La chronique de Hafid Derradji. La révision de la Constitution, cette autre ruse de la « fratrie »

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Dans quelques jours, l’entourage immédiat du Président nous sortira de ses bagages le projet de révision constitutionnel, le troisième depuis l’avènement de Bouteflika à El Mouradia. Le cercle présidentiel « rejouera » la chanson maintes fois entendue à l’heure de « fakhamatouhou »: la continuité et ses deux vertus cardinales, la stabilité, la sécurité et la quiétude. Pour la circonstance constitutionnelle, la « fratrie » louera les mérites du Président. Et en applaudira le bilan comme elle l’a fait à chaque « kermesse » électorale et à l’occasion d’une précédente révision constitutionnelle qui a dépouillé le Premier ministre de ses maigres prérogatives exécutives pour les « confier » de facto au conseiller de frère du Président.

Le temps d’un pseudo débat, les deux chambres du Parlement adopteront la mouture à une écrasante majorité sans y toucher et sans faire bouger une seule virgule. À ce moment-là, la « fratrie » aura bouclé un autre épisode de fourberie dont ils gavent le peuple à satiété. Le « décisif » chantier de la révision constitutionnelle achevé, d’autres chantiers complémentaires suivront : la dissolution du Parlement, la tenue d’élections législatives anticipées, un énième remodelage du parti du FLN après l’en avoir débarrassé de Amar Saadani et, au sortir du ramadan,  mise en place d’une nouvelle équipe gouvernementale. Ainsi se déploiera le « bouquet » institutionnel de Bouteflika IV avec une étape « justice » qui expédiera – pour mieux les classer – quelques dossiers compromettants pour des figures de l’entourage présidentiel.

Si elle passera, bien entendu, comme une lettre à la poste, la mise en œuvre de cette batterie de « scénarios » ne suscitera pas un consensus quasi-général. Des pans de l’opposition, du peuple et quelques cercles du pouvoir n’y adhéreront pas et. Bien au contraire, ils y verront un nouveau subterfuge pour prolonger le bail de la « fratrie » dans des conditions éloignées de ce qui a été promis par le Président, qu’il s’agisse de restituer la parole libre au peuple souverain ou de transmettre le flambeau de la responsabilité exécutive à une nouvelle génération qui ne sait pas haïr, ne tient pas rancune, ne se venge pas à coup de règlements de compte et ne s’approprie pas biens et richesses du « beylik » !

Loin d’être une étape décisive dans la concrétisation du changement tant « chanté » par le Président et tant attenté par les Algériens, la révision de la Constitution sera une énième période de « drible politique ». Le changement participera de l’illusion et l’Algérie n’en finira pas avec ses problèmes socio-économiques, avec l’érosion des valeurs vertueuses,  avec la rapine et les manœuvres de neutralisation du champ politique.

En choisissant le passage en force via la « non-démocratique » procédure d’adoption parlementaire, la révision de la Constitution ne sonnera pas l’heure de l’État civil tant vanté et ne créera pas les conditions de restauration de la confiance. Bien au contraire, c’est la crise de confiance qui finira par s’ancrer irrémédiablement dans la maison Algérie, par la faute d’un exécutif peu respectueux pour la Loi fondamentale, les institutions de la République et les hommes en charge des organes de l’État. L’illusoire révision constitutionnelle bouclée, l’entourage du Président continuera de « vibrer » pour son projet « national » : le maintien au pouvoir, la poursuite de l’ « enlèvement » de l’État et la vengeance contre tous ceux qui ne partagent pas les idées et « projets » de la « fratrie ».

Vendue par la « fratrie » et la cohorte de laudateurs comme un tournant majeur vers des lendemains meilleurs, la révision constitutionnelle accouchera, au contraire, d’entraves à l’avènement de ce futur d’espérance. Très vite, les Algériens réaliseront que rien ne change et rien ne changera car l’Exécutif , ses mœurs et sa manière de concevoir la politique et la gestion de la vie publique  n’auront pas changé.

La résolution des problèmes de l’Algérie relève moins d’une partielle révision  constitutionnelle que de la neutralisation de pratiques politiques et immorales instaurées par une « fratrie » qui fait tout pour réduire les institutions de l’État à un simple décor. Une « fratrie » qui mène l’Algérie vers l’explosion. Les périls sont si pesants que d’aucuns parmi les observateurs prédisent le pire des évolutions. Ils redoutent la prochaine rentrée centrale, y voient un moment jalonné d’incertitudes et vont jusqu’à prévoir que le Président n’aille pas au bout de son quatrième mandat. La faute, arguent-ils, à une révision constitutionnelle qui n’aura pas imprimé une dynamique mais planté un décor jamais vu dans l’histoire institutionnelle du pays : un pays placé entre les mains d’une « fratrie ».  

derradjih@gmail.com


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