REPORTAGE. Vivre à In Salah : à quoi ressemble une ville du sud algérien

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Abdelkader est adossé à sa camionnette près du siège de la daïra d’In Salah. Un vent soulève des nuages de sable sur la ville. Bonnet et lunette de soleil, Abdelkader distribue des tracts aux manifestants sur lesquels est écrit : « non, non, non au gaz de schiste à In Salah ». « En février et en mars, les vents de sables vous séquestrent à la maison », plaisante-t-il avant d’ajouter en souriant : « Dites-moi : vous n’êtes jamais venue ici en été, n’est-ce pas ? ». Le sourire est à a fois moqueur et triste : « Vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est 52 degrés à l’ombre alors ! »

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« Si la région était développée… »

De plus en plus violent, le vent de sable commence à brouiller le paysage.

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Des manifestants sont regroupés autour d’un journaliste pour s’exprimer. D’autres sont rassemblés autour d’un camion sur lequel un homme récite tantôt des versets coraniques et tantôt des prières.

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Abderrezak vient de rejoindre les manifestants. Cet ancien militant du Front national algérien (FNA) de Moussa Touati et membre de la société civile est fier de la mobilisation contre le gaz de schiste. « Si la ville était un peu développée, l’affaire du gaz de schiste serait passée inaperçue. Ce n’est pas le cas. Et puis la rudesse du climat nous suffit. Nous n’avons pas besoin d’un gaz qui va nous empoisonner », lâche-t-il.

« Des dos-d’âne dans le sable » 

Certes, Abderrezak estime que parler de développement n’est pas une priorité, aujourd’hui, avec le « danger imminent » du gaz de schiste. Mais comme beaucoup d’autres habitants d’In Salah, l’état de la ville le révolte. « Ce ne sont pas des rapports écrits mais des choses que vous pouvez constater. Regardez à quoi ressemble une ville du sud ! Le sous-sol est riche mais sur le sol, on ne voit rien », s’indigne-t-il. Á l’entrée du quartier Ksar L’Arab, la voie principale est complètement crevassée. Des nids et des dos-d’âne rendent la circulation compliquée. « Même dans le sable, ils vous mettent des dos-d’âne, je n’ai jamais compris cette logique ».

« Les pistes de Ouled Hadj »

La route demeure malgré tout praticable contrairement aux pistes qu’offrent d’autres quartiers d’In Salah aux automobilistes. La nuit tombée, le manque d’éclairage public rend la consuite très compliquée. « Accrochez-vous bien », prévient Abderrezak. Du sable, des gravats et encore des crevasses. S’y aventurer avec une voiture touristique constitue parfois un véritable parcours du combattant. Les chemins montent… et descendent selon l’état des routes. Á Haï Zaouia, c’est le sable qui barre parfois l’accès aux véhicules. « Voici encore des habitations précaires… Peut-être que Sellal reçoit des rapports disant qu’on habite dans des villas », ironise Abderrezak.

« Des chèvres pour les ordures ménagères »

Au quartier des « 100 logements », un troupeau de chèvres déambule d’une ruelle à l’autre. « Elles remplissent la mission de l’APC. Elles mangent les déchets ménagers que l’APC doit ramasser ! », se moque le conducteur. Le centre-ville d’In Salah n’a absolument rien à envier aux autres quartiers de la ville, avec ses trottoirs défoncés et ses chaussées ensablées. Les lieux de rencontres qu’il offre : les mosquées et autres lieux de prières, le marché et quelques cafés maures. Deux bâtiments font office, l’un de maison de jeunes et l’autre de maison culturelle. Ici le mot « divertissement » fait sourire.

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« Nous sommes des morts-vivants »

Les habitants de cette petite ville du sud située à près de 700 kilomètres de Tamanerasset vivent comme des morts-vivants, selon Abderrazak. Ce dernier explique avoir eu la « chance » de visiter Alger qu’il décrit comme un endroit magnifique. « J’avais besoin de faire des analyses que je n’ai pas pu faire à In Salah. Donc j’ai acheté un billet et je suis parti à Alger », précise-t-il. « Á Alger, vous avez de toutes petites échoppes où on trouve absolument tout. Je me suis baladé, j’ai mangé de la pâtisserie. Pas celle de 25 DA mais celle de 70 DA ! Dans chaque rue, je pensais aux gens d’ici, à ceux qui n’ont pas eu la possibilité de sortir d’In Salah  », dit-il.

Le pouvoir a torpillé In Salah

Ce militant anti-gaz de schiste est aujourd’hui convaincu que ce sont les politiques qui ont fait de In Salah ce qu’elle est aujoud’hui. « Ils ont détruit la ville et l’ont pillée en jouant sur nos divisions », affirme-t-il. Abderrezak insiste, cependant, sur une chose : il n’en veut pas à l’État ! Il est convaincu que le président n’a pas des informations nécessaires concernant le gaz de schiste. Tout comme le ministre de l’Énergie, d’ailleurs. « Peut-être qu’il reçoit de faux rapports ! », suggère-t-il.

Abderrazak a participé à la campagne électorale de Abdelaziz Bouteflika en avril dernier. Il ne le regrette pas. « C’est le seul président qui est passé nous voir à In Salah », rappelle Abderrezak qui pense aujourd’hui intégrer le parti d’Amar Ghoul, Taj.


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