L’attractivité de l’Algérie peut être beaucoup plus forte si on aménage cette règle en opérant une différenciation entre les investisseurs. Nous pensons qu’il serait opportun de faire le distinguo entre, d’une part, ceux qui viennent avec leur technologie, leur management, leur formation pour en faire bénéficier les Algériens, et d’autre part, ceux qui ne sont intéressés que par vendre leurs produits ou machines. Pour les premiers, on considère qu’il serait judicieux de leur accorder un bonus directement corrélé à la valeur ajoutée qu’ils représentent pour le pays. Ce bonus peut être des avantages fiscaux ou la possibilité d’avoir plus de 49% du projet.

Vous préconisez donc un traitement au cas par cas…

Oui. Par filières et en prenant en compte quatre critères : création d’emplois, formation, possibilité d’exporter et transfert de technologie. Nous sommes heureux de constater que l’approche gouvernementale épouse parfaitement ce genre de préoccupations. Nous restons confiants dans la prise de décision finale qui serait mise en avant dans le nouveau code des investissements, qui sera plus allégé et plus attractif.

Pensez-vous que la règle 49/51 sera supprimée cette année dans le cadre des négociations d’adhésion à l’OMC ?

En tout cas, c’est un point qui va être soulevé par les pays de l’OMC.

Quel est l’intérêt de l’Algérie d’adhérer à l’OMC ?

C’est un exercice difficile. Nous sommes partagés entre le souci de participer en prenant  part à la mondialisation, synonyme d’ouverture des marchés, et celui de protéger la production nationale. Ce point d’équilibre mérite une approche consensuelle entre les partenaires algériens et une discussion franche avec l’OMC pour faire jouer, à notre avantage, des clauses de sauvegarde pour avoir la possibilité de mettre en place des dispositifs limitant la concurrence dans les secteurs que l’Algérie veut développer. Ces clauses de sauvegarde existent. Ce qui ne serait pas bien, c’est de rester en dehors du mouvement mondial. L’Algérie étant l’un des derniers pays à ne pas avoir adhéré à l’OMC. L’exercice consiste à entrer et à se battre pour défendre des positions de protection de l’industrie que certainement les partenaires économiques étrangers comprendront facilement, parce qu’eux-mêmes étaient confrontés, dans le passé, à ce genre de choix.

Donc, le FCE est favorable à une adhésion à l’OMC ?

On ne peut pas rester en dehors. C’est vrai que si on n’a rien à vendre, il n’y a pas d’intérêt à aller à l’OMC. L’ouverture totale du marché, sans restriction, et l’égalité de traitement entre nationaux et étrangers sont les deux principales conditions de l’OMC. Malheureusement, les expériences ont prouvé que cette ouverture du marché signifie la mort des petites entreprises et un avantage considérable concédé aux multinationales. Mais le combat mérite d’être inscrit dans cette politique internationale. Il faut entrer, se battre, faire jouer les clauses de sauvegarde.

Est-ce que l’Algérie a les moyens de se battre ?

Juridiquement, oui. Il faut obtenir des délais. Mais, on n’imagine pas l’Algérie, droite dans ses bottes, rester en dehors de l’OMC avec laquelle nous négocions depuis 1987.

Selon Sellal, l’Algérie n’aura plus de pétrole à exporter à partir de 2030. Il a annoncé l’exploitation du gaz de schiste au lieu d’une politique de diversification de l’économie. Qu’en pensez-vous ?

Diversifier l’économie et exploiter le gaz de schiste sont une nécessité. Mais il n’y a que les Américains qui maitrisent la technologie d’extraction du gaz de schiste. La technique nécessite beaucoup d’eau et des injections de produits chimiques qui peuvent remonter à la surface et polluer les nappes phréatiques. Au FCE, on n’est pas experts du sujet. On souhaite que le débat soit ouvert, que la décision ne soit pas unilatérale, qu’on soit accompagnés par ceux qui maitrisent cette technologie et qu’on prenne les précautions d’usage pour éviter des catastrophes.

Est-ce qu’il ne s’agit pas finalement, pour le gouvernement, de remplacer une rente par une autre ?

Ce que nous souhaitons est que cette ressource nouvelle ne soit pas exploitée pour être exportée en l’état. Il faut qu’elle soit un instrument de développement de l’industrie locale. Au lieu de persévérer dans une production supplémentaire de matières brutes pour les vendre en l’état, il faut penser à utiliser ces matières pour alimenter des processus industriels situés en aval, dans notre pays. Au lieu de vendre un produit brut, il faut inclure une valeur ajoutée algérienne.

