Rôle de l’armée et du DRS, corruption : quand les grands sujets du pays sont absents de la campagne

Y penser toujours, n’en parler jamais. Ce principe politique est particulièrement à l’œuvre durant cette campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril. Si, depuis ces trois dernières années, le sujet a occupé les médias jusqu’en Italie et au Canada, personne n’en parle ouvertement. La corruption qui a marqué le dernier mandat d’Abdelaziz Bouteflika est dans tous les esprits, mais sur aucune lèvre. Ali Benflis, ancien ministre de la Justice, aurait pu s’emparer du sujet et proposer par exemple de renforcer le pouvoir des juges anticorruption mais, silence radio !

Aucun candidat n’évoque ces questions comme si elles étaient de gros mots à ne pas prononcer. Même Louisa Hanoune, la passionaria en panne d’arguments électoraux, aurait pu en faire un fonds de commerce mais elle préfère évoquer d’improbables complots étrangers contre l’Algérie plutôt que de se saisir de ce thème d’importance.

Si la lutte contre la corruption est absente de la campagne, il en est de même pour l’autre grand débat qui a animé la pré-campagne des six derniers mois : le rôle de l’armée et du DRS. La violence des attaques menées par des partisans d’Abdelaziz Bouteflika contre le DRS, la mise à la retraite d’office de hauts généraux du service de renseignement et le démantèlement de plusieurs de ses directions, auraient pu donner lieu à des passes d’armes et des propositions sur le sujet, mais là encore, silence dans les rangs des candidats.

À croire que les mouvements initiés par Abdelaziz Bouteflika et les mises en cause par Amar Saâdani ne sont pas des sujets d’importance pour le futur de l’Algérie. Qui pourrait vouloir porter un regard politique sur le rôle de l’armée et sur celui du DRS si ce n’est le Président, officiellement chef des armées ? Ceux qui aspirent à devenir président n’ont-ils pas intégré cette dimension dans leur éventuel futur emploi ? À croire, pour les différents candidats, que l’Algérie est un pays tout à fait différent de celui observé par les médias indépendants du DRS et des clans militaires.

Enfin, il est un sujet économique majeur dont aucun candidat ne tient à se saisir véritablement : le futur économique du pays à l’heure de recettes pétrolières et gazières moins riches qu’aujourd’hui. Penser l’après-pétrole dans cette campagne et faire des propositions sérieuses et chiffrées relève, là encore, d’une grossièreté à ne surtout pas prononcer.

Ni corruption, ni DRS, ni armée, ni après-pétrole. En réalité, durant cette campagne, l’Algérie est un tout autre pays pour des candidats qui peuvent, en revanche, partir dans de grandes envolées sur des sujets tout à fait mineurs. Il s’agit là d’une sorte de campagne électorale de l’autruche. C’est, là aussi, tout le désespoir de cette élection où les vrais enjeux sont, une fois encore, particulièrement absents. Tout comme le premier des candidats.


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