La chronique de Hafid Derradji : il nous faut une Constitution à la hauteur de la Nation

C’est en raison de l’absence de communication dans la société et la perte de confiance entre le pouvoir, l’opposition -si elle existe-, la classe politique au sens algérien du terme, et la société avec toutes ses franges; c’est également compte tenu de l’inexistence de la culture de l’État et du nombre réduit des hommes d’État comparé aux nombreux politiciens et partisans, notamment les pseudos hommes du Président que le pouvoir se dirige aujourd’hui vers un consensus conjoncturel avec l’opposition en vue de réviser la Constitution. Un consensus qui veut donner de la crédibilité au quatrième mandat en impliquant la classe politique et en l’engageant dans un processus de polarisation.

Il est, cependant, clair que ceci n’est qu’une nouvelle forme de tromperie visant à nous faire oublier les chantiers devant être discutés pour construire une réelle République algérienne où la démocratie, la liberté et la justice sociale seront consacrées loin de toute humiliation, de mépris et de dénigrement haineux, du sous-développement, de la corruption et de l’impudence.

Une quatrième révision de la Constitution, en l’espace de cinquante ans et sous cette forme directe et rapide, ne  peut constituer une base pour un nouveau régime adapté aux transformations que connait l’Algérie.

Par ailleurs, la vitesse à laquelle se fait la révision de la Constitution ne saurait répondre aux besoins de la société pour le changement et le renouvellement souhaités. La révision constitutionnelle n’est pas le but réel ; c’est de la poudre aux yeux qui sert à occuper les gens et à les détourner des dysfonctionnements de l’État et des grands défis qui nous attendent.

C’est une supercherie destinée à la classe politique pour lui faire oublier les grands débats initiés avant l’élection présidentielle et la pousser à renoncer aux demandes de changement et à la réouverture des différents dossiers de corruption. C’est aussi un leurre à l’adresse du peuple qui n’a mandaté personne pour le représenter lors des consultations pour le projet d’amendement de la Constitution.

L’Algérie d’aujourd’hui a besoin de respecter la Constitution plutôt que de la réviser. Elle a besoin de respecter les lois et la déontologie de la vie politique et sociale.

L’Algérie d’aujourd’hui a besoin d’une véritable réconciliation pour bannir la haine, l’exclusion et les règlements de comptes.  Elle a besoin d’en finir avec toutes ces pratiques régionalistes et népotistes qui gangrènent les nominations aux postes de responsabilité.  L’Algérie d’aujourd’hui et de demain doit sacraliser l’effort et l’efficacité et respecter la primauté de la loi au lieu de vénérer des hommes et d’encourager la médiocrité en protégeant les voleurs, les pilleurs et les corrompus.

L’Algérie a besoin de lancer le débat sur un projet de société qui répondrait aux besoins de ses enfants et du pays pour les  cinquante années à venir.  Elle a besoin de planification sur le moyen et le long terme, car seules des institutions stables et solides sont en mesure d’assurer la continuité de l’État quels qu’en soient les circonstances et les hommes. Nous avons, plus que jamais, besoin d’un changement réel et non de raccommodage des problèmes de nos enfants (par exemple dans le Sud à Ghardaïa et en Kabylie), sans calcul politicien et sans complexe régionaliste ou ethnique.

C’est uniquement dans ce cas de figure que nous pourrons construire l’homme algérien moderne, doté d’un esprit civilisé et capable de s’adapter aux changements que connait le monde qui nous entoure.

L’Algérie a besoin d’un souffle nouveau associant la jeune génération dans la vie politique et dans le processus de développement par l’accompagnement et la motivation.  Mais aussi en lui montrant le sens réel de la responsabilité, en l’impliquant directement dans les prises de décisions dans les différents chantiers politiques, culturels, sociaux et sportifs.

Nous savons tous que la jeune génération possède le savoir, la culture, la conscience et l’amour du pays comme ses prédécesseurs. Nous sommes tous aussi conscients que la génération de Bouteflika et de ses hommes est révolue et n’est plus en mesure de suivre les nouveaux défis et les besoins de la jeune génération.

L’Algérie a besoin de lancer des chantiers dans les domaines de la technologie, de l’industrie, du tourisme, de l’agriculture, de la culture et de l’éducation. Car après cinquante ans d’indépendance, notre société reste fragile et hésite à trancher sur des questions liées à l’identité, à la langue et à l’histoire. Tout comme elle n’arrive pas à choisir le système éducatif approprié pour ses enfants ; un système qui change à chaque rentrée scolaire sans résultats tangibles.

Quant au système économique basé sur les seuls revenus des hydrocarbures au détriment de l’agriculture et du tourisme, il doit aujourd’hui réexaminer les déséquilibres du secteur. Des déséquilibres qui encouragent le vol, le pillage, la corruption et l’argent facile. Des déséquilibres qui ont fait de nous une société purement matérialiste sans le moindre sens des valeurs, des principes et des relations humaines.

L’Algérie a, plus que jamais, besoin de faire toute la lumière sur les dossiers de corruption systématique en les traitant à la racine.  Une corruption qui a spolié notre économie par l’œuvre d’un gang qui ne se rassasie pas et qui est associé aux forces du mal pour se protéger au détriment de l’économie nationale et des ressources de la Nation. Un gang, dont les membres se sont unis pour atteindre et porter préjudice, sans vergogne, à toute personne qui oserait dénoncer leurs agissements ou se dresser contre eux.

Ces chantiers constituent les plus grands défis auxquels l’Algérie fera face pour construire une société équilibrée et un État fort pouvant débattre de toutes les options consensuelles, pas uniquement une Constitution. Une Algérie qui ouvrirait les bras à tous ses enfants et non à une catégorie ou à une région au détriment de l’autre. Une Algérie où les personnes ne seront pas exclues pour leurs opinions et leurs choix, car cette terre peut contenir toutes les opinions et toutes les idées.

Nous avons hérité d’une Constitution morale faite de pratiques consciencieuses pour contrôler les agissements des hommes au nom des institutions.  Nous ne voulons pas d’une Constitution vidée de son contenu à force de changements. Nous avons besoin d’une Constitution à la hauteur de l’Algérie et non d’un texte pour assouvir les caprices d’un homme quel que soit son poids.


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