Pourquoi les supporters algériens sont-ils violents ?

supportere

Nacer Djabi, sociologue,  explique dans cet entretien les raisons de la violence dans les stades algériens.

Comment peut-on expliquer le comportement du supporter qui a  tué le joueur de la JSK ?

D’abord, les jeunes attendent pendant des heures avant d’accéder au stade pour regarder le match dans des conditions qui sont déplorables. Ce sont quelques éléments qui expliquent l’excitation des supporters. Ensuite, il y a une sur-instrumentalisation du football par le politique. Depuis quelques années, le pouvoir a découvert dans le football un moyen pour catalyser la force de la jeunesse. Une jeunesse pour qui le football est devenu, aujourd’hui, une question de vie ou de mort ! Une jeunesse qui n’a que le football, surtout dans les villes où il n’y a pas de loisirs et qui s’est désintéressée, par conséquent, de la politique et de la chose publique. D’ailleurs, pour cela, le pouvoir est prêt à payer une Coupe du monde tous les six mois et non pas tous les quatre ans.

De quoi ce comportement est-il révélateur au sein de la société algérienne ?

Au stade du 1er novembre à Tizi-Ouzou, on a tué un joueur donc quelqu’un qui est connu. Mais les supporters ont l’habitude de s’entretuer. En Algérie, il y a une banalisation de la violence. C’est-à-dire qu’on peut mourir pour rien. Sur l’autoroute, dans son quartier, dans un stade. Les jeunes sont nés dans des situations de violence avec un État qui ne remplit pas ses fonctions d’État.

Un État organise, gère, surveille, offre les moyens d’épanouissement, donne la possibilité de pratiquer le sport au lieu de regarder etc. En fait, on n’arrive pas à donner du sens un petit phénomène, le club des Pins. Cela fait trente ans que nos décideurs vivent « ailleurs » qu’en Algérie. Ils ne souffrent pas des problèmes de circulation car ils ont des gyrophares. Ni de l’insécurité car ils sont au club des Pins. Ils ne sont pas confrontés aux problèmes socioéconomiques et quand ils s’ennuient, ils partent à Paris.

Est-ce que la décennie noire du terrorisme peut-elle expliquer cet excès de violence dans la société algérienne ?

En partie mais pas totalement. En effet, il y a une génération qui a grandi sans voir de policiers dans la rue, par exemple. Mais cela n’explique pas tout. La violence qui est due à la non-gestion existait avant et elle a continué après.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici