Entretien avec Abdelaziz Belkhadem

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À la veille du Comité central du FLN, prévu mardi 24 juin à l’hôtel Aurassi, Abdelaziz Belkhadem, ministre d’Etat, conseiller du président Bouteflika, et ex-secrétaire général du FLN, se confie dans un entretien exclusif à TSA.

Allez-vous présenter votre candidature au poste de secrétaire général du FLN, même si ce point n’est pas à l’ordre du jour du Comité central ?

Aujourd’hui, le plus important, ce n’est pas celui qui est ou qui sera (le secrétaire général du parti) mais d’enraciner la pratique démocratique concernant le choix des hommes au sein du FLN. J’ai commencé à le faire le 31 janvier 2013 en me soumettant au vote de confiance du Comité central. Ce que je souhaite vivement aujourd’hui, c’est que le poste de secrétaire général soit légitimé par un recours à l’urne. Si le vote est en faveur de l’actuel secrétaire, ce sera une confirmation. Si le (vote) est en faveur d’un autre, ce sera aussi une légitimation par l’urne. Étant un grand parti, le FLN se doit de sortir de cette période de crise, en recourant au seul procédé démocratique qui est l’élection et le choix des membres du Comité central.

Ensuite, il faut voir comment se passera la réunion de demain. En principe, l’ordre du jour est soumis aux seuls membres du Comité central. Seuls ces membres peuvent délibérer sur l’ordre du jour proposé par M. Saâdani. Cet ordre du jour comprend quatre points. Il a été proposé un autre point qui est organique afin de discuter de la crise que connait le FLN et trouver une solution. Et la solution est le recours à l’urne. Une bonne partie des membres du Comité central, je ne dis pas la majorité mais ils sont plus d’une centaine, souhaite que ce point soit inscrit à l’ordre du jour. Pour aller dans la clarté, il faut que l’on fasse ce qu’on a fait le 31 janvier 2013 : un appel nominal des membres du Comité central et un vote à bulletin secret.

Si ce point est inscrit à l’ordre du jour, est-ce que vous seriez candidat ? 

Je suis très fortement sollicité par beaucoup de membres du Comité central. Ce n’est pas une volonté de revenir ou une ambition. Mais s’il s’agit du début de la solution à la crise du FLN, si je suis le recours ultime, je me présenterai. Je ne vois pas d’inconvénient. C’est surtout pour permettre au FLN de dépasser cette crise et d’aller vers le congrès avec une très forte adhésion.

Pensez-vous pouvoir faire sortir le FLN de cette crise alors qu’elle existait déjà quand vous étiez à la tête du parti ?

Non, il y avait un problème qui était moins aigu. Les gens pensaient que tout allait se résoudre avec mon départ. Le temps a montré que ce n’était pas vrai. Et il a montré également  que la crise est plus profonde que cela. Donc, comment résoudre ce problème sachant que nous sommes à quelques mois du congrès ? Pendant le congrès, il faut poser tous ces problèmes  pour les résoudre. Mais avant, il faut aller vers ce congrès avec une direction légitimée par l’urne.

Comment comptez-vous procéder pour inscrire ce point relatif à l’élection d’un nouveau secrétaire vu justement que la question n’est pas inscrite à l’ordre du jour ?

Depuis le 29 août dernier, il y a une contestation. Ce n’est pas récent et ça ne date pas d’hier. Donc il y a un problème de confiance et de légitimité qui est posé depuis cette date et qu’il faut résoudre. Aller vers le congrès sans avoir résolu ce problème risque de compliquer la situation du FLN d’autant plus que le parti, il faut le dire, n’a pas eu une présence assez forte, y compris pendant la campagne présidentielle. Étant un parti majoritaire, le FLN doit être un réservoir d’idées, de propositions et d’initiatives. Cela n’a pas été le cas, malheureusement. Le FLN est encore en train de vivre ses problèmes internes, sans participer à l’évolution de la vie démocratique du pays.

Mais quel est votre plan pour inscrire ce point, concrètement ?

Ce n’est pas à un journal qu’on le dit.

Abderrahmane Belayat et d’autres membres sont d’ailleurs exclus de la réunion…

Je pense que c’est une erreur fatale qui a été commise par la direction actuelle du FLN. Ceux qui divergent avec une direction ne doivent pas être exclus.

La direction a dit qu’il s’agissait de personnes concernées par des mesures disciplinaires…

Là, il y a trois vices de forme. Le premier est qu’on les accuse de choses qui n’ont rien à voir avec la vie partisane et la pratique démocratique. Dans un parti, il y a des gens pour et d’autres contre. Le deuxième vice est qu’ils étaient traduits devant la commission et que la commission n’a pas encore statué sur leur cas, alors que certains se sont présentés et ont été entendus, d’autres se sont présentés et n’ont pas été entendus. Ensuite, même si la commission statuait, ce qu’elle propose est soumis au Comité central. Ce n’est qu’après son approbation que la décision est définitive. Le troisième vice de forme, c’est qu’au lieu et place de la commission de discipline, c’est le bureau politique qui a décidé hier via un communiqué de geler la participation de ces membres alors qu’il n’est pas habilité à le faire. Enfin, les statuts du FLN sont très clairs. Ils hiérarchisent les fautes dans une liste et on ne trouve aucune faute qui leur est imputée dans cette liste. Les statuts stipulent aussi que la commission entend les intéressés. Si ces derniers ne répondent pas à la première convocation, il y a une deuxième. C’est lorsque la commission ne reçoit pas les intéressés après la troisième fois que les statuts s’appliquent. Leur participation est gelée d’office. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

Vont-ils finalement assister malgré leur exclusion ?

Oui et on fera tout pour qu’ils assistent.

Ne craignez-vous pas que ce forcing provoque des violences comme en 2012 ?

Bien sûr que c’est une image fortement dommageable et ce n’est pas bon pour le FLN. Cela dit, il faut faire entendre la voix de la raison à tout le monde. Ces gens sont des membres du Comité central et tant que la commission de discipline n’a pas statué sur leur cas et que le CC n’a pas décidé, ils ont le droit de participer aux travaux.

Comment allez-vous leur faire entendre raison ?

Je pense que la raison est la chose la mieux partagée. Qui a exclu ces membres ? Est-ce que c’est le CC ? Et bien, on va revenir à l’instance qui décide. C’est à elle qu’on posera la question. Si le CC a décidé qu’ils doivent participer, ils rentreront.

Ne craignez-vous pas des dérapages ?

Je m’attends à certains dérapages parce que le nombre d’organisateurs entre guillemets qui ont été mobilisés nous fait craindre qu’il n’y ait des hommes de main pour aller vers des violences, verbales ou même physiques à l’Aurassi. Je connais un peu cette tension et s’il n’y a que des membres du CC tout se passera bien.

Que reproche-t-on à l’actuel secrétaire général du parti Amar Saâdani ?

Je m’interdis de discuter de ces problèmes dans la presse. C’est le Comité central qui décide. Soit de renouveler sa confiance à M. Saâdani, et le problème sera définitivement réglé. Soit d’élire un nouveau secrétaire général. Et nous ne sommes pas en train de faire le procès de X ou Y. Le FLN vit une situation de crise due à un manque de confiance et une contestation de la direction. Comment la résoudre ? On règle le problème par la méthode démocratique.

Vous l’avez pourtant soutenu au début…

Le 29 août, oui. Depuis le 31 janvier 2013, le FLN n’avait pas de tête. Il fallait régler ce problème de vide directionnel du FLN. Le 29 août, l’autorisation a été donnée et la réunion du CC s’était tenue. Le jour même, il y a eu contestation. Cela veut dire que la méthode qui a été utilisée n’était pas la méthode transparente pour savoir qui avait raison et qui avait tort.

La contestation a commencé bien avant le 29 août et elle ne concernait pas seulement la méthode…

S’il y avait eu urne, dépôt de candidature, la transparence aurait donné raison à celui qui aurait obtenu le plus de voix. Ça n’a pas été fait. Et c’est pour cela que le problème s’est posé. Il faut revenir vers des pratiques saines et démocratiques. C’est-à-dire, l’urne et la transparence, la liberté de candidature, y compris pour M. Saâdani, et le dépouillement public. Celui qui obtient la majorité devient par la force des choses  secrétaire général du FLN et il n’y aura pas de contestation.

L’actuelle direction n’est pas légitime, selon vous ?

Elle est contestée. Elle a un semblant de légitimité obtenue par l’acclamation du 29 août. Il y a contestation et il y a problème.

Mais est-elle alors illégitime pour vous ?

Je ne dis pas qu’elle est ou pas légitime. Je dis qu’elle est contestée. Contestée parce que la méthode d’intronisation n’était pas la meilleure. C’était l’ovation et il y avait plus de membres dans la salle que ce que compte le CC.

Avez-vous fait part de ce sujet au président Bouteflika ?

Non, c’est le Comité central qui est souverain. Le président d’honneur sait qu’il y a une crise.

Justement, vous en discutez ou pas ?

En tant que membre du CC, ce qui m’intéresse est que cette instance reste l’unique instance qui décide de l’élection de la direction et qu’elle reste souveraine pour le choix des hommes.

Le président d’honneur du parti n’a pas d’avis à donner?

Certainement ! Je ne répondrai pas à sa place.

 


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