Personne, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Algérie, ne s’attendait à ce qu’un autre candidat que Bouteflika remporte les présidentielles. Cependant, personne ne s’attendait à une victoire écrasante du Président-candidat avec un taux de 81,53% des voix. Ainsi, tout le monde peut s’accorder sur le fait que, ce qui vient de se produire en Algérie est un événement sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Qu’un président remporte des élections sur une chaise roulante, qui se met debout pour les Occidentaux, mais qui ne peut pas se lever pour son peuple ! Qui ne lui adresse pas le moindre mot depuis plus de deux ans. Qui n’a même pas animé sa propre campagne électorale, ni ne sort pour remercier ceux qui lui ont donné leurs voix !
L’histoire l’écrira, la mémoire l’enregistrera et on demeurera une risée pour les autres peuples et Nations, à chaque fois que des élections s’organisent dans n’importe quel endroit dans le monde. Et pourtant, nous, qui avons vaincu le terrorisme colonial puis le terrorisme sanguinaire, nous avons perdu notre bataille du changement et du renouvellement, devant la détermination à diviser le peuple entre partisans et opposants aux quatrième mandat. Ou encore, entre partisans de la continuité et perturbateurs de la stabilité …
Admettant qu’on reconnaisse l’intégrité des élections présidentielles et de la victoire d’Abdelaziz Bouteflika avec la majorité des voix, personne ne pourra nier le fait que la popularité de Bouteflika, et de ceux qui l’entourent, est en baisse continuelle, à travers les chiffres. Cela est dû à l’augmentation du taux des abstentionnistes et la baisse du taux de participation de 74% en 2009 à 51% en 2014 ; ce qui traduit l’extension du front du refus de cette situation établie qui nous pousse à remettre en question les choses. Comment maintenir l’équilibre de la société et son union, ainsi que sa protection d’une éventuelle fracture et le pansement des plais, sans recourir à la vengeance au nom du non-appui à ce régime, ni à l’utilisation de la violence pour aller vers un changement ?
J’ai pensé à écrire sur ce choc que ressentent des dizaines de millions d’Algériens, qui se sont abstenus, non pour que Bouteflika reste pour un quatrième mandat- avec tous nos respects pour leur choix- mais plutôt, parce que ces élections allaient nous disloquer davantage et approfondir nos blessures. Elles auraient pu aussi provoquer plus de haine et de règlement de comptes en fonction de l’appui et de l’opposition, ce qui nous aurait obligés à demander plus d’excuses à notre patrie, car on ne se serait pas échinés à en faire la meilleure des patries.
Pardon mon Algérie, car on ne mérite pas de porter ton nom, nous qui prétendons t’aimer et t’adorer, nous reconnaissons nos faiblesses et nos limites, ainsi que notre incompétence à provoquer le changement que nous escomptons, qu’escomptent nos enfants et qu’escomptaient jadis, nos martyrs.
Pardon ma patrie, car tous les candidats aux présidentielles et leurs partisans n’ont pas pu présenter d’alternative, ni convaincre le peuple de la nécessité d’un changement, en dépit des tentatives de certains.
Pardon ma patrie, on voulait sauver le pays et les êtres, et nous voici donnant une nouvelle bouffée d’oxygène à la corruption, qui rallongera la vie des crises politiques, morales, sociales et économiques …
Pardon ma patrie au nom de tous les abstentionnistes et les boycotteurs qui n’ont pas participé aux élections, pour leur conviction que le jeu est clos et que leurs voix ne seront pas entendues par les urnes. Leur abstention a, cependant, créé la différence et qui était, de ce fait, une raison pour le maintien de la corruption et la fabrication d’agenouillés.
Pardon ma patrie pour tous les préjudices successifs qui t’ont atteinte et pour toutes les contraintes qui menacent tes hommes et tes institutions, tandis que nous, nous restons comme de lâches spectateurs, aux mains trop courtes pour les protéger et les défendre.
Pardon mon pays, cinquante ans sont passés depuis ton indépendance et tu n’as point réalisé de progrès à cause de nos différends, de nos surenchères et de l’accaparement du nationalisme par certains, oh combien nombreux.
Pardon, mon pays, de ne pas avoir pu faire face aux tambourins, aux lèche-bottes et aux hypocrites qui se sont alliés contre toi pour répartir égoïstement tes richesses et nous laisser les déceptions collectives. Ces gens-là, on va les voir unis en un seul bloc, comme s’il n’y avait aucun différend politique entre eux hier, mais plutôt, un rapport d’intérêts.
Pardon mon pays, après que les masques soient tombés, les duperies se poursuivront et les fantômes vont sortir pour répartir les recettes. Eux prennent et ne donnent pas, promettent et n’accomplissent pas, mentent, manigancent, puis déclarent avec hypocrisie et surenchère aimer la patrie et sa stabilité plus que nous.
Pardon mon pays, on se retournera contre nous-mêmes par notre incapacité à te satisfaire. La terre continuera à tourner, et nous, nous continuerons à avoir le pain de honte entre nos mains et nous continuerons à avaler davantage d’illusions malgré l’amertume de leur goût. L’incapacité se poursuivra, l’injustice se centralisera, l’accaparement deviendra l’outil de l’oppression, voire du dénigrement. Et nous, chère patrie, on continuera à observer la défaite, après que nos mains soient ligotées par les voix des votants. On continuera à attendre la joie, et si l’impatience se lassera de nous, elle nous transférera en explosion.
En fin de compte, je ne voudrais m’excuser au nom du peuple, car je ne suis pas son délégué. Toutefois, je suis sûr que nombreux de mes compatriotes veulent s’excuser pour leur manquement, qu’ils soient partisans, opposants ou boycotteurs !
Oh chère patrie ! Nous craignons de mourir sans pouvoir te rendre ce que tu as fait pour nous, ni pouvoir faire de toi un beau pays qui nous contiendrait tous. Nous craignons que nos enfants grandissent dans nos pratiques et les reproduisent à leur tour. Nous ne pouvons actuellement que nous contenter de te dire : que Dieu te protège ma patrie !