Que cache la multiplication des visites de présidents africains en Algérie ?  

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Jacob Zuma, président sud-africain, est à Alger pour une visite d’Etat de trois jours. Avant lui, plusieurs chefs d’Etat africains ont séjourné à Alger ces dernières semaines. Abdelaziz Rahabi, ancien diplomate et ex-ministre, revient dans cette interview sur ces visites.

Plusieurs présidents africains se sont rendus récemment en Algérie. Que cachent ces invitations ?

Avant tout  à rattraper un retard. Car nous avions perdu des positions historiques en Afrique en pensant à tort que de bonnes relations avec l’Occident suffisaient à l’Algérie. En  second lieu, c’est l’occasion pour le Président d’apparaître et de faire oublier une  absence  prolongée de tout agenda public de politique interne.

Plus concrètement, les sources de puissance diplomatique ne se réduisent pas à avoir de bonnes relations avec la France, les USA et les pays du Golfe. Il faut savoir tirer profit de ses atouts géopolitiques. Les nôtres sont immenses. Ils résident avant tout dans notre profondeur stratégique : l’Afrique. Nous avions perdu du temps avec le Nepad qui représentait un cadre multilatéral, sans ancrage bilatéral indispensable à toute diplomatie. De même que nous avions fait de la figuration au sein des G8 et G20, des organismes sans intérêt.

Y a-t-il un réel échange entre le président algérien et ses homologues sachant qu’il n’est pas en bonne santé ?

Le Président le fait surtout pour la consommation interne. Il a dès le début de sa présidence, conçu la diplomatie comme un levier de politique intérieure. La diplomatie donne du prestige mais aussi des illusions. Dans le tiers-monde, elle est aussi un contre-pouvoir à celui de l’armée pour les présidents adoubés par les militaires et qui pâtissent d’un déficit de légitimité.

Les hôtes étrangers de l’Algérie savent qu’il n’est pas en mesure d’exercer pleinement sa fonction de représentation diplomatique internationale. Les Occidentaux ne se soucient pas de cet état de fait tant qu’il donne des garanties pour le commerce et qu’il représente un partenaire accommodant dans la lutte contre le terrorisme. Les Africains et les Arabes, du moins pour une partie d’entre eux, sont accoutumés aux dérives des fins de règne des présidences à vie.

Ces visites interviennent dans un contexte politique et sécuritaire particulier : crise au Mali, Boko Haram. L’Algérie est-elle réellement incontournable dans la région ?

Il faut reconnaître à notre pays une anticipation dans l’appréciation des nouvelles menaces sur le continent africain. La communauté internationale a été avertie de cette situation dès les années 1990. Très peu de pays nous avaient pris au sérieux. Plus grave encore, certains nous avaient fait des procès d’intention en raison de la crise sécuritaire et politique que nous traversions à l’époque.

Un rôle d’Etat pivot ne se décrète pas. Nous devons renforcer le front interne autour d’un consensus sans faille sur les questions de sécurité aux frontières, rendre notre économie plus performante et éviter que notre armée ne reste engagée dans une guerre d’usure dont elle sera la seule à payer le prix dans région.

Si le terrorisme représente une menace pour la sécurité et la stabilité internationales, cela devient l’affaire de tout le monde pas seulement de l’Algérie. Elle assumera ses responsabilités dans la sécurisation de près de 6500 kms de frontières communes avec sept Etats voisins et cela représente en soi un engagement suffisant pour lui reconnaître un rôle de leader régional.


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