Fraudes aux importations : comment des milliards de dollars sont transférés illégalement

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Plus de quarante infractions de change ont été enregistrées, ces derniers mois, au niveau du port de Béjaïa. Il s’agit de conteneurs contenant des objets « obsolètes et sans valeur commerciale », délaissés au niveau du port. Exemple d’objets importés pour être, par la suite, laissés à l’abandon : une machine à fabriquer des gobelets ou une machine à fabriquer des couettes ou même des poubelles en plastique.

Aujourd’hui, 196 conteneurs se trouvant, au niveau du même port, contenant des produits sont non conformes, selon une source judiciaire. Des enquêtes judiciaires sont ouvertes. Mais dans la majorité des cas, les faux importateurs sont introuvables. Ils utilisent en effet de faux registres de commerce ou des registres libellés au nom de personnes décédées ou internées dans des hôpitaux psychiatriques.

Surfacturation

« Ce sont des produits qui viennent à 100% de Chine », souligne notre source. Les importateurs louent, généralement, des registres de commerce pour ensuite  procéder à l’importation de ces marchandises, en les surfacturant. « Le montant de l’importation est généralement dix fois supérieur à la valeur de la marchandise importée », affirme une source proche des douanes.

Une fois le transfert d’argent effectué, les « faux » importateurs disparaissent dans la nature délaissant la marchandise au niveau des ports. Souvent, « il n’y a aucune relation entre le produit mentionné sur le dossier et ce qui est importé », ajoute notre source.

Cette situation n’est pas exclusive au port de Béjaïa. Elle est encore plus grave dans les ports de l’ouest et de l’est du pays, deux régions où sévit la contrebande.

Transfert  illicite d’argent et gain facile

Pourquoi abandonner la marchandise importée ? Dans le premier cas, les fraudeurs gonflent, exagérément leurs factures à l’importation pour pouvoir transférer un maximum de devises vers l’étranger. Le différentiel entre le taux de change officiel (103 dinars pour un euro) et celui pratiqué sur le marché parallèle (160 dinars) permet de réaliser une plus value de plus de 50% avec un simple document. L’importateur n’a pas besoin de vendre sa marchandise pour rentabiliser son activité.

En l’absence de contrôle, c’est un jeu d’enfant. Souvent, le faux importateur traite avec une société créée par lui-même ou ses complices à l’étranger. Les banques basées en Algérie ne font aucun travail de contrôle. « Ce qui intéresse les banques, c’est la traçabilité de l’opération financière. Or, sur ce point, tout est tracé. Le virement s’effectue bien sur un compte bancaire identifié à l’étranger. Mais cela n’empêche pas la fraude », explique une source proche du dossier. « Sur le plan réglementaire, on ne peut pas bloquer quelqu’un dont le dossier bancaire est complet et propre. En plus les fraudeurs connaissent très bien la réglementation », note notre interlocuteur.

Le crédit documentaire pointé du doigt

La situation est « alarmante », pour les douanes algériennes qui ont insisté sur la nécessité de mettre fin à ces pratiques lors d’une réunion tenue récemment au ministère des Finances consacrée aux importations. Le directeur général des Douanes a tiré la sonnette d’alarme. Les fraudes aux marchandises importées ont atteint des niveaux records en 2014.

Cette fraude a été encouragée, selon lui, par l’instauration  du crédit documentaire comme unique moyen de paiement des importations depuis 2009. « Cette mesure (décidée par Ouyahia) a ouvert la porte à cette mafia », explique la source proche du dossier.

Que faire ?

Une commission regroupant plusieurs directions se penche actuellement sur le dossier. Parmi les mesures envisagées : la Banque algérienne se porterait garante de la transaction commerciale mais le paiement en devises ne sera effectué qu’une fois la marchandise certifiée conforme par les douanes.


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