Paroles de femmes algériennes sur le football et le Mondial

1899 Hoffenheim vs Bayer Leverkusen

Les femmes et le football. Le Mondial brésilien arrive à grands pas. L’Algérie y participe pour la deuxième fois consécutive et la quatrième de son histoire, avec des ambitions. Comment les femmes vivent-elles ce mois de compétition ? Suivent-elles les matches ou les boudent-elles ? Fouzia, Dahbia, Fatma et Faiza témoignent de ce futur quotidien rythmé à coup de ballon. Certaines adorent le Mondial. D’autres l’exècrent. Témoignages.

Faiza Tolbi Derradji, Doha (Qatar)

« Lorsque j’étais célibataire, j’étais la moins ‘’footeuse’’ de la famille Tolbi. Le jeu à onze était loin de figurer au rang de mes passions. Mais à l’heure des fiançailles avec un commentateur qui vit le foot et respire le foot, je me suis retrouvée embarquée sur ce terrain », explique la jeune femme, épouse du chroniqueur Hafid Derradji. Faiza revient sur sa première entrée dans un stade de football pour un  derby algérois entre le MCA et l’USMA en 1999. «  C’est en compagnie de Hafid que j’y ai mis les pieds, pour la première fois, c’était le stade du  5 juillet. Je me suis installée avec mon fiancé dans ce que les Anglais appellent ‘’the commentator’s booth’’ (la position de commentateur). À vrai dire, j’ai assisté moins à la rencontre qu’à la façon dont le futur papa de mes enfants vivait le match. Avec une passion débordante », se souvient-elle. « Pour moi qui étais profane, ce sera le premier coup de foudre avec le monde de la balle ronde », déclare Faiza. Elle avoue sa préférence pour le Barça et Messi tout comme sa fille Nour. L’un de ses fils, Jamil, vibre plutôt pour le Paris Saint-Germain. Pour le Mondial brésilien, toute la famille sera à l’écoute de Hafid à l’heure des matchs des Verts et d’autres sélections étrangères qui comptent sur l’échiquier footballistique. L’ambiance est déjà à la fête chez les Derradji à Doha, « la maison a été bariolée de couleurs : le Vert-Blanc-Rouge des Fennecs, le Sang et Or de l’Espagne et la bannière Auriverde du Brésil. Les maillots sont également prêts à être endossés », annonce Faiza.  « En vérité, moi et les enfants vibrerons pour trois camps : l’Algérie bien sûr que nous supporterons avec nos cœurs, nos sélections étrangères respectives et, il va sans le dire, Hafid qui sera sur son terrain de commentateur. Comme une partie du Mondial se déroulera pendant le Ramadhan, nos ‘’boqalats’’ cette année seront footballistiques », déclare Faiza Derradji.

Fouzia Messadi, 27 ans, Alger

Il ne lui viendrait pas à l’idée de rater un seul match de la Coupe du Monde. Et aussi loin que remontent ses souvenirs, elle n’en a raté aucun. « Les autres compétitions ne m’intéressent pas beaucoup, mais la Coupe du monde, si, et tout particulièrement lorsque l’Équipe nationale joue », dit-elle. Fouzia a tout fait pour partir au Brésil pour le prochain Mondial. « La difficulté, c’est de trouver où se loger, c’est pourquoi je ne pars pas », regrette-t-elle. Mais elle promet de ne pas rater un seul match. « J’irai voir tous les matchs de notre équipe lors des projections à la Grande poste, les autres équipes, je les regarderai à la télévision, chez moi », a-t-elle décidé. Elle assure qu’elle n’hésitera pas à rater des journées de travail à la rédaction de son journal, pour regarder un match.

Dahbia Benseghir, 84 ans, Makouda (wilaya Tizi Ouzou)

Dahbia ne comprend pas l’intérêt qu’on peut avoir pour le football. Cette femme, au caractère bien trempé, trouve ridicule de courir après un ballon.  Elle porte un foulard sur la tête sous lequel elle cache ses tresses blanches. Elle ne met ni henné dans ses cheveux, ni bijoux, ni robe aux motifs berbères. Elle est veuve depuis 54 ans et ne veut surtout pas sortir de son veuvage. Sa petite fille, Célia, explique que Dahbia trouve ridicule d’avoir à applaudir parce qu’une équipe a mis le ballon dans un coin (le but). Pour la vieille dame qui s’est retrouvée veuve très jeune alors qu’elle était enceinte et  qu’elle élevait l’enfant de son mari, le football est une perte de temps pour tout le monde. « Sa plus grande colère, c’est de nous voir tous en train de regarder le football à la télévision. Encore que pour les garçons, elle ne dit rien mais s’il s’agit de nous, les filles, elle se fâche et nous dit d’aller plutôt préparer du pain », raconte sa petite fille Célia. Pour la vieille dame, ce sport est celui des hommes et il n’est pas convenable pour une jeune femme de s’intéresser aux lubies des hommes.

Fatma Besdok, 55 ans, Tizi Ouzou

Ses cinq enfants vibrent pour le football, du moins pour le Mondial. « Mais le plus grand fan, c’est son mari ». Et cela lui pose des problèmes. Fatma n’aime pas le football. Ou du moins, elle ne l’aime pas autant que son mari. Elle supporte mal la pression vécue par son entourage les soirs des matchs à la télévision. Son époux vient d’acheter un nouveau démo « BeIN Sport » qui capte toutes les chaînes sportives. Méthodiquement, elle énumère trois bonnes raisons pour lesquelles elle n’aime pas le football. La première ; c’est que cela génère trop de stress. Du coup, elle reste dans le balcon pour ne pas voir et ne pas entendre les matchs à la télévision. « J’ai un peu peur pour les joueurs. Ils pourraient tomber et se faire mal », dit-t-elle. Pour autant, et c’est la deuxième raison, ce qui la gêne le plus c’est l’attitude de son mari pendant le Mondial. « Il est grognon. Il stresse avant le match et pendant le match. Il réclame plein de choses qui, au bout du compte, ne le satisfont pas ». Fatma déplore également le fait que son mari ne fait plus rien durant cette période de compétition. « Il ne bouge plus et il pourrait manquer plein de choses à la maison, qu’il ne bougerait pas pour autant », s’insurge-t-elle. Ce qu’elle dit à demi-mots,  c’est que durant la période du Mondial, elle se sent bien seule. Elle ne partage pas cette passion pour le football et se sent complètement mise à l’écart.


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