Gaza : pourquoi les médias occidentaux sont pro-israéliens

Alain Gresh, journaliste au Monde, diplomatique et spécialiste du Proche-Orient

Après 15 jours d’intenses bombardements d’Israël sur Gaza, la situation ne semble pas s’apaiser. Plus de 600 Palestiniens ont été tués depuis le début du conflit, et les attaques se sont intensifiées sur l’enclave palestinienne. Malgré cela, la plupart des hommes politiques occidentaux semblent encore soutenir la politique israélienne, dans le sillon des médias.

Journaliste au Monde Diplomatique et spécialiste du Proche-Orient, Alain Gresh revient sur le traitement médiatique autour de ce conflit.

Nous vivons un conflit asymétrique entre Israël et le Hamas. N’est-on pas également dans un traitement médiatique asymétrique dans les médias occidentaux ?

On peut le dire. Et cela concerne la plupart des médias occidentaux. Même s’il faut le nuancer car certains médias sont plus balancés que d’autres. Alors que les chaînes de télévision et la radio vont se contenter de dire que le Hamas a lancé des roquettes sur Gaza et qu’Israël réplique, la presse écrite est un peu plus critique. Surtout depuis trois jours et l’attaque israélienne de dimanche qui a fait plus de 100 morts (NDLR : à Chajaya dans l’est de Gaza). Du coup, il y a eu un infléchissement dans la position des médias. Ils sont devenus forcément plus empathiques avec les personnes sous les bombes. Mais la presse est globalement pro-israélienne dans le conflit de Gaza.

Pourquoi une telle différence de traitement ?

Il y a une hostilité envers le Hamas et l’islam politique. Et l’idée qu’avec Israël nous faisons partie du même camp, celui des pays occidentaux. Il y a aussi cette sympathie avec l’Etat d’Israël, favorisée par la peur d’être considéré comme un média antisémite, une peur très présente aujourd’hui. Enfin, les Européens gardent toujours à l’esprit qu’il faut demeurer solidaire d’un peuple qui a vécu un génocide sur leur continent.

N’y a-t-il pas une partialité même dans les mots utilisés ? Tsahal renvoie à une connotation affective de l’armée d’Israël. L’utilisation du terme “kidnapping” sur la capture d’un soldat israélien paraît également étrange en période de guerre…

Il y a clairement une propagande pro-israélienne qui fonctionne très bien dans les médias. Cela-dit, elle fonctionne beaucoup moins que certains peuvent le penser. Mais tout-cela confirme un biais pro-israélien évident. Renforcé d’ailleurs depuis quelques années par une hostilité à l’égard de l’islam. Il y a l’idée qu’un antisémitisme avéré progresse. Alors que si l’on prend l’exemple de la France, le racisme le plus présent est bien celui contre les arabes : contrôles au faciès, discrimination à l’embauche… Dans les années 30 l’antisémitisme était clairement là. Mais c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui.

En France, François Hollande défend une vision proche des Etats-Unis sur le conflit israélo-palestinien. C’est un tournant dans la diplomatie du pays ?

Il y a eu une évolution considérable de la position française. Pour faire un peu d’histoire, cela remonte à l’invasion de l’Irak. Après Jacques Chirac, il y a eu une volonté de rééquilibrer la position. Le tournant a été initié par Nicolas Sarkozy, puis accentué par François Hollande. Aujourd’hui cette position n’a plus rien à voir avec la tradition. Sans aucun débat politique sur le sujet d’ailleurs. Désormais on développe beaucoup les relations bilatérales avec Israël. Et on a totalement intégré les objectifs d’auto-défense du pays.

Du coup la France soutient aujourd’hui le projet de cessez-le-feu Israélo-égyptien. Sans même écouter les propositions du Hamas et du Fatah qui proposent une trêve de 10 ans, garantie par les Etats-Unis ! Leurs propositions sont pourtant tournées vers les civils : la levée du blocus, la possibilité de se déplacer… Alors que tout ce qui est proposé avec l’autre plan, c’est un arrêt des combats et un retour au statut quo.

Comment trouvez-vous les réactions dans le monde arabe ?

Chaque fois on se dit qu’on a touché le fond. Mais là ils ont fait encore plus fort ! Il y a toutefois une raison à cela. Depuis le coup d’Etat en Egypte, une propagande contre les Frères Musulmans a été mise en place dans le pays. Et le Hamas est une branche de cette organisation. Du coup les Egyptiens sont bien contents qu’Israël fasse le travail à leur place.

Mais comment le monde arabe pourrait-il mieux s’organiser pour agir contre le massacre des civils ?

Ils ont des moyens de pressions politiques et économiques. Sans utiliser forcément l’arme du pétrole, ils pourraient par exemple demander vigoureusement la levée du blocus de Gaza. Mais leur hostilité au Hamas les empêche d’agir. Et je considère que c’est une mauvaise raison. Car dans le fond, Israël n’a pas envie qu’une autre autorité règne sur Gaza. Son objectif est de séparer la Cisjordanie et Gaza pour diviser un peu plus le peuple palestinien.


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