Des sociétés surfacturent leurs exportations vers l’Algérie pour échapper à la réglementation sur le change. Pour lutter contre le transfert illégal des devises, ne faut-il pas aller à une convertibilité totale du dinar ?

Cette pratique, que nous condamnons, existe. Il n’y a pas d’étude sérieuse pour mesurer l’ampleur du phénomène de la surfacturation. Ce n’est pas forcément la parité du dinar qui est en cause, mais le contrôle des changes. Le dinar est convertible commercialement depuis 1994. Nous voulons lancer un débat avec des experts. L’idée est tentante d’aller vers la convertibilité totale du dinar en raison de la disponibilité des réserves de change. Ce matelas en devises permettra d’absorber une partie des avoirs des Algériens, mais certains experts estiment que c’est dangereux pour le bon équilibre de nos finances publiques. De façon plus claire, il est à craindre une hémorragie provoquant une saignée dans nos comptes extérieurs. La Banque centrale, dans une attitude prudente, prône le maintien de la convertibilité commerciale, pour éviter cette politique du pire. Une autre analyse, plus optimiste, consiste à dire que nous avons une chance historique, d’aller vers une convertibilité totale du dinar, synonyme à leurs yeux d’une confiance retrouvée des opérateurs aussi bien nationaux qu’étrangers, et surtout elle peut constituer en direction de notre émigration, un signal fort de la stabilité de notre économie et de sa monnaie.

Quelle est la position du FCE sur cette question ?

Le FCE ne peut pas, dans les conditions actuelles, prendre une position tranchée par rapport à deux positions extrêmes, mais il préconise un débat entre spécialistes, car c’est une question importante qui ne mérite pas de rester sans réponse. Il serait dommage, de passer à côté d’une opportunité historique. Si on doit aller vers la convertibilité totale du dinar, c’est maintenant que nous avons cette chance, avec la position confortable du pays, grâce à ses réserves de change.

Le système de subvention pratiqué aujourd’hui consiste à un soutien massif et général des produits sans ciblage des populations démunies. Est-ce que c’est tenable pour l’État ?

Le système de transfert et de subventions représente 30% de notre PIB. C’est trop coûteux pour nos finances publiques. L’État supporte des soutiens innombrables apportés aussi bien aux secteurs qu’aux produits. L’eau, le carburant, le logement, la médecine sont subventionnés. On a trop de budgets, mais très peu de marchés. L’État s’implique pour soutenir le peuple algérien surtout les couches défavorisées, mais c’est mal ciblé. Il y a deux écueils importants. Le premier est la contrebande des produits subventionnés vers les pays voisins. Le deuxième écueil est local. Les produits subventionnés profitent aussi bien aux pauvres qu’aux riches. Il serait plus judicieux d’instaurer un meilleur ciblage des populations ciblées par les autorités. Les filets sociaux mis en place par l’État apportent des réponses au point de vue de la répartition des ressources, de la stabilité, de la solidarité nationale et de la cohésion sociale. Mais est-ce que c’est soutenable à moyen terme par rapport aux prévisions de recettes de notre pays d’une manière générale ?

Vous êtes invités à faire des propositions sur la révision constitutionnelle. Qu’allez-vous dire à Ouyahia ?

Les organisations patronales sont invitées pour le 18 juin. Pour le FCE, nous sommes invités en tant qu’association patronale, mais aussi comme une association de la société civile. En tant qu’organisation patronale, nous allons plaider en faveur d’une constitutionnalisation des réformes économiques déjà engagées, insister sur l’importance de la propriété privée, mettre l’accent sur la reconnaissance d’une économie de marché, demander une relecture de l’article 37 de la Constitution qui consacre la liberté d’investir et de commercer pour ajouter la liberté d’entreprendre et enfin l’égalité de traitement entre les secteurs public et privé. Pour le caractère politique, nos propositions rejoignent l’ère du temps, à savoir une limitation à deux des mandats présidentiels d’une durée de cinq ans chacun, reconnaissance du pouvoir régional, c’est-à-dire à côté de la verticalité du pouvoir exécutif, qu’il ait plus de pouvoirs aux assemblées élues. Une autonomie plus large des différentes régions. À cela, il faut ajouter la liberté de presse, la liberté d’association, etc.

 


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici