Peut-il y avoir une nouvelle dévaluation du dinar ?

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Mustapha Mekideche  est économiste, spécialiste en énergie. Il est également vice-président du Conseil national économique et social (Cnes). Dans cet entretien, il revient sur la hausse de l’euro sur le marché parallèle et son potentiel impact sur l’économie. 

La hausse de l’euro pourrait-elle durer ?

Je voudrais d’abord relativiser le phénomène et le mettre en perspective. Notre réglementation de changes n’autorise pas l’exportation de capitaux. Sinon cela aurait été une catastrophe pour la balance des paiements. Jusque-là, cela ne touche qu’une partie de la monnaie qui circule et qui est relativement modeste. L’essentiel des marchandises et des services est réglé formellement sur la parité interbancaire : dinar/ devise. Évidemment la variable d’ajustement c’est la parité du dollar par rapport à l’euro, parce que nos importations sont payées en euro à hauteur de 58%, en revanche nos exportations sont formulées en dollar. Par conséquent, toute variation de change entre le dollar et l’euro aura un impact sur la parité de change du dinar.

On a remarqué que l’euro a augmenté par rapport au dollar, mais ce sont des phénomènes qui sont à la marge. Il y a certes une pression sur le dinar parce que le marché informel existe. La demande a augmenté suite à des événements, mais ce n’est pas propre à l’Algérie. Dès qu’il y a des élections, il y a un phénomène de crainte qui s’installe et qui fait qu’on exporte le plus possible ses avoirs en devises. Aussi, l’offre, qui provient des immigrés, n’est pas encore là.

Y a-t-il un risque d’inflation ?

Au contraire, cette augmentation du prix de l’euro va  aspirer des dinars et aura donc un effet déflationniste. Il va falloir plus de dinars pour avoir un euro. Nous vivrons une situation où ces dinars vont être aspirés quelques part et puis ensuite reproduits sous forme de marchandises achetées en Algérie ou à l’extérieur.

Peut-il y avoir une nouvelle dévaluation du dinar ?

Ce qui m’inquiète le plus, c’est la pression sur la balance des paiements. Nous avons atteint des limites d’importation de marchandises, évaluée à 55 milliards de dollars. Nous sommes au-dessus des capacités de nos recettes en devises qui proviennent de l’exportation des hydrocarbures. Il faudrait soit diminuer les importations en produisant localement, soit développer les exportations hors hydrocarbures. Sinon, nous serons amenés à dévaluer le dinar. C’est ça le vrai danger, c’est ça qui nous guette.

Ce marché informel, que j’appelle marché secondaire car il est toléré en réalité et qui fait office de soupape de sécurité sociale, est en train de se généraliser à des cercles mafieux ou à des cercles délictueux. La problématique la plus inquiétante c’est la tension sur la balance des paiements qu’on a déjà eue en 2013. Aucune banque centrale dans le monde ne dira qu’elle va dévaluer sa monnaie. Mais si la situation, du point de vue de notre structure des échanges, ne change pas, on sera amené à dévaluer notre monnaie.

 


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