Retour sur la présence controversée des associations algériennes au Forum Social Mondial de Tunis

FSM Tunis

Avec 1200 personnes et 675 associations représentées, l’Algérie était présente en force à Tunis lors du Forum Social Mondial (FSM) qui s’est tenu du 24 au 28 mars dernier.

Durant les deux derniers jours du FSM, des débordements impliquant des citoyens algériens ont entaché le bon déroulement des rassemblements. L’image véhiculée par certains membres de la délégation nationale a fait couler beaucoup d’encre alors que les associations présentes se sont  désolidarisées de ces agissements et continuent à clarifier les choses.

Entretien avec Ali Sahel, Président de l’ANEJ (Association Nationale des Échanges entre Jeunes) et également Président du collectif syndical et associatif algérien.

Comment a été organisée l’arrivée de la délégation algérienne à Tunis ?

Tout un travail a été fait en amont avec trois semaines de préparation en Tunisie pour accueillir la forte délégation algérienne sur différents plans : logistique, thématique, mise en place des stands. Un comité de pilotage composé de huit membres a été mis en place dans ce sens-là. Avant l’arrivée de la délégation il y avait six personnes présentes en Tunisie.

Qu’en est-il du groupe qui a provoqué les échauffourées. Les responsables ont-ils été identifiés ?

Le groupe de perturbateurs ne dépassait pas la cinquantaine de personnes. Un nombre important est composé d’étudiants, quelques associations étudiantes et des associations de jeunes dont je ne donnerai pas les noms pour éviter des confrontations. Il faut être juste, dans des associations il y a des individus biens et d’autres moins biens. Le comportement est avant tout individuel et ce que j’ai reproché aux Tunisiens c’est de blâmer la délégation algérienne dans son ensemble. C’était une des plus fortes délégations étrangères, on ne peut pas viser les 1200 personnes présentes.

Le FSM est un lieu de débat, d’idée, d’un projet de société. Ce groupe n’a rien à voir avec la charte du FSM. Je condamne une nouvelle fois ce comportement indigne. Plus de 1000 personnes étaient actives, et participaient au débat constructif. Ce groupe d’individus a donné une image néfaste de la jeunesse algérienne.

Des mesures vont-elles être prises, à l’avenir, pour contrôler la composition des futures délégations algériennes ? Quelles sanctions ont été prises contre les fauteurs de trouble ?

On a eu une discussion avec les responsables tunisiens et le président du Forum maghrébin. Nous avons discuté sur ces comportements qui ne représentent pas l’ensemble de la délégation algérienne. Nous avons demandé à ce que la plainte qui a été déposée par le coordinateur du Forum social en Tunisie soit retirée. Mes informations confirment que la partie tunisienne a demandé le retrait de la plainte déposée auprès du tribunal de Tunis. Il n’y a aucune poursuite juridique ou pénale.

Nous avions aussi demandé à ce qu’un communiqué soit rédigé pour mieux expliquer les choses et indiquer qu’il s’agit d’un petit groupe et non la délégation algérienne dans son ensemble. Ces individus se sont exclus eux-mêmes, ils se sont marginalisés par leur pratique. Nous travaillons d’ailleurs sur un espace qui permettra à l’ensemble des associations actives au niveau du Forum de traverser ensemble à l’avenir et exclure automatiquement les éléments problématiques.

Pensez-vous que la responsabilité des organisateurs tunisiens est engagée sur la tenue de certaines thématiques ?  

Il faut comprendre qu’il y a une grande influence marocaine sur le FSM. Il y a des sujets qui touchent un peu la politique intérieure de l’Algérie. Comme lorsqu’on fait une thématique sur Tindouf. Tindouf est une wilaya qui est intégrée dans le territoire national et de dire qu’à travers Tindouf, on exporte le terrorisme vers le Maghreb, c’est un peu provocateur. Il y a eu des sujets tels que celui concernant les sahraouis, où l’on a dit que les camps de réfugiés étaient des prisons alors que ces réfugiés sont reconnus par les Nations-Unies, le droit international, sont subventionnés par le PAM (Programme Alimentaire Mondial) et sont aussi reconnus par l’Union Européenne et son parlement.

