Algérie, le temps des cerises
Il fut un temps ou l’Algérie était vue comme le diable en personne. Une sorte d’Afghanistan en pire, car tout près de l’Europe, au cœur du Maghreb. En ce temps-là, le roi Hassan II auprès de qui Mohamed VI paraîtrait un gamin sage, mais un gamin quand même, disait de l’expérience démocratique algérienne et de la montée en puissance des Islamistes que l’Algérie est un laboratoire. Quant à Mitterrand, il ne voyait pas d’un mauvais œil l’irruption des Islamistes en Algérie. Pour lui c’était une expérience. Qu’elle soit sanglante et payée au prix fort dans nos frontières, il n’en avait cure. Pour lui, la démocratie vaut bien quelques sacrifices. Pardi, des bicots qui se bouffent entre eux, où est le problème, comme aurait lancé Le Pen.
À d’autres temps, d’autres déclarations. Aujourd’hui, Fabius, ministre des Affaires étrangères de la France, salue le rôle pacificateur de l’Algérie dans la région. Et grâce à qui l’Algérie est restée stable alors que le printemps rouge ou noir, c’est selon, a fait des ravages partout. Grâce à qui ? Au président algérien. Il est bon de rappeler que la diplomatie algérienne dont le maître d’œuvre est Bouteflika a toujours les mêmes constantes contre vents et marées : non-ingérence dans les affaires des pays voisins et soutien aux causes justes, notamment celles du Sahara occidental et de la Palestine. Et pourtant que de pressions pour que notre pays change ses principes en s’engouffrant dans des guerres inutiles et destructrices : Libye et Syrie. Cette lucidité nous vaut, aujourd’hui, que la Libye est devenue un champ de ruines et de larmes, le respect du monde entier. Au lieu de parler de l’Algérie seulement comme pays pacificateur, Fabius, aurait dû ajouter : « avec un président visionnaire ! »
Bouchouareb, le charismatique
Si Bouchouareb a hérité d’un département stratégique qui concerne l’avenir à court terme de notre pays et qui pourrait lui permettre d’accéder à un palier supérieur en matière d’indices de développement, c’est parce que ceux qui l’ont nommé savent que l’homme, le ministre, est opérationnel sans période d’échauffement. Ce n’est pas un diesel. Mais un bolide de course. Il connaît sur le bout des doigts ce secteur si difficile. Preuve : il a démarré au quart de tout en mettant en place une stratégie de relance de notre industrie. À ce niveau, le plus dur, ce n’est pas tant d’avoir des idées seulement, mais la capacité et la volonté de les mettre en œuvre sur le terrain en bousculant les mauvais réflexes, les mauvaises habitudes et cet esprit d’inertie qui fait presque partie de l’ADN de certains capitaines d’industrie. Prenons la visite de Fabius. Peut-être s’attendait-il à des concessions, à une sorte de bienveillance vis-à-vis de l’investissement français. Notamment en ce qui concerne la règle 49/51. Au lieu de quoi le ministre algérien, avec ce sourire de diplomate qui le rend indéchiffrable, a précisé, mine de rien, que rien ne changera tant que les causes qui ont été à la base de cette règle resteront les mêmes. Aucune concession. Mais au-delà de tout ça, Fabius est allé d’étonnement en étonnement. Après Bouchouareb dont il a loué le charisme et la connaissance des dossiers, il est resté ébahi par le Président. Frappé de stupeur, mes frères, devant les capacités d’analyse, la pertinence et la mémoire du Président. Mais il s’attendait à quoi Laurent ?
Les règles du jeu
Quel drôle de presse que la nôtre. Pour un journal à faible tirage qui ne peut plus assurer le paiement de ses créances d’impression, on pousse ici et là des cris d’orfraie devant la décision de l’imprimeur d’arrêter les frais que lui occasionne cette situation dont il était le seul perdant. Vous, chers journalistes, qui avez les yeux tournés vers l’exemplaire occident à l’exemplaire liberté de la presse, permettez-vous que je vous pose quelques questions ? Vous hésitez ? Très bien. Moi je n’hésite point. Je les pose avec ou sans votre permission. Commençons. Où est France soir, le grand journal du soir lancé par le grand Pierre Lazareff, ce journal qui a cumulé les plus grandes signatures de Kessel à Giroud ? Où est-il ? Disparu, victime des implacables règles de compétitivité. La version papier de la Tribune, quotidien de référence de l’économie française, où est-elle ? Disparue pour les mêmes raisons. Et le prestigieux quotidien Le Monde qui ne sort d’une crise que pour plonger dans une autre, combien de temps lui reste-t-il pour tourner de l’œil. Et le grand journal espagnol El Pais aux millions d’exemplaires, ne vient-il pas d’arrêter sa version papier pour passer à l’électronique, victime lui aussi des lois du marché ? Personne en France comme en Espagne n’a crié au scandale. Personne n’a politisé ces affaires. Personne n’a crié à la censure politique. Parce que là-bas, voyez-vous, on accepte les règles du jeu. Ici, on veut le beurre, l’argent du beurre, et même la crémière ! Quelle audace !
L’État, de mon point de vue, a trop gâté la presse l’enfonçant dans un amateurisme qui frise l’inconscience et l’insolence quand les intérêts de la dite presse sont en jeu.
Le bashing de Nouria
La ministre de l’Éducation, une femme moderne et cultivée, n’en finit pas de recevoir, de la part de la même presse arabophone, des attaques aussi basses que désolantes. Tout en elle les dérange : son caractère trempé dans l’acier, en cela une vraie algérienne, son port de tête de femme libre et non soumise dans une burka, sa détermination à réformer l’école qu’ont sinistré plusieurs ministres « politiques » qui pensaient plus à durer qu’à agir dans l’intérêt des élèves. Au-delà de tout ça, je pense qu’il y a d’autres lobbies des affaires qui la voient venir avec ses gros sabots. Ils la voient, les ventrus joufflus, piétiner leurs magots, mettre fin à leurs sales affaires d’argent sale. La peur les fait dégainer. Et comme c’est une femme propre -elle n’a ni ardoise sale, ni cadavre dans les placards – alors ils attaquent au-dessous de la ceinture. Ils ne savent pas faire autrement. Ils attaquent, par le biais d’une presse dont la seule déontologie est l’argent. Cette presse rapace salit toute la corporation. Je n’ai pas vu beaucoup de voix s’élever pour dire : stop au bashing dont est victime Nouria Benghebrit. En fait, la ministre possède aux yeux des réactionnaires et conservateurs deux tares. La première : c’est une femme. Évidemment. La seconde : elle est moderne. Elle représente l’Algérie que nous aimons. Mais comme la plupart des démocrates sont, par définition, veules et honteux d’être ce qu’ils sont, ils assistent au bashing de la ministre en poussant des cris d’indignation entre eux. Entre poire, fromage et beaucoup de vins. Et quand ils ont des aigreurs, ils mettent ça sur le compte du vin alors que c’est leur mauvaise conscience qui les interpelle.