Gaz de schiste : le révélateur
S’il faut une preuve de la légèreté de nos analystes, la plupart de Sonatrach ou « éminents » politologues, c’est bien la question du gaz de schiste. Sans s’informer, sans connaître les intentions du gouvernement, ils ont commencé à gloser, à tirer des plans sur la comète, à dénigrer, à attaquer, à avertir sur les dangers, à hurler que le gouvernement est fou de se lancer dans le gaz de schiste, à ameuter les foules…
Sellal qui a le flegme d’un Britannique et la distance de l’expérience regardait ce manège avec beaucoup de dérision. Il n’était pas dupe de la danse du scalp de ces « éveilleurs de conscience ». Au-delà de leur ignorance crasse et des cris d’orfraie, il savait qu’il y avait d’abord et surtout de la manipulation. Tête froide, il attendait la présentation du plan d’action du gouvernement pour mettre les pendules à l’heure. Non, l’exploitation du gaz de schiste n’est pas pour demain, ni pour après-demain, ni encore moins pour la veille. L’Algérie va juste entamer dans les cinq prochaines années la phase préparatoire de l’exploitation à long terme du gaz de schiste par des forages-pilotes. Pour une fois qu’un Premier ministre voit loin, on le lui reproche ! Nous avons l’habitude des courtes vues. C’est pour cette raison que l’avenir nous effraie. Sellal a justifié la possibilité de l’exploitation du gaz de schiste en parlant vrai, loin de toute démagogie : « Si les réserves restent en 2030 à leur niveau actuel, nous n’allons couvrir que la demande actuelle. » Traduction pour les profanes et les manipulateurs : nous n’aurons alors aucune source d’entrée de devises. Nous crèverons de faim. Nous nous boufferons. Je pense que le peuple algérien lui saura gré de cette franchise que nous n’avons pas l’habitude de goûter. On aime se gargariser de rêves jusqu’à se cogner brutalement à la réalité. Voici un homme qui nous dit ce qu’il faut faire pour ne pas tout défaire.
La fin de Juan
Il aurait dû suivre les conseils d’un moraliste, un vieux, très vieux jésuite de son pays dont j’ai oublié le nom, mais point la sagesse. Il disait, cet érudit, qu’il ne faut jamais quitter une fonction ou mettre fin à une relation sentimentale quand on est à son couchant, car la sortie se fait sous les huées. Juan Carlos a eu tout le temps de vérifier cet axiome. Scandale financier, scandale sentimental. Le monde a appris avec l’horreur qu’on devine la double vie, digne d’un Casanova d’opérette, du roi d’Espagne. Scandale de sa santé. Il était le symbole de l’élégance quand il était à son zénith, à son couchant, c’est un éclope, un boiteux dont aucune femme, même vénale, ne voudrait. Triste fin pour un monarque qui abdique, contraint et forcé, après 38 ans d’un règne qui a commencé sous les feux de la gloire pour se terminer dans la boue. Le peuple ne retiendra que cette triste fin. Et le peuple aura raison. Car on ne juge vraiment un homme dans sa complexité et ses incertitudes qu’au point final de sa vie. De sa déchéance pour parler du pauvre Juan Carlos, ex-roi d’Espagne, ex-amant de toutes les femmes, ex-chasseur en Afrique et présentement chassé du trône. De tout ça, on doit rigoler. Alors rigolons…
Marzouki, le sang chaud d’un homme libre
Décidément, la révolution des jasmins a donné des ailes aux Tunisiens faisant mentir le vieux dicton, nul je vous le concède, qui disait : « les Tunisiens sont des femmelletes, les Algériens des hommes et les Marocains des guerriers. » En mettant sur le tapis la question du Sahara occidental, le président tunisien a profondément irrité le monarque marocain. Irrité ? Plutôt révulsé Mohamed VI qui avait pourtant la tête ailleurs. Je veux dire que depuis quelque temps, la plupart de ses interlocuteurs ont remarqué une sorte de relâchement de l’attention, une distraction qui fait croire à ceux qui sont reçus par lui qu’il avait d’autres chats à fouetter. Des chats du Sahara ? Tu parles. Il pense sans doute à ses châteaux et à ses parties de Jet-Ski qui sont autrement plus délassantes pour lui que des discussions fausses et ampoulées avec des diplomates et autres obliges. Quoi qu’il en soit, même si du côté tunisien, on nie toute mésentente entre les deux autorités des deux pays, il semble probable que le fougueux et très orgueilleux Marzouki ait dit tout haut ce que pensent tout bas tous les Tunisiens. À savoir que le Sahara occidental doit revenir aux Sahraouis. Pas facile à entendre, il est vrai, pour un roi marocain surtout venant de la part d’un responsable tunisien qu’il avait l’habitude de prendre de haut. Le voilà averti : la révolution des jasmins a fait des Tunisiens, les frères-jumeaux des Algériens. Le voilà bien servi.
P.s. Une affaire d’hommes
Certains trouvent le programme du gouvernement peu ambitieux, d’autres, timoré, moi c’est le contraire. Je le trouve non seulement réaliste, mais apportant des solutions aux problèmes des cinq années à venir, car le meilleur programme n’est pas celui qui promet un monde idéal, une croissance sans fin et l’opulence aux Algériens. Le meilleur programme, voyez-vous, est celui qui puise sa substance dans le pragmatisme en prenant en compte les ressources du pays, mais aussi les indicateurs objectifs de prospectives internationales. On ne vit pas dans une île, mais dans un monde changeant, contraignant et dur qui ne laisse aucune place aux utopies et aux utopistes. Me suis-je bien fait comprendre ?