Je dirais que les responsables tunisiens portent l’entière responsabilité des évènements. Premièrement, nous avons fait plusieurs réunions avant l’ouverture du Forum, eux-mêmes étaient présents. Au vu de la forte participation algérienne, nous avions demandé à ce qu’elle soit partie prenante dans toutes les instances dirigeantes et organisationnelles du forum pour encadrer cette délégation. L’accord a été donné par le premier responsable du Forum, mais cet engagement n’a pas été respecté.

Ensuite l’information circulait mal, nous n’avions pas les données nécessaires qui nous permettaient de nous préparer. Et enfin, nous avons payé pour six stands de 18m² et une tente de 50m² afin de permettre à l’ensemble des associations d’être visibles durant le Forum. Au final, nous avons seulement eu la grande tente. Ça a poussé les jeunes à se rassembler dans un seul espace alors qu’on voulait répartir ces stands par thématiques.  Les Tunisiens n’ont pas joué le jeu.

Que répondez-vous aux personnes qui accusent les pouvoirs algériens et marocains d’avoir envoyé les fauteurs de troubles ?

Le Maroc a l’habitude d’envoyer des gens, ce n’est pas nouveau. Ils l’ont fait à Nairobi en 2007, à Dakar en 2011 où ils ont frappé des sahraouis et les ont exclu du Forum. La presse n’en avait pas parlé. Cette fois-ci les Marocains sont venus moins nombreux mais toujours avec un groupe. Pour le groupe d’Algériens, je ne pense pas que ce soit le régime qui l’ait envoyé. Je n’arrive pas à expliquer ce comportement, ce sont avant tout des étudiants pas des travailleurs.

Au sujet du débat sur le gaz de schiste, pensez-vous que les défenseurs de l’exploitation de ce type de gaz présents au FSM puissent avoir été missionnés par l’État algérien ?

Concernant le gaz de schiste, il y avait des associations qui étaient pour et d’autres contre, chacune a fait une thématique dans un esprit démocratique. Étant donné que ces débats ne peuvent pas être organisés en Algérie, je dirais que c’était positif, que le sujet a été débattu de manière objective lors du Forum en Tunisie.

Globalement, quelle leçon tirez-vous des évènements ?

Je positive les choses. Au-delà de ces groupes qui ne représentent pas l‘Algérie moderne, tolérante et conviviale il y a eu des associations de jeunes, d’étudiants qui ont fait un travail remarquable qui est passé inaperçu chez la presse nationale. Ce travail autour de thématiques qui étaient constructives, a été reconnu par nos partenaires et les ONG étrangères présentes au Forum. Ça a permis au Collectif associatif algérien de faire participer de nouvelles associations puis par la suite de faire une sélection pour que le prochain FSM (organisé au Canada) regroupe des personnes utiles à l’Algérie et à l’humanité.

Justement, vous ne pensez pas que la délégation algérienne était trop importante, d’où les difficultés de gestion ?

C’était une folie de prendre 1200 personnes d’un collectif d’associations qui ne se connaissent pas. On a pris des personnes d’associations les plus mûres pour leur confier des responsabilités. Il y avait un comité de pilotage de huit membres mais certains étaient nouveaux. Il faut reconnaitre qu’il y a eu des défaillances au niveau du collectif. Mais, ce moment nous a permis de faire une autocritique et de constater des insuffisances. La leçon que l’on tire c’est qu’il faut fournir plus de travail et se concerter davantage. Nous n’avons pas le droit de faire des erreurs dans ce genre de forum, tous les pays sont présents et il faut donner une bonne image de l’Algérie.

La société civile algérienne doit faire l’effort d’initier des espaces de concertation. On en a les capacités. Désormais, notre souhait est d’organiser le prochain Forum maghrébin en Algérie. L’idée a été proposée et nous allons travailler dessus.

Finalement, malgré tout ce qu’il s’est passé, il y a eu des moments solennels comme lors de la marche de clôture où Marocains, Mauritaniens, Algériens, Tunisiens et Sahraouis étaient réunis. Il y avait tous les drapeaux, aucun pays n’était exclu.


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