La chronique de Hafid Derradji : un début de quatrième mandat difficile !

L’embrouillement qu’a connu le pouvoir avant l’annonce du nouveau gouvernement n’est que le reflet de la réalité du régime et de ce qu’il traverse comme tracas.

En effet, tous les observateurs s’accordent à décrire ce neuvième gouvernement de Bouteflika comme étant un gouvernement administratif plutôt que technocrate. Un gouvernement sans rivalité aucune et ne revêtant aucun aspect politicien, et encore moins un équilibre régional. Ajouté à tout cela, le déclin de représentation du FLN qui n’a pas obtenu, cette fois-ci, la part du lion des portefeuilles ministériels. Quant à la pseudo-opposition, elle semble avoir disparu et aurait déclaré refuser de faire partie de la nouvelle équipe gouvernementale, sans pour autant évoquer des raisons claires.

Cette situation a laissé libre cours à des nominations sans harmonie ou concordance aucune entre les membres du gouvernement.  Pour illustrer cet état de fait, il suffit de citer les susceptibilités qui existent entre le ministre du Commerce, Amara Ben Younes et son successeur au ministère de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb. Sinon la sensibilité grandissante entre le ministre de la Justice Tayeb Louh et celui de l’Intérieur Tayeb Belaïz, sans oublier la relation frileuse qui perdure entre le Premier ministre Abdelmalek Sellal et le nouveau-ancien ministre de la Jeunesse et des Sports,  Abdelkader Khomri, pour ne citer que ceux-là. S’ajoutent à cela, de nombreux aspects obscurs qui entourent cette nouvelle équipe et qui ne seront pas sans conséquences sur la performance du gouvernement, même de transition, comme l’a déclaré Saâdani. Et pas que lui, car d’autres observateurs politiques, qui n’ont pas exprimé ouvertement leur hostilité à cette nouvelle formation, n’ont pas hésité à laisser libre cours à leurs critiques « secrètes » dans les salons de discussions de peur que leurs dires n’arrivent aux oreilles des ayants droits des nominations importantes au sein de l’État.

D’autre part, il va sans dire que le refus de l’opposition de façade de participer officiellement dans l’Exécutif affaiblit le gouvernement, même si ce qui l’affecte vraiment c’est le manque d’harmonie entre ses membres. Car, l’opposition veut s’unir contre le pouvoir en formant des alliances entre partis politiques, anciens chefs de gouvernement, anciens ministres, anciens généraux et des figures nationales, exclues, marginalisées et affaiblies par un pouvoir qui pensait renforcer ainsi le système.  Cependant, c’est le contraire qui s’est produit, car le pouvoir n’a jamais réalisé que sa force émane de celle de l’opposition, tout comme sa faiblesse. En effet, plus l’opposition est forte, plus le pouvoir est fort, et plus l’État est incontestable avec ses équilibres, ses contradictions et ses différences.

La colère des partisans de Bouteflika, quant à elle, a atteint un point culminant, qu’ils ne peuvent hélas pas exprimer de peur d’être exclus de prochaines nominations à des postes pouvant être distribués prochainement ou de perdre des postes qu’ils occupent déjà, aussi petits soient-ils. Et le Président est parfaitement conscient que cette catégorie de personnes lui sera toujours loyale, même si elle est exclue et mise à l’écart, et elle n’osera jamais le contredire quoi qu’il fasse. C’est pour cela qu’il la méprise, ne lui montre aucun respect et ne la prend pas du tout en compte !

Toutes les analyses politiques vont dans le même sens pour dire que ce gouvernement est face à de grands défis ; ceux de respecter les promesses faites lors de la campagne pour le quatrième mandat ; des promesses dépassant parfois tout entendement. Alors que les conflits embrasaient plusieurs villes de l’intérieur du pays ; dans le Sud, à Ghardaïa, on a juré de transformer le pays en paradis sans rivalités, ni antagonismes.

Pourtant, ces conflits ont atteint des proportions tragiques qui n’en finissent pas. Par ailleurs, la trêve sur le front social n’est que temporaire et ne saurait durer, si on persiste dans cette politique où tout s’achète ; la conscience des gens d’un côté et la paix sociale de l’autre. Une politique de fausses promesses avec son lot d’exclusion, de pillage et d’impunité.

Ce cafouillage et ce déséquilibre dans les rapports de force, la fragilité du gouvernement et la faiblesse de la plupart des institutions de l’État accentuent la crainte du pouvoir d’échouer face à ses futurs défis. La révision de la Constitution d’un côté, une dissolution probable du Parlement et bien d’autres challenges politiquement sensibles qui requièrent un minimum de consensus entre tous les acteurs ; qu’ils soient civils ou militaires, ou même appartenant à d’autres centres de décision.

Quant à l’opposition, elle ne fait plus confiance aux initiatives lancées par le pouvoir, y compris le projet de révision de la Constitution qui lui sera présenté dans les jours à venir.

Ce pouvoir atteindra-t-il ses aspirations en planifiant et en contrôlant la carte politique et sociale ? Ou échouera-t-il comme ce fut toujours le cas ? Dans un conteste où il a difficilement fait passer la candidature du Président pour un quatrième mandat, où l’élection présidentielle l’a laissé à bout de souffle et où la formation du nouveau gouvernement s’est faite dans un embrouillement flagrant.

Cependant la question qui reste posée est celle de savoir comment un gouvernement disparate peut-il résoudre les problèmes d’une politique en suspens et gérer des dossiers complexes. D’autant plus que la situation requiert une formule magique que ceux qui font et défont la politique ne détiennent hélas pas. Car, depuis qu’ils ont annoncé le projet du quatrième mandat pour le Président, les choses vont de mal en pis. Les jours à venir nous donneront des réponses à toutes les questions pendantes et le temps nous dévoilera de terribles vérités sur ce que subissent l’Algérie et ses enfants.

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