PORTRAITS DE FEMMES. Au marché Clauzel : votre épicier est… une femme

femmes

Huit femmes, huit histoires et huit messages… À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, TSA vous propose, à compter de ce dimanche 1er mars, une série de huit portraits d’Algériennes qui ne font pas forcément la Une des médias. Premier portrait.

Quand certaines femmes assimilent le divorce à une fatalité, d’autres tirent le meilleur de la situation. L’échec devient alors un moyen de rebondir et reprendre sa vie en main. C’est le cas de Zahia, seule commerçante au marché Clauzel (Alger centre).

Tout commence il y a quatre ans pour cette mère de 36 ans. Divorcée avec deux enfants à charge, elle n’a d’autre choix que de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille.

Même titulaire d’un diplôme en informatique, les recherches qu’elle entame ne donnent rien. Un jour en traversant les allées du marché, elle observe qu’aucune femme ne fait partie du décor. Derrière les étales, seuls des hommes présentent leurs produits et haranguent les passants.

De ce constat, émerge l’idée de créer un business. Son voisin qui tient une échoppe alimentaire l’encourage dans cette voie. Pourtant lorsqu’elle décide de monter son commerce d’épices, ses collègues masculins ne donnent pas cher de sa peau. C’est un métier qui demande de la « rapidité, de la force, de l’expérience », nous explique-t-elle avec un sourire qui quitte rarement son visage.

On lui donne à peine une semaine avant de la voir raccrocher son fameux tablier rouge. Mais pour elle pas question de lâcher prise. À force de ténacité et aidée par son fort caractère, la mère de famille s’accroche malgré les horaires de travail difficiles.

Elle quitte son domicile dès 5h30 pour étaler son arc en ciel d’épices. Dès 6h15, ce sont plus d’une cinquantaine de produits qui offrent leurs couleurs aux matinaux venus, parfois, de très loin juste pour acheter ses marchandises. La qualité est la base de son travail. « En tant que femme cuisinière, je suis bien placée pour parler de mes expériences et je teste tous les produits ». Désormais, elle fait office de vendeuse, conseillère culinaire et même naturopathe !

Vendre des épices est une question de confiance et de connaissance. Elle propose même des mélanges appris chez un mentor turc. Et quand une question se pose, internet devient l’arme ultime. Les encouragements fusent de la part de ses consœurs mais également de la gente masculine qui la pousse à poursuivre son travail.

Si le marché ferme ses portes à 13h30, la journée n’est pourtant pas finie pour la vendeuse. Deux à trois fois par semaine, elle se rend au marché du gros de Semmar pour refaire le plein. Au début, elle y sentait les regards insistants des hommes se demandant ce qu’une femme pouvait bien trouver à faire dans un tel endroit. Peu importe, depuis quatre ans, même à Semmar, les hommes se sont habitués à sa présence.

Le pilier ultime reste sa famille : « Heureusement, je viens d’une famille ouverte ». C’est grâce à ses proches que son projet a été mené à terme. Mais cela ne lui fait pas oublier les moments difficiles. Les premiers mois, Zahia a failli abandonner à multiples reprises. La faute aux mentalités.

Son caractère affirmé, lui permet de s’imposer et faire face aux remarques. Aujourd’hui, tout le monde la respecte. En plus de l’environnement de travail, l’effort physique que lui impose le métier en aurait rebuté plus d’une. Au départ son corps ne supporte pas les odeurs et l’exposition aux poussières d’épices. « Mais même lui a fini par s’y habituer », conclut-elle dans un éclat de rire.

À la question de savoir si elle quitterait son poste actuel pour une opportunité de travail dans son domaine, la réponse est catégorique : « Pour rien au monde ! J’ai trouvé ma place, avec mes voisins de stands, mes collègues qui sont aussi mes amis. Le quartier et mes clients ça me suffit amplement ».

Son projet à long terme ? Probablement l’ouverture d’une boutique en bonne et due forme, avec plus d’espace pour présenter ses produits et pour offrir encore plus de qualité à ses clients. Mais pour le moment, la seule préoccupation de celle qui s’est fait un nom dans son domaine, c’est de ne pas brusquer ses clients en se dispersant. Et puis, il y a aussi ses enfants… Même si son fils de 15 ans l’aide volontiers, la vente reste un job saisonnier pour lui : « je veux qu’il se consacre à ses études ».

Le message de Zahia pour les femmes algériennes : « Il n’existe pas de sous-métier. Tout travail mérite le respect. La femme algérienne doit compter sur elle-même pour être plus indépendante ».


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici