Yacine Zaïd, militant multicondamné : « Il y a une chasse aux activistes depuis la réélection de Bouteflika »

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Yacine Zaïd est syndicaliste et membre de la Ligue algérienne des droits de l’Homme  (LADDH) à Laghouat. Dans cet entretien, il revient sur les dernières condamnations dont il a fait l’objet à Ouargla mais aussi sur les pressions subies dans le Sud par des activistes chômeurs.

Vous venez d’être condamné à six mois de prison avec sursis par la Cour d’appel de Ouargla…

L’histoire remonte à deux ans et demi. J’étais accusé d’avoir agressé des policiers à Ouargla. J’ai passé quelques jours en prison puis condamné à six mois de prison avec sursis et une amende. J’ai donc fait appel et durant le jugement, ni les policiers, ni leurs avocats n’étaient présents. Mais le juge a confirmé la peine et m’a condamné à six mois avec sursis. Pourtant mes avocats, ceux du Réseau d’avocats pour la défense des droits de l’Homme (RADDH) et un camarade avocat de la Ligue étaient aussi présents. Ils ont bien argumenté et on a pensé que le verdict serait en ma faveur. Mais finalement non.

J’ai appris également que j’avais été condamné pour une autre affaire à Hassi Messaoud sans avoir reçu  de convocation. Je ne sais pas qui a déposé plainte. J’ai été condamné à trois mois ferme par contumace. J’attends de savoir de quoi il s’agit. C’est peut-être le patron d’une multinationale. J’ai déjà été condamné à Hassi Messaoud par contumace. Généralement, je l’appends en retirant mon casier judiciaire. Le 23 mai dernier, j’en étais à ma 50 ème comparution devant un juge. Toujours pour des affaires de diffamation, incitation à attroupement, atteinte à l’ordre public…

Comment expliquez-vous toutes ces affaires en justice ?

J’active beaucoup, j’ai même fait des déplacements à l’étranger et ils essaient de m’inonder de procès. J’ai déjà subi ça. Il m’est arrivé de comparaitre 5 fois par mois devant un juge dans deux affaires différentes. C’est voulu. A Hassi Messaoud, on m’a tellement inondé de procès que je ne savais même plus qui déposait plainte et dans quelle affaire je comparaissais. Il m’est arrivé d’avoir des affaires à Hassi Messaoud dans lesquelles je suis finalement acquitté mais le procureur faisait appel et en même temps je devais comparaitre à Ouargla. Ils reportent plusieurs fois le procès et je me retrouve à faire le trajet Hassi Messaoud-Ouargla plusieurs fois par mois, ce qui fait environ 1000 kilomètres à chaque fois. Et quand il fait chaud, c’est dur. C’est fait exprès pour m’intimider. Il m’est arrivé d’être jugé deux fois pour la même affaire alors que juridiquement c’est impossible. On ne peut être jugé deux fois pour une même affaire, d’autant que j’avais été acquitté. J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés les ONG, les avocats du réseau ou de La ligue mais beaucoup de gens sont en train de vivre la même chose. Des anonymes subissent beaucoup de pression.

Quelle est la situation pour les militants dans le sud du pays ?

La semaine dernière, à Ghardaïa, il y a eu la condamnation de quelques activistes originaires d’El Menia, des jeunes du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC).  Sept d’entre eux ont été condamnés à trois années de prison ferme. Et puis il y a la condamnation à Berriane à deux ans de prison ferme pour un activiste qui avait mis sur Youtube une vidéo montrant des policiers entrain de cambrioler des magasins. C’est ça la justice algérienne.

Moi j’ai pris l’habitude d’être inondé de procès. Il y a quatre ans, j’ai vendu ma maison pour répondre aux frais de  justice.  Heureusement aujourd’hui, je suis aidé par des avocats bénévoles. Mais tout le monde n’a pas cette chance. Beaucoup de militants à l’intérieur du pays subissent un harcèlement judiciaire. Un activiste a été condamné à cinq mois de prison ferme, il est sorti voilà cinq jours. À El Bayadh, un journaliste et un militant des droits de l’homme doivent passer devant le juge le 24 juin prochain.

C’est une vraie chasse aux activistes depuis la réélection du président Bouteflika. À Laghouat,  17 activistes  sont en prison et le verdict sera connu demain.  17 autres sont en fuite et recherchés. Il y a eu une émeute pour les logements mais cela a été provoqué par les autorités. Ils ont déclenché exprès une émeute pour faire la chasse à tous les activistes. Des mineurs sont en prison.  Le chef de sûreté qui est venu en mars dernier à Laghouat est en mission pour casser la société civile et déclencher la chasse aux activistes. Avant mars, il était à Ghardaïa et il y a mis le feu.

 


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