Nous y voilà ! L’incertitude est là. Les plus raisonnables parmi les experts mondiaux nous annoncent des années insupportables et certaines voix parmi eux ne craignent pas de prédire un prochain scénario des années 80 quand le pétrole vint soudainement à chuter et que la crise, que personne n’avait prévue, jeta la population dans la misère puis dans la rue.
Un nouvel octobre 1988 n’est donc pas à écarter et se sont des spécialistes de la question qui le disent. La cause ? Les dirigeants, qui n’écoutent personne, avaient tout basé sur un prix moyen du Sahara Blend de 100 dollars. Il est aujourd’hui à un peu plus de 70 dollars. Où trouver les 30 dollars manquants ? Mais dans le bas de laine, pardi ! Tant qu’il y en a. Le gouvernement sera contraint de piocher dans ce fameux Fonds de régulation des recettes qui était un peu le bijou de famille. Et après ? Eh bien, après, on ne sait pas. Brouillard !
Devant la perspective de faillite financière, le régime opte pour la sourde oreille et la fuite en avant. Surtout ne rien reconnaître de l’impasse qui nous attend. Ce serait reconnaître deux graves crimes de gouvernance infligés à ce pauvre pays : pendant près de 15 ans, du temps de Chakib Khellil, les principaux gisements pétroliers du pays ont été surexploités, occasionnant, dès 2008, une baisse du volume des exportations, baisse qui a connu une aggravation en 2012 – 2013. Pendant plus de 15 ans, rien n’a été engagé pour réduire la dépendance aux hydrocarbures, ce qui aurait atténué les effets de la chute des prix sur l’économie nationale. Bouteflika n’a pas créé une seule usine depuis 1999.
Mais comme tout le monde le sait, nos dirigeants ne sont pas aux commandes du pays pour y gouverner, construire des usines ou veiller à l’emploi, mais pour y exercer le pouvoir. Le Président et son entourage ne sont pas des bâtisseurs. Il leur suffit d’évoluer autour de la Cour, de brigander et de se livrer aux jeux du mensonge et de la parodie théâtrale. Ainsi, pendant que le grand châtelain prépare sa potion constitutionnelle, la ménagerie courtisane se croit obligée de divertir le bon peuple par d’affligeantes singeries qui en arrivent à nous faire regretter Yazid Zerhouni. Rendons, en effet, cette justice à l’ancien ministre de l’Intérieur qui mettait bien plus de cœur et de talent à assurer la fonction de clown, charge hautement symbolique par laquelle le régime en place prouvait qu’il pouvait être aussi drôle que les Simpson.
Depuis l’éjection de celui qui restera dans l’histoire comme l’inaltérable Nounou La Gaffe, La Famille a perdu de son allant, nous n’avons plus droit qu’à de pathétiques numéros de bouffons de seconde classe. Saâdani, Haddad, Hanoune, Benyounès…
Avec Amar Saâdani se vérifie immanquablement le génie de Jonathan Swift. Il n’est pas un seul jour sans que le secrétaire général du FLN ne s’emploie, avec talent, à rappeler aux esprits amnésiques que nous sommes, notre filiation avec l’île de Lilliput, ce territoire que l’on a si longtemps cru sorti de l’imagination de l’écrivain irlandais, et dont les habitants, divisés en deux peuples, les Gros-boutiens et les Petits-boutiens, ne mesurent qu’environ six pouces de haut mais ont une telle idée d’eux-mêmes qu’ils passent leur temps à se croire invincibles et à se faire la guerre.
Il faut préciser que la discorde qui les oppose se justifie par un motif indiscutable : un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque. C’était oublier que dans l’île de Lilliput, la question de la souveraineté ne se négocie pas et c’est ce qu’a tenu, du reste, à rappeler sèchement Amar Saâdani à la délégation de l’Union européenne qui séjournait en Algérie. Le secrétaire général du FLN, s’exprimant en parfait Gros-boutien, à moins que ce ne fut en irréductible Petit-boutien, malmena les illustres hôtes du pays, les menaçant, du haut de ses six pouces, de leur faire subir le sort de Gulliver, ce visiteur imprudent qui s’aventura dans l’île et dont on se souvient qu’il fut capturé par les nains de Lilliput, ligoté et passablement maltraité.
Saâdani n’a pas apprécié que la délégation européenne prête l’oreille à l’opposition. Il en était tout rouge de fureur : « La délégation a établi une liste de contacts, en dehors des partis et des associations, reconnus officiellement. Ce que nous considérons comme une ingérence dans les affaires intérieures du pays ».
Voilà à quoi pense le chef du plus grand parti algérien pendant que la faillite rôde autour de la maison : à mentir ! Le mensonge, style absolu de gouvernance. Comment croire qu’ils vont dire la vérité sur les conséquences de la baisse du prix du brut ?
Il y a à peine deux mois, un journaliste de Liberté qui avait cru entendre le ministre de l’Énergie annoncer des jours difficiles du fait de la chute des prix, s’était vu remettre en place par ce même ministre Youcef Yousfi qui n’a rien moins que déclaré ceci à l’agence officielle APS : « Les niveaux actuels des prix ne constituent pas une préoccupation particulière dans les milieux pétroliers. Les fluctuations actuelles de prix sont attribuées aux mouvements des cours de monnaie et aux opérations boursières habituelles ».
Vous avez compris : notre pays n’est pas concerné par la crise qui s’annonce !
Le pays est entre les mains du pouvoir le plus irresponsable qui soit.
S’il reste encore des âmes patriotes dans ce pays, c’est le moment de se manifester. Dans quelques mois, il sera trop tard.