Dans une lettre à Kerry : RSF critique durement la situation de l’information en Algérie

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À l’occasion de la visite officielle de John Kerry en Algérie, les 2 et 3 avril 2014, dans le cadre du dialogue stratégique entre les deux pays, l’ONG française, Reporters sans frontières (RSF), adresse une lettre au secrétaire d’État américain afin de lui faire part de ses préoccupations quant à la situation de la liberté de l’information en Algérie.

RSF demande à John Kerry de « soulever cette question cruciale au cours de vos échanges avec votre homologue algérien, Ramtane Lamamra. L’Algérie figure au 121e rang sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi pour 2014.

À l’approche de l’élection présidentielle du 17 avril prochain, l’organisation a recensé un certain nombre d’interpellations de journalistes en marge des manifestations organisées en protestation à l’annonce de la volonté d’Abdelaziz Bouteflika de briguer un quatrième mandat », écrit Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Il poursuit : « Il est plus qu’urgent que les autorités algériennes réforment en profondeur le secteur des médias en Algérie, en optant pour un véritable pluralisme de l’information, tant au niveau de la presse écrite que de l’audiovisuel. Elles se doivent de respecter leurs engagements constitutionnels et internationaux en matière de libertés fondamentales, notamment pour ce qui est de la liberté de l’information ».

RSF dénonce « une campagne présidentielle sous tension » et en veut pour preuve que « des journalistes couvrant les manifestations qui ont suivi l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat le 22 février dernier ont très souvent été pris pour cibles par les forces de l’ordre. Ces attaques s’inscrivent en porte-à-faux avec la résolution, adoptée le 28 mars 2014, par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies qui consacre l’importance du rôle des journalistes dans la couverture des manifestations et la nécessité pour les États de leur apporter la protection nécessaire». RSF cite les cas de Zineb Benzita journaliste à Echourouck TV et Meziane Abane, journaliste à El Watan, arrêtés pour avoir couvert ou participé à des manifestations.

RSF dénonce en matière de presse  « un pluralisme de façade ». D’après le rapport du Rapporteur des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, publié le 12 juin 2012, moins de six journaux sont réellement indépendants en Algérie.

En matière de presse, RSF souligne le rôle de l’Anep : « la publicité est également utilisée à des fins de pressions contre les médias. L’Anep, Agence nationale de l’édition et de la publicité, créée en décembre 1967 décide de l’attribution de la publicité des entreprises et des services de l’administration publique. La publicité publique constitue ainsi une ressource financière non négligeable pour la presse écrite. Le renouvellement de ces encarts n’est pas sans condition … En ce qui concerne la publicité privée, celle-ci découle bien souvent d’entreprises proches des cercles politiques du pays. Aussi, cette manne financière servira avant tout les journaux les plus dociles au pouvoir des militaires et du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) ».

RSF conclut qu’il est donc facile pour l’État d’asphyxier économiquement les journaux au contenu critique. D’où les tentatives d’émancipation d’un certain nombre de médias. Mais les autorités disposent d’une arme redoutable : celle des redressements fiscaux. Cette épée de Damoclès peut tomber à tout moment sur les rédactions », dénonce dans sa lettre le secrétaire général de Reporters sans Frontières.


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