Yasmina Khadra: « J’ai découvert que la trahison est un sport national »

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Yasmina Khadra continue de livrer au fil des interviews son regard sur l’Algérie. Et il durcit ses propos : « Ce n’est pas Bouteflika qui a permis la paix civile » affirme-t-il à l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur. Florilège : « Pour moi, il y a deux Algérie : celle du peuple qui est complètement ignorée, vilipendée ; et celle des prévaricateurs et des prédateurs qui n’arrêtent pas de se découvrir une force inouïe alimentée par le fatalisme qui nous fait croire que tout est perdu et verrouillé ».

Le rôle d’Ennahar

« Le directeur de la chaîne de télévision Ennahar (…) est la force de frappe médiatique du système. J’en fais personnellement les frais car aujourd’hui, je fais l’objet d’une cabale en Algérie. Cette chaîne m’insulte, affirme que j’insulte les Algériens à travers mon livre et que la France est derrière moi. Il y a une connexion permanente entre le régime et ses sbires et ces derniers savent exactement ce qu’ils doivent faire et comment ».

Sa campagne électorale avortée

« Il y a eu l’infiltration. Des gens sont venus me proposer leur aide. Je les ai crus, je les ai installés dans des bureaux, je leur ai donné les formulaires pour les signatures. Or, c’étaient des gens qui travaillaient pour le système. (…) J’ai découvert que la trahison est un sport national ».

De l’avenir de l’Algérie

« J’ai appris à mes dépens, pendant la campagne, que c’était un système verrouillé mais pas invulnérable. Si les Algériens pouvaient se rassembler autour d’un idéal et réfléchir à ce qu’ils veulent pour les générations de demain, le système partirait en un claquement de doigts. Car c’est un géant aux pieds d’argile. Le pouvoir algérien est une île flottante ».

Qui soutenir ?

« Je soutiens tous ceux qui sont contre ce système que je veux voir disparaître. Mais il n’y a pas une vraie solidarité. Chacun fait sa guerre dans son coin, ce sont des énergies morcelées, fragmentées, éclatées, qui se retournent contre elles-mêmes car elles n’ont pas véritablement un socle ou un réceptacle capables de les porter et de les concrétiser sur le terrain. On n’a pas la culture de la solidarité, du combat commun. C’est ça qui permet à un système algérien, à un système fantoche, un stalinisme rudimentaire et quelconque de prendre cette stature de géant. Car en face, il n’y a que des îlots, des foyers de résistance minimes qui s’éteignent d’eux-mêmes ».

Déçu par Abdelaziz Bouteflika ?

« J’ai été le premier à le soutenir ! Pour moi, Abdelaziz Bouteflika était un conjurateur qui pouvait nous aider à chasser les vieux démons. J’y croyais comme pas possible. On attendait un homme providentiel. Pour moi, il avait fait une traversée du désert, et s’il était revenu, c’était pour sauver son pays. Je l’ai défendu, je me suis battu physiquement ! J’ai attendu. Mais ce n’est pas lui qui a permis la paix civile. En 1999, le terrorisme prenait fin. Il est juste arrivé au bon moment. Il m’a déçu parce que l’histoire lui ouvrait les portes, il n’avait pas besoin de tomber aussi bas ».

Dans ce contexte, voyez-vous certaines choses positives ?

« Certainement. Les Algériens ne veulent plus entendre parler d’islamisme. Mais il y a eu très peu de choses positives. On ne peut pas attendre d’un dépotoir de sentir bon un jour ».


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