Le bloc-notes de Ghani Gedoui

Bouteflika, le dernier sage

Guetté par les uns, honni par les autres, pipi de chat que tout ça, on attendait que Bouteflika trébuche quelque part en prêtant serment. Qu’il soit inaudible, qu’il soit cadavérique, qu’il soit tétraplégique, qu’il soit hors du coup, qu’il soit un zombie, qu’il soit mort, tel était le souhait des snipers qui vomissent et Bouteflika et l’Algérie, patrie de substitution pour eux.

Et bien non ! Bouteflika est apparu en meilleure santé que ces derniers temps. Cheh ! Son débit était clair, son visage apaisé et ses mains mobiles. La rééducation fait son œuvre. Dans quelques temps, il sera en meilleur état encore. Vous allez voir, il va vous étonner, si vous êtes neutres, il va vous enrager si vous ne l’aimez pas, il va vous épater si vous êtes de son camp.

Certes, il ne battra pas le record du monde du 100 m, mais il aura toujours cette capacité de travail qui a usé plus jeune que lui. Il aura toujours cette lucidité qui est sans égale – et on pèse nos mots – dans le monde. Un exemple : le bourbier libyen. Il avait averti, il avait prévenu l’alliance occidentale sur les dangers à instaurer de force leur modèle de société en Libye. L’avenir lui a donné raison. Même chose pour la Syrie. Mais cette fois-ci, il a été entendu. C’est un sage, Bouteflika. Mais un sage qui sait que, parfois, pour faire la paix, il faut d’abord faire la guerre. D’où son soutien au Mali, un soutien fort dont l’apport a été signalé dernièrement par le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, qui soulignait avec beaucoup d’admiration la discrétion « de nos amis Algériens ».

On le sait depuis Talleyrand, la vraie force n’a pas à jouer des mécaniques. Il lui suffit simplement de paraître. Et on est au garde-à-vous. Je retiens un mot de son discours d’investiture : l’esprit de sacrifice par amour pour la patrie et par fidélité aux martyres.  Fatigué, relevant de maladie, Bouteflika ne pouvait laisser tomber l’Algérie à un moment aussi délicat de son existence. Cela, on l’a déjà dit, mais c’est pédagogique de le répéter à ceux qui doutent. Bien sûr, les cyniques vont se gausser et vont hurler à l’ambition et à la soif démesurée de pouvoir. Ceux-là ne connaissent pas le prix du sacrifice qu’on doit à la patrie, ceux-là sont des apatrides, ceux-là ne représentent pas l’Algérie qu’ils ne connaissent qu’à travers la télévision loin de la foule et du peuple, de sa sueur et de ses odeurs.

En vérité, en vérité je vous le dis, je n’ai même pas à défendre le Président. Son silence le défend. Sa force est là : il ignore ceux qui lui manquent. C’était sa consigne des élections précédentes : ralliez les neutres, rassemblez les soutiens, ignorez les adversaires. Tout un programme. Il y a du moraliste dans cet homme.

Benflis, grandiloquent à défaut d’être grand

Hors les élections, vous allez me dire, à juste titre je vous le concède, que Benflis ne représente que sa personne. Pourquoi alors parler de lui en sachant que ces lignes vont lui faire courir un frisson de plaisir dans le dos tant il adore qu’on parle de lui ? D’abord, on aime faire plaisir, ensuite, il nous semble bon de ressusciter les morts pour leur rappeler une vieille sagesse populaire : il vaut mieux mourir pour de bon que mourir à moitié et vivre à moitié. Illustrations. Quand Benflis déclare : « Je publierai prochainement un livre blanc sur la fraude qui sera un véritable séisme politique », n’est-ce pas arrogant, prétentieux et grandiloquent ?

Mais pour qui se prend-il à la fin ? Pour le plus grand politique du monde ? Pour le plus grand écrivain ? On pourrait attendre ce genre de déclaration de Sofiane Djillali, qui doit être excessif pour être entendu, mais pas d’un ex-Premier ministre qui aspire à la présidence. C’est d’un ridicule à faire pleurer un bourreau. Autre fait d’armes. J’ai vu Benflis en débat à la télé face à des journalistes contradicteurs. Il était ironique et cassant. Comme chaque apprenti en communication le sait – sauf le staff de Benflis – l’ironie passe mal à la télé. Elle est assimilée à de la prétention et, pire encore, à un besoin de ridiculiser l’adversaire. Ne parlons pas du ton cassant, c’est à vous disqualifier tout candidat dans un pays où les sondages font la loi.

Pour les prochaines élections de 2019, Benflis n’aura que 74 ans. Tout l’avenir devant lui en somme. Il aura toujours la même mèche, le même sourire,  les mêmes ambitions, les mêmes emportements et sans doute aussi le même échec si Bouteflika se représente. Après tout, il n’y a que 8 années qui les séparent.

Loin de Loan

Un ami m’annonce heureux comme tout que son amie, l’ancienne conseillère presse de l’ambassade de France à Alger, la charmante Loan Forgeron, a été nommée ambassadrice de France au Sultanat de Brunei. Il ajoute : « Cela signifie que nous avions des poids lourds ici, car Xavier Driencourt, l’ex-ambassadeur, a été, dès son départ d’Alger, nommé inspecteur général au quai d’Orsay. Ce qui n’est pas rien. Autrement dit, Sarkozy accordait une importance particulière à l’Algérie où il ne nommait pas n’importe qui ».

C’est aussi Sarko qui a nommé l’actuelle équipe que je ne peux pas juger faute de l’avoir fréquenté.  Je ne connaissais pas très bien Loan Forgeron. Nous nous sommes vus l’espace de deux soirées dans une réception organisée par un ami commun. Deux soirées m’ont suffi pour comprendre de quelle essence rare elle était faite. Elle posait des questions et elle écoutait les réponses, ce qui ne va pas toujours de soi. Elle était naturellement aimable, et puis prévenante et attentionnée et surtout, chose rare chez les diplomates, elle semblait aimer l’Algérie et les Algériens. Quand je dis chose rare, il faut l’entendre dans le sens de la sincérité, de cet élan qui porte un diplomate vers un peuple, loin des calculs diplomatiques.

Tous les témoignages de ceux qui ont connu Loan Forgeron abondent dans ce sens. Vietnamienne d’origine, ex-colonisée, elle avait la même fibre que les Algériens qu’elle comprenait sans qu’ils parlent. Elle était aussi farouchement française, selon ce qu’on m’a dit, et défendait pour le mieux les intérêts de son pays dans un rapport gagnant-gagnant.

En tous les cas, beaucoup de journalistes la regrettent même si son remplaçant, que je ne connais pas, passe pour être aimable et sympa, très apprécié par certaines plumes. Avec cette étonnante spécificité, selon les témoignages concordants d’hommes de presse : il ne répond  que rarement aux e-mails, il ne rappelle, non plus, que tout aussi rarement. Exception faite pour les directeurs de journaux qu’il soigne particulièrement et quelques autres journalistes privilégiés qu’il a appris à connaitre. C’est une façon de travailler qu’on respecte. Même si elle n’est pas très cathodique. Je veux dire catholique. Pourtant, au vu de sa photo, il parait sympa et ouvert, prêt à vous répondre avant même que vous le saisissiez. Vous saisissez ? Allez, je vais lui écrire de ce pas. Et je vais attendre. Mon ami, qui le connait quelque peu, me promet un festin dans un resto d’Alger de mon choix s’il répond. Pourvu qu’il me réponde. Rien que pour ma panse. Tu penses…